Un point de départ : une ambition culturelle pour la biodiversité
Et si, par les relations qu’ils tissent avec le vivant, les arts de la scène pouvaient remettre l’humain à sa juste place dans la chaîne du vivant ? C’est cette question que des artistes et professionnels, toutes disciplines confondues – théâtre, danse, musique, marionnettes, cirque, arts de la rue – ont explorée dans le cadre du programme Création & Vivant. Si les enjeux climatiques sont désormais pris en compte dans les politiques culturelles, la question de la biodiversité demeure quant à elle en retrait. Le programme, lancé fin 2024, vise à rééquilibrer cette approche et à affirmer que la transition écologique implique également une transformation des représentations, des récits et des sensibilités.
« Le vivant, il régule le climat, il nous nourrit, il nous soigne, on respire grâce à lui, et il n'y a pas que les arbres, il y a la mer, on s'habille, on s'inspire, on s'abrite et on s'émerveille grâce au vivant. »
Gilles Boeuf« Le vivant est source de surprise, d’inattendu. Il donne forme à l’inconnu, à ce qui n’existe pas encore. »
Jean-Philippe Pierron
Il s’agit d’envisager la création comme un espace de dialogue avec le vivant, et un vecteur de transformation des représentations. Pour faire émerger cette dynamique, le programme Création & Vivant s’est structuré en quatre grandes étapes complémentaires : Écouter, Vibrer, Éclore, Irriguer.
1. Écouter — L’enquête (fin 2024 – février 2025)
Pour ancrer sa démarche, le programme a débuté par une enquête nationale menée auprès de structures culturelles soutenues par le ministère de la Culture.
Son objectif : mieux comprendre comment les professionnels du spectacle vivant perçoivent leur lien au vivant, et dans quelle mesure ce lien façonne ou questionne leurs pratiques artistiques.
168 personnes ont répondu, représentant une grande diversité de disciplines (théâtre, danse, musique, arts de la rue, opéra, cirque, marionnette…), de statuts et de territoires.
Le questionnaire a permis de recueillir un matériau sensible et profondément engageant : récits, émotions, doutes, émerveillements, convictions et inquiétudes face aux bouleversements écologiques.
Plusieurs constats forts se dégagent :
- Un attachement profond à la nature, souvent à l’origine du geste artistique ou comme ressource émotionnelle et sensorielle
- Une anxiété lucide face à la dégradation du monde vivant, source de désarroi mais aussi de responsabilité
- Le désir d’agir sans culpabilité ni injonction, mais avec justesse, complexité et créativité
L’enquête a également révélé une attente forte de mise en réseau, de partage d’expériences et de structuration collective.
Sur cette base, une cartographie émotionnelle du secteur a pu être dressée, révélant des polarités riches et nuancées : de la sidération à l’élan, de la solitude à la volonté de transmission.
Ce premier temps a permis d’identifier une première cohorte de passeurs et passeuses du vivant : des artistes et professionnels déjà engagés dans des démarches sensibles à l’écologie, capables d’inspirer, de relier, de faire récit.
C’est avec ces premiers éclaireurs que s’est construite la suite du programme.
2. Vibrer — La journée-immersion (30 avril 2025)
Le 30 avril 2025, une journée de travail s’est tenue au musée de la Chasse et de la Nature, réunissant plus de 80 participants, dont 65 acteurs issus de toutes les disciplines du spectacle vivant : musique, danse, théâtre, arts de la rue, cirque, marionnettes, formes pluridisciplinaires…
Construite à partir des résultats de l’enquête, cette journée-immersion visait à interroger la place du vivant dans les pratiques artistiques, en croisant regards sensibles, approches scientifiques et retours d’expérience de terrain.
La matinée a été ponctuée d’interventions stimulantes :
- Gilles Boeuf, biologiste, ancien président du Muséum national d’histoire naturelle
- Jean-Philippe Pierron, philosophe
- Frédérique Aït-Touati, chercheuse au CNRS et metteure en scène
- Jérôme Bel, chorégraphe
- Chloé Latour, metteure en scène et dramaturge, co-directrice de la S-Composition
L’après-midi, les participants ont été répartis en 13 groupes de travail, organisés autour de quatre grands champs :
- Explorer le vivant pour s’en inspirer
- Interroger le propos artistique
- Faire du vivant un partenaire de création
- Intégrer le vivant dans la conception des projets
Ces travaux collectifs ont permis de formuler des pistes concrètes et des besoins partagés.
3. Éclore — Le référentiel (mai – juillet 2025)
À la suite de la journée-immersion, le programme Création & Vivant a engagé une phase de co-construction pour aboutir à un référentiel inédit, destiné à toutes les disciplines du spectacle vivant.
Conçu par des artistes et acteurs de la culture sensibles au vivant, convaincus des possibles qu’il ouvre à la création, et désireux de les partager avec un large cercle de professionnels, il ne prescrit pas : il révèle toutes les questions à se poser dès lors que l’on cherche à tisser davantage de liens entre création et vivant, quelle que soit la discipline artistique.
Sa construction s’est appuyée sur deux ateliers en ligne, qui ont permis :
- D’élaborer une définition collective du vivant
- D’enrichir les pistes de réflexion issues de la journée-immersion
- De formaliser les grands axes à explorer pour intégrer le vivant dans un processus créatif
Le référentiel investigue l’ensemble des champs mobilisés dans une création intégrant le vivant :
- Explorer le vivant
- Interroger le propos
- Faire du vivant un partenaire de création
- Faire du vivant un partenaire de conception
Il sera rendu public à l’occasion de sa présentation officielle le 20 juillet au Festival OFF d’Avignon, avant d’être mis à disposition de l’ensemble des professionnels souhaitant s’en emparer.
4. Irriguer — La transmission (à partir du 20 juillet 2025)
Avec la présentation publique du référentiel à Avignon, le programme Création & Vivant entre dans son ultime phase : celle de la mise en circulation active des contenus, de la mobilisation des réseaux et de l’activation des relais de terrain.
Les passeurs et passeuses du vivant — artistes, responsables de structures, partenaires institutionnels — prennent désormais le relais.
Ils seront les vecteurs d’une nouvelle cartographie des récits.
L’ambition est claire : faire vivre le référentiel sur le temps long, en s’appuyant sur les communautés déjà mobilisées et en favorisant son appropriation au sein du spectacle vivant.
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