Réalisateur exigeant et humaniste, Christian de CHALONGE s'est éteint le 6 décembre à l'âge de 88 ans. Il laisse le souvenir d'un cinéaste discret et rigoureux, attaché à faire du cinéma un outil de lucidité sociale.
Né en 1937 à Douai, diplômé de l'IDHEC, Christian de Chalonge avait fait ses premières armes comme assistant auprès de grands réalisateurs : Henri-Georges Clouzot, Alain Jessua, Tony Richardson. Profondément marqué par l'esprit du Free Cinema britannique et son attention aux réalités sociales, il avait développé une approche exigeante du cinéma, refusant les facilités d’un divertissement trop commercial.
En 1968, son premier long-métrage, Le Saut, consacré aux travailleurs immigrés portugais, avait remporté le Prix Jean-Vigo. Le film révélait déjà sa volonté de « crever des abcès de la société », d'interroger les injustices et de donner la parole aux invisibles. Cette ligne de conduite ne l’avait jamais quitté.
Dix ans plus tard, L'Argent des autres avait marqué un tournant dans sa carrière. Le film avait reçu le Prix Louis-Delluc en 1978, puis les Césars du meilleur film et du meilleur réalisateur l'année suivante. Christian de Chalonge y développait ce qui allait devenir sa signature : un cinéma moral, porté par les dilemmes de conscience.
Cette œuvre avait aussi inauguré une fidélité artistique rare avec Michel Serrault, devenu son acteur fétiche. Ensemble, ils avaient tourné cinq films, dont Malevil (1981), Docteur Petiot (1990) et Le Comédien (1997). Christian de Chalonge avait le don de révéler chez ses interprètes une profondeur insoupçonnée, les plaçant face à des personnages ambigus, jamais manichéens.
Peu prolixe, scrupuleux dans ses choix, il avait construit son œuvre lentement, variant les genres tout en gardant une cohérence : du néoréalisme social à la science-fiction, du thriller historique aux adaptations littéraires de Supervielle ou Aragon. À la télévision, il avait signé des épisodes de la série Maigret et adapté trois pièces de Molière, prouvant sa capacité à transcender les formats.
Ce conteur d'histoires humaines aura porté un regard lucide sur son époque, explorant sans relâche la question de la responsabilité individuelle face aux compromissions collectives. Son cinéma restera comme un témoignage précieux d’une certaine idée de l'engagement artistique, où l'exigence formelle sert toujours le questionnement moral.
J'adresse mes plus sincères condoléances à son épouse, Dominique Garnier, à sa famille et à ses proches, ainsi qu'à l'ensemble de ses collaborateurs pour qui il demeure une source d'inspiration.
Rachida DATI
Ministre de la Culture