Mesdames et Messieurs les Députés, chère Béatrice Bellamy, chère Céline Calvez, cher Erwan Balanant,
Mesdames les Sénatrices, chère Sonia de la Prévoté, chère sabine Drexler, chère Sylvie Robert,
Mesdames et Messieurs les Élus,
Monsieur le président du Conseil national de l’ordre des architectes, cher Christophe Millet,
Monsieur le président de la mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques, cher Roland Peylet,
Monsieur le directeur général des patrimoines et de l’architecture, cher Jean-François Hébert,
Mesdames et Messieurs les présidents des écoles d’architecture,
Monsieur le président de la Cité de l’architecture et du patrimoine, cher Julien Bargeton,
Madame la présidente de l’académie d’architecture, chère Catherine Jacquot,
Mesdames et Messieurs les directeurs et directrices des écoles nationales supérieures d’architecture,
Mesdames, Messieurs, chers amis,
Le Grand Prix national de l’architecture que j’ai le plaisir de remettre ce jour à Gilles Perraudin est l’occasion de célébrer l’excellence, mais aussi de regarder ensemble l’histoire d’une discipline qui, en quarante ans, a beaucoup évolué.
Il y a dans, dans notre pays, un profond besoin d’architecture.
Rénover le bâti existant, imaginer de nouvelles façons de vivre et d’habiter, s’adapter aux transitions écologique et numérique, ce sont autant de défis qui nécessitent l’engagement de toutes celles et ceux qui font l’architecture aujourd’hui.
Parce que seule une politique publique ambitieuse permettra d’être à la hauteur de ces défis, j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui les grandes lignes de la nouvelle stratégie nationale pour l’architecture, que je souhaite conduire à partir de 2025 et jusqu’en 2029.
Cette stratégie ne sort pas de nulle part.
D’abord, parce qu’elle a été nourrie de tout le travail mené ces dernières années. Et parce que depuis début 2024, nous avons engagé un travail de concertation avec l’ensemble de l’écosystème architecture.
Je veux saluer en particulier les 93 Conseils d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement, le Réseau des 32 Maisons de l’architecture (RMA), les associations de professionnels dans leur diversité, qui seront pleinement mobilisés au côté du ministère pour déployer cette stratégie nationale.
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Mesdames et Messieurs, cette nouvelle stratégie s’adresse à celles et ceux qui, par leur travail, leur passion et leur engagement, font l’architecture d’aujourd’hui et de demain.
Car l’architecture, ce sont d’abord des professionnels.
Des architectes, des agences, des entreprises, qui sont au plus près des réalités territoriales, au plus près des attentes des habitants. Des professionnels qui réfléchissent à leur pratique pour la perfectionner sans cesse, à l’épreuve du terrain.
Ces professionnels ont aussi besoin de nous, besoin d’être accompagnés et soutenus dans un contexte économique difficile.
Aujourd’hui, des déserts architecturaux apparaissent : si l’on ne fait rien, certains départements n’auront plus aucun architecte en exercice dans dix ans. Aujourd’hui déjà, de belles agences d’architecture, en Île-de-France comme en région, ne trouvent pas de repreneurs.
En lançant le Printemps de la ruralité, j’ai souhaité agir au plus près de ces territoires. Et je continuerai à le faire avec cette nouvelle stratégie nationale, en demandant aux DRAC de territorialiser un maximum cette stratégie nationale, pour qu’aucun territoire ne soit laissé de côté.
Nous allons créer ainsi, dès le 1er mars 2025, une nouvelle école nationale supérieure d'architecture dans l’île de la Réunion, afin de mieux recouvrir les besoins architecturaux des Outre-mer. Cette école sera notamment en mesure d’agir au plus près des besoins de reconstruction à Mayotte. Nous allons également lancer une formation post-master qui sera portée par le réseau scientifique et pédagogique « Perspectives rurales » via l’école nationale supérieure d’architecture de Clermont-Ferrand.
Cet engagement permettra de lutter contre les déserts architecturaux en incitant et en préparant les jeunes architectes à s’installer en milieu rural.
Mais, pour avoir des professionnels, il faut avoir des étudiants, et il faut donc faire évoluer l’enseignement supérieur et la recherche à travers un cadre de formation renouvelé.
La France peut être fière de son réseau d’une vingtaine d’écoles nationales d’architecture – l’école de la Réunion sera la 21e. Ce réseau forme chaque année 20 000 étudiants en architecture.
Pourtant, ce nombre n’est pas satisfaisant.
Il n’est pas satisfaisant parce qu’il est insuffisant au regard des besoins, mais aussi parce que ce n’est pas la demande qui manque !
