La ministre de la Culture a appris avec émotion le décès de Michel Laclotte, personnalité essentielle du monde des musées et de l’histoire de l’art, disparu dans sa quatre-vingt douzième année.
Né en 1929 à Saint-Malo et formé à la Sorbonne et à l’Ecole du Louvre, Michel Laclotte a commencé sa carrière à « l’inspection des musées de province », auprès de Jean Vergnet-Ruiz qui lui confia la mission d’inventorier et de rassembler les œuvres de la collection Campana, opération qui devait aboutir à la création du musée des primitifs italiens au Petit Palais d’Avignon, inauguré en 1976. De cette période passionnante il acquiert une connaissance parfaite des riches fonds des musées de province français et renforce son engagement jamais démenti en faveur de leur reconnaissance et de leur mise en valeur. En 1965 il prend la succession de Germain Bazin à la tête du département des peintures du Louvre, et voit désormais sa carrière se confondre largement avec la vie du musée. En tant que conservateur en chef du département des peintures, il procéda au réaménagement des salles et mena une politique d’acquisitions aussi ambitieuse qu’exigeante, aboutissant notamment à l’entrée dans les collections nationales, en 1978, de ce chef-d’œuvre de la renaissance italienne qu’est le portrait de Sigismondo Malatesta par Piero della Francesca, une acquisition dont il était légitimement très fier.
Nommé en 1987 directeur du musée du Louvre, il fut l’un des acteurs essentiels du projet du Grand Louvre lancé par François Mitterrand, conduisant un immense programme de rénovation et d’extension du musée dans le respect des lieux historiques, mais défendant aussi résolument le choix contemporain de la pyramide d’Ieoh Ming Pei face à des polémiques virulentes. En 1992, il devint, logiquement, le premier président de l’Etablissement public du Louvre et ce jusqu’à sa retraite en 1994.
Artisan d’entreprises essentielles, Michel Laclotte devint à partir de 1972 le défenseur et le promoteur du projet de transformation de la gare d’Orsay en musée. C’est ainsi qu’il assura, entre 1978 et 1986, la direction de l’équipe de préfiguration du musée d’Orsay, veillant à la définition du projet, au rassemblement des collections et aux choix muséographiques.
Outre son implication au tout premier rang dans ces réalisations majeures, Michel Laclotte portait une attention jamais démentie à la recherche et la pratique de l’histoire de l’art. C’est ainsi qu’il fut, durant ses plus de 50 ans de carrière, le commissaire de nombreuses expositions marquantes, parmi lesquelles De Giotto à Bellini à l’Orangerie en 1956, Le XVIe siècle européen au Petit Palais en 1965, Georges de La Tour à l’Orangerie en 1972, L’Ecole de Fontainebleau au Grand Palais également en 1972, dont il assura le commissariat avec Sylvie Béguin, et Le Siècle de Titien au Grand Palais en 1993.
Spécialiste internationalement reconnu de la peinture française et de la peinture italienne des XIVe et XVe siècle, il s’est plus particulièrement intéressé à l’école d’Avignon, publiant en 1960 un ouvrage essentiel intitulé L’Ecole d’Avignon, la peinture en Provence au XIVe et XVe siècle. Cette spécialisation exigeante, qui l’avait amené à correspondre avec Bernard Berenson ou Federico Zeri et à se lier d’amitié avec Roberto Longhi, pour lequel il professait une grande admiration, n’entamait pas sa curiosité pour les autres périodes de la création artistique ni pour les artistes contemporains parmi lesquels il comptait des amis comme Avigdor Arikha ou Pierre Soulages. Conscient d’avoir « eu de la chance », comme il le disait lui-même, il publia en 2003 un volume de souvenirs, Histoires de musées. Souvenirs d’un conservateur.
Extrêmement attentif à l’actualité et aux méthodes de la recherche, Michel Laclotte dirigea la Revue de l’art entre 1988 et 1991 et eut à cœur de faire partager ses connaissances et sa passion pour la peinture italienne notamment à travers son enseignement à l’Ecole du Louvre. Au-delà, il joua un rôle crucial dans la création de l’Institut national d’histoire de l’art dont il dirigea la mission de préfiguration de 1995 à 2000 et dont il devint ensuite le vice-président du conseil scientifique.
L’engagement de Michel Laclotte pour la cause des musées – il fut le généreux donateur d’une soixantaine de dessins italiens et français au musée des Beaux-Arts de Rennes - et l’extrême exigence avec laquelle il mena les projets majeurs qui ont jalonné sa carrière, lui ont valu les plus hautes distinctions : il était commandeur de la Légion d’Honneur, commandeur de l’ordre national du Mérite, commandeur de l’ordre des Arts et des Lettres et avait également reçu plusieurs distinctions étrangères.
La ministre de la Culture adresse à sa famille, à ses proches et à ses disciples ses plus sincères condoléances.