Le Manoir de Courboyer est l’un des plus grands manoirs du Perche. Il est aussi l’un des plus emblématiques. Expression de la renaissance économique et agricole du bas moyen-âge, il est classé MH depuis 1981. Objet d’une restauration soutenue par l’Etat à travers le dispositif France Relance, il a ouvert les portes de son chantier à plusieurs classes de la région dans le cadre du programme « Une école, un chantier », dispositif d’éducation artistique et culturelle du ministère de la Culture, durant toute l’année scolaire 2021-2022. Une restitution des travaux conduits par les élèves vient d’être réalisée (1er juillet 2022) et une exposition sera proposée jusqu’en octobre. L’occasion pour la DRAC de Normandie d’en présenter les grands étapes et de mettre en avant ce monument remarquable.
Le Manoir de Courboyer
Les premières mentions écrites de cet édifice figurent dans une charte de l’évêque de Sées en 1233. Il détaille un ensemble de terres et de revenus dépendants de l’abbaye de Saint Denis de Nogent le Rotrou. Le manoir relevait de la châtellenie de Bellême. D’abord, site défensif primitif, délaissé à la fin du XVe siècle au profit d’un manoir plus adapté au mode de vie des seigneurs de Nocé et à la gestion de leur domaine agricole, il fut probablement construit, ainsi que la chapelle, par Jehan de Courboyer à la fin du XVe siècle (cf. l’analyse dendrochronologique pratiquée sur la charpente qui situe la date d’abattage des bois en 1495 ou 1496). La lignée des Courboyer s’éteint en 1594 avec la mort de Maris de Courboyer. Ses filles vendent le domaine à Pierre de Fontenay, seigneur de la Reynière. Avec lui commence une longue période de délaissement partiel, puis à partir de 1680, d’inoccupation du manoir. Le domaine est alors exploité par des fermiers et le logis seigneurial se dégrade. A partir de 1733, il bénéficie toutefois de travaux importants après son achat par Pierre de Barville. A la fin du XVIIIe siècle, la Révolution chasse les derniers seigneurs de Courboyer et au début du siècle suivant le domaine est converti en ferme. Au fil des années, Courboyer passe aux mains de plusieurs propriétaires. Il bénéficie de plusieurs campagnes de travaux à partir des années 1980, mais c’est surtout l’acquisition et l’installation du Parc régional du Perche au début des années 2000 qui lui ouvre de nouvelles perspectives et lui permet de devenir l’emblème du Perche. Après une inscription à l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques en 1926, le manoir a été classé en 1981 pour ses façades, couvertures et quatre de ses cheminées. Malgré son éclat, l’édifice souffre d’une importante vétusté. Aussi, en étroite concertation avec les services de la conservation régionale des Monuments Historiques (DRAC de Normandie), un diagnostic a été commandé en 2017 à M. Benoît Maffre, architecte du patrimoine, pour établir un bilan sanitaire complet de l’édifice et des propositions de travaux. L’urgence sanitaire concerne bien évidemment les toitures, mais l’intérieur, resté dans la configuration donnée par les propriétaires privés, nécessite également à moyen terme d’importants travaux pour accueillir le public selon les normes exigées et dans de bonnes conditions, notamment en matière de sécurité et d’accessibilité. Le programme prioritaire de restauration, établi en concertation avec l’administration du Parc porte sur la restauration des couvertures. Il vise à rétablir les souches de cheminées et les lucarnes. Cette figure symbolique du Perche, le Manoir de Courboyer, recueille toute l’attention du ministère de la culture et de la DRAC de Normandie.
Un chantier France Relance
Le Manoir de Courboyer bénéficie par ailleurs du dispositif France Relance pour la restauration de sa toiture, la mise en place d’un système de collecte des eaux pluviales et la restitution des maçonneries des parties hautes (soutien global de la DRAC : 420 000 € pour un chantier couvrant les années 2021, 2022 et 2023).
Une Ecole, un chantier
Le dispositif d’éducation artistique et culturelle « une école, un chantier » a pour objectif de toucher des publics scolaires de tous milieux géographiques, urbains ou ruraux. Il se veut, pour les scolaires, être une incitation à l 'appropriation du patrimoine monumental, archéologique et artistique et de son histoire, de la pratique culturelle dans les sites et de la découverte des métiers.
Lancé en 2018 et s’appuyant sur la charte pour l'éducation artistique et culturelle du 8 juillet 2016, ce dispositif repose sur trois piliers : la rencontre, la pratique, la connaissance. Il consiste notamment sur l’accueil de scolaires au sein de chantier et sur la présentation des monuments historiques, des visites de chantiers, des ateliers en lien avec les techniques de fouilles ou de restauration (vitraux, sculptures, peintures, tailles de pierre, gestes de l’archéologue).
Des CP, CE1 et CE2 au manoir de Courboyer
Le projet a débuté il y a presque un an avec l’accueil au Manoir d’une classe de CP à la fin du mois d’aout 2021. Objectif premier : une présentation historique, des éléments architecturaux et des travaux programmés. In extenso, deux classes sont revenus, en octobre 2021 pour découvrir le chantier (échafaudages) et les métiers. Les élèves ont été invités à travailler sur la mise en place du chantier (reportage photos) et à échanger sur les différentes étapes du projet, sur l’identification des différents métiers présents sur le site (charpentiers, maçons, couvreurs).
Les élèves sont revenus en décembre 2021 à l’Ecomusée du Perche pour une étude autour des spécificités architecturales locales, des techniques anciennes de construction et sur les matériaux utilisés. Des ateliers ont permis aux élèves de travailler sur une maquette du projet : couvrir le prototype d’un toiture en tuiles plates, réalisation d’un badigeon (chaux + colorants) sur carton et en papier épais, la fabrication de petites tuiles/briques et d’une tomette.
Pour aller plus loin et rattacher le Manoir au reste du village de Nocé, un nouvel atelier a été conduit en mars 2022. Il a permis aux élèves de faire le lien entre les matériaux de construction constitutifs de l’habitat local et le Manoir, moment fort nourri d’explications sur l’architecture religieuse et complété d’activités pédagogiques : orientation de l’église à l’aide d’une boussole, jeux de miroirs…
Dans le prolongement, les élèves (2 classes) se sont rendus sur place pour assister à l’évacuation de la charpente abîmée et échanger avec les charpentiers. Une idée a alors jailli : installer un trésor dans le mur accueillant la nouvelle poutre (24 mars 2022).
Le 6 avril, pour compléter le programme, deux charpentiers (de l’entreprise Guillet) sont venus à l’école pour présenter leur métier aux enfants (présentation des outils, démonstration de gestes, traçage au sol…).
De nouveau, en partenariat avec l’Ecomusée du Perche, les élèves ont planché les 3 et 6 mai sur « la maison d’autrefois et la maison d’aujourd’hui ». Des ateliers de recherche et de compilation d’éléments anciens ont permis la réalisation de petite maquette de longère en papier, de réalisation d’enduit.
Pour parfaire ce moment, une visite de la briqueterie de l’Hôme Chamondot et de l’atelier Guillet au Pin la Garenne a permis de visualiser toutes les étapes nécessaires à la fabrication d’un brique (extraction d’argile, façonnage, séchage, cuisson…) et de faire la transposition sur les étapes nécessaires à la fabrication des tuiles.
Enfin, le 1er juillet, pour couronner ce parcours, une restitution des travaux accomplis par les élèves a été proposée. Le résultat est exposé à l’écomusée de juillet à octobre 2022 et s’insère dans le programme l’exposition « Les écoles du Parc s’exposent ».
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