On arrive au paradoxe d’une société qui a besoin de plus d’architectes, de jeunes qui veulent le devenir, mais d’écoles qui n’ont pas été assez accompagnées à ce stade pour permettre d’accroître le nombre d’étudiants qui s’engagent dans cette voie et rejoignent ensuite la profession.
Je ne me satisfais pas de cette situation.
L’objectif que je donne aujourd’hui, c’est une augmentation de 20 % des étudiants sur dix ans. Cela implique notamment des projets d’extension des écoles existantes ou le développement d’antennes, en particulier dans les régions qui n’ont pas d’école d’architecture. Je suis prête à considérer ces hypothèses.
Je souhaite par ailleurs, et de façon complémentaire, renforcer les liens entre enseignement, territoires et pratiques professionnelles. Je veillerai à ce que les enseignements des programmes de recherche-action et les résultats des dispositifs expérimentaux portés par mon ministère, tels « Engagés pour la qualité du logement de demain » ou la consultation internationale « Quartiers de demain », bénéficient pleinement aux écoles d’architecture et à l’ensemble des professionnels du secteur.
Je veux surtout que ces jeunes qui se lancent dans les études d’architecture puissent se préparer au mieux à la vie professionnelle qui les attend. Une des clefs, à mon sens, c’est l’apprentissage. Certaines écoles le font d’ores et déjà, avec d’excellents résultats. Ce qui fonctionne doit être généralisé.
L’alternance, c’est le meilleur moyen de rapprocher les étudiants du monde professionnel. C’est aussi un moyen de disposer d’une rémunération, dès le début de son master. Pour beaucoup d’étudiants qui, sans être nécessairement boursiers, ont tout de même du mal à joindre les deux bouts, cette possibilité de l’alternance, c’est une vraie solution.
Je crois que nous pouvons faire encore plus pour l’ouverture sociale dans les études supérieures.
Je demande aux équipes du ministère de la Culture et aux écoles de travailler vite pour que toutes les écoles d’architecture proposent d’ici deux ans une formation en alternance. À horizon de 5 ans, toutes les écoles accueilleront 20 % d’étudiants issus de filières professionnelles ou technologiques.
Vous connaissez mon attachement à l’égalité des chances. Nous la devons à ces étudiants qui sont l’avenir de la profession. Je veux que toutes les ENSA rejoignent le programme « parcours égalité des chances » dès 2026.
J’ai été très frappée par la crise qui a touché nos écoles nationales supérieures d’architecture en 2023. Je souhaite poursuivre l’amélioration des conditions de vie et d’études des étudiants et les faire participer à la vie de ces établissements. En plus des moyens financiers supplémentaires alloués aux écoles en 2023 et 2024, j’ai demandé à mes services de réviser les textes réglementaires pour alléger le rythme des études et renforcer les expériences professionnelles pendant leur scolarité.
Pendant les Jeux de Paris, les étudiants ont conduit un projet ambitieux, les 20 pavillons des Archi-Folies. Ce magnifique projet m’a confortée dans une idée : il faut généraliser les pédagogies basées sur le « faire », sur la construction. Parce que c’est la compétence centrale qu’on attend d’un architecte.
Ce qu’on a réussi à faire avec le sport, on peut aussi le réussir avec un autre sujet majeur : le logement. Je souhaite donc lancer une nouvelle édition des Archi-Folies, permettant aux étudiants, aux écoles et aux enseignants de concevoir 21 appartements démonstrateurs, pour penser le logement de demain.
L’accès au logement est un enjeu immense, la situation dramatique de Mayotte l’a encore une fois démontré. Les écoles d’architecture devront proposer des solutions durables, accessibles et innovantes, qui font la part belle aux nouveaux matériaux, biosourcés, géo-sourcés, issus de filières locales. C’est évident qu’on ne construit pas pareil à Marseille, à Lille, ou encore à Rennes.
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Si l’architecture de demande se construit dans les écoles, je crois aussi qu’elle doit être toujours mieux promue auprès des décideurs publics et privés.
Je rencontrerai prochainement des maîtres d’ouvrage et je veillerai par exemple à ce que la dimension architecturale soit prise en compte dans les grandes opérations nationales, comme celles de la rénovation énergétique des équipements scolaires, des bureaux ou du logement social.
Je veux rappeler que l’effort financier de l’État pour la rénovation de ses bâtiments, c’est 2,7 milliards d’euros au titre du plan de relance, et que cet effort continue. Des moyens sont à disposition pour de grandes réussites architecturales.
Au-delà de la question des moyens, c’est aussi un sujet de formation, d’ingénierie et de soutien technique. Aujourd’hui, on a des élus locaux, des maires, des associations, qui ont besoin de conseils dans leurs maîtrises d’ouvrage, et qui ne trouvent pas de réponses. Je veux les accompagner, et leur donner les moyens de leurs ambitions.
Une réforme de la mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques sera engagée dès 2025 pour renforcer le soutien et l’accompagnement de l’État en la matière.
J’ai bien conscience que l’aménagement du territoire et la prise en compte des enjeux architecturaux, patrimoniaux et urbains, ce peut être une source de complexité.
C’est pour cela que l’État a su s’entourer de professionnels capables de mettre leur expertise au service des porteurs de projet. Cette expertise et cette capacité de conseil, on la retrouve notamment chez nos architectes-conseils de l’État qui, en plus de leur activité privée, consacrent une quarantaine de jours par an à soutenir nos services publics sur ces sujets. C’est un atout, et j’ai souhaité justement que le nombre de vacations soit multiplié par deux, pour que les territoires qui en ont le plus besoin puissent bénéficier de leur aide.
Les élus locaux portent également une grande responsabilité dans l’aménagement et beaucoup d’initiatives positives se développent à cette échelle. Nous devons offrir un espace de dialogue, de rencontre, pour toutes celles et ceux qui agissent au quotidien en faveur d’une architecture de qualité, au service des habitants.
Je veux donc que l’on fédère une communauté des élus engagés pour la qualité architecturale et pour une construction responsable, avec qui le ministère pourra organiser des ateliers territoriaux, pour mieux diffuser les bonnes pratiques. Des formations et une clarification de l’offre d’ingénierie disponible seront réalisées dans ce nouveau cadre de collaboration.
L’architecture, Mesdames et Messieurs, c’est l’affaire de tous. L’architecture, c’est notre logement, notre lieu de travail, l’environnement dans lequel se déploient nos existences. Je veux donc que les citoyens soient de véritables acteurs de leur cadre de vie. Pour cela, il faut donner des clefs de compréhension, des moyens pédagogiques.
La sensibilisation du public et l’éducation des plus jeunes est une priorité de cette nouvelle stratégie nationale. Nous allons renforcer les contenus pédagogiques en lien avec l’architecture au sein de l’offre du pass Culture, et développer également les ressources numériques en la matière. Visites de chantiers, prix et distinctions, manifestations et expositions, actions de médiation : tout doit être entrepris à cet égard.
Les Journées nationales de l’architecture viendront renforcer en 2025 l’ambition qui est la mienne de démocratiser davantage encore l’architecture avec cette année pour thématique les « Architectures du quotidien. »
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Mesdames et Messieurs, je l’ai dit tout à l’heure : les défis qui attendent notre société sont immenses. Mais j’ai la conviction que l’architecture est une partie de la solution.
Les architectes, en s’appuyant sur les écoles et leurs laboratoires de recherche, ont vocation à devenir chefs de file de la transition écologique. Pour renforcer leur rôle dans la transformation des bâtiments existants et des territoires, mon ministère financera 100 contrats doctoraux supplémentaires sur ce sujet à horizon de 5 ans.
Face au changement climatique, à la nécessaire adaptation de nos cadres de vie, l’architecture apporte des réponses que nous devons accompagner collectivement sur notre façon « d’habiter le monde ». Et ceux qui font mine de ne pas comprendre n’ont qu’à regarder ce qu’il s’est passé dernièrement dans le Pas-de-Calais, ou plus récemment encore avec le cyclone Chido à Mayotte.
Mon objectif, c’est le maintien, voire le renforcement, de l’intervention d’architectes pour ces territoires soumis à de forts aléas climatiques et à de fortes contraintes sociales et sanitaires, parce que ce sont ces territoires qui nécessitent le plus des compétences singulières.
À Mayotte notamment, le rôle des architectes est essentiel pour accompagner les populations à sortir des bidonvilles grâce à une nouvelle offre résidentielle plus durable et inclusive, tenant compte des particularités mahoraises. C’est toute la filière qui est aujourd’hui mobilisée pour nos compatriotes de Mayotte.
Je conduirai également une réflexion, en interministériel, sur le sujet de la réhabilitation. Est-ce qu’il est acceptable aujourd’hui, alors que la réhabilitation devient un secteur dominant, qu’une partie des opérations soient réalisées sans la compétence d’un professionnel de l’architecture ? La réponse est dans la question.
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Mesdames et Messieurs, vous l’aurez compris, cette stratégie a été construite pour accompagner l’ensemble des acteurs français de l’architecture, dans tous les territoires et à tout moment de leurs parcours.
Pour la mener, j’aurai besoin de chacun d’entre vous : architectes, enseignants, étudiants, associations, élus, services de l’État. Je veux donc lancer dès 2025 un comité interministériel pour l’architecture, pour mettre tout le monde autour de la table, et trouver ensemble les meilleures solutions possibles.
Je vous remercie.