Madeleine Françoise Basseporte (1701-1780)
Fille d’un marchand de vin établi à Paris, Madeleine Basseporte témoigne dès son jeune âge d’un sens aiguë de l’observation et d'un goût pour le dessin. D'après sa nécrologie parue en 1781, elle se forme auprès de Paul Ponce Robert de Seri (1686-1733), peintre du cardinal de Rohan. L’artiste prend la jeune femme sous sa protection et l'introduit dans les milieux aristocratiques et scientifiques qu'il fréquente. Comme en témoignent quelques portraits réalisés au pastel, elle reçoit un apprentissage complet et maîtrise cette technique. Mais, il semble que ce soit comme miniaturiste et illustratrice pour l'édition qu’elle trouve à exercer ses talents au tout début de sa carrière. Sa collaboration à l'illustration du Spectacle de la Nature (1732-1750) du naturaliste Noël-Antoine Pluche (1688-1761) marque ses dispositions pour l’illustration botanique et scelle son destin original et isolé, à l’exception de Maria Sybilla Merian (1647-1717), de première femme Peintre du Jardin du Roi. Elle succède officiellement à Claude Aubriet (1665-1742) dont elle est l'assistante depuis 1735, comme peintre en miniature, en 1741. Cette reconnaissance prestigieuse, qui l'émancipe du genre et de la condition plus ordinaire des « peintres de fleurs », consacre une position originale au croisement des sciences et des arts. Elle travaille en étroite collaboration avec les scientifiques du Jardin royal des plantes tels que Bernard de Jussieu (1699-1777) dont elle a exécuté un portrait au pastel, Louis Jean-Marie Daubenton (1716-1799) et surtout le comte de Buffon (1707-1788) qui la tient en grande estime.
Dans cette charge, elle poursuit l'enrichissement de la précieuse collection de vélins initiée par Gaston d'Orléans (1608-1660), frère de Louis XIII. Ces peintures réalisées avec soin obéissent à une mise en page codifiée laissant peu de place à la créativité. Rassemblées dans des portefeuilles, leur fonction première est de reproduire fidèlement les richesses naturelles des collections royales acclimatées dans les jardins botaniques et les ménageries royales. Elles constituent également des documents de référence pour les scientifiques tout en participant à travers la copie et l'édition au renouvellement du vocabulaire décoratif de l’industrie de la porcelaine, de la soierie ou du papier peint.
En parallèle des activités liées à sa charge (300 vélins lui sont attribuées), Madeleine Basseporte se rend, à la demande de Louis XV et de Madame de Pompadour, à Versailles, Compiègne, Fontainebleau et Bellevue pour reproduire plantes et oiseaux. Elle donne des leçons particulières de dessin botanique aux filles du roi, comme Pierre-Joseph Redouté (1759-1840) le fera pour Marie-Louise, seconde épouse de Napoléon. Ses biographes soulignent ses qualités de professeure. Elle initie et forme de nombreux artistes, notamment de futures académiciennes comme Marie-Thérèse Vien (1728-1805) et surtout Anne Valayer-Coster (1744-1818) dont les natures mortes comme Panaches de mer, lithophytes et coquilles semblent faire écho aux collections du Jardin du roi et aux leçons de Madeleine Basseporte.
Plusieurs travaux récents ont mis en lumière la carrière originale de cette artiste. On trouvera sa biographie par Neil Jeffares dans le Dictionnary of Pastellists before 1800 paru à Londres en 2006. Pour comprendre l’histoire et les spécificités de l’illustration naturaliste à travers la collection de vélins du Muséum national d’histoire naturelle, on se reportera au bel ouvrage illustré Les vélins du Muséum d’histoire naturelle publié en 2016 par les éditions Citadelles & Mazenod, sous la direction de Pascale Hurtel (Barbara Bréjon, p. 51-52). L’article, consacré à l’artiste (p. 58) dans 1740 Un abrégé du monde. Savoirs et collections autour de Dezalier d’Argenville, publié en 2012 sous la direction d’Anne Lafont, insiste plus particulièrement sur le caractère emblématique de sa carrière en ce qu’elle témoigne de la place des femmes dans les milieux des arts et des sciences du 18e siècle. Natania Meeker et Antonia Szabari, dans un article paru en 2016 dans le numéro 6 de la revue Arts et Savoirs, à travers les conditions de production et de réception des illustrations botaniques de Madeleine Basseporte, s’intéressent à la marginalisation des femmes illustratrices et à la manière dont elles ont négocié leur position sociale. L’exposition Royalists to Romantics: Women Artists from the Louvre, Versailles, and Other French National Collections que le National Museum of Women in the Arts de Washington a consacré en 2012 aux femmes artistes françaises lui a ménagé une place parmi les 35 artistes exposées.
Dominique Vandecasteele
Sélection d'oeuvres de Madeleine Françoise Basseporte conservées au Muséum national d'histoire naturelle
Bibliographie
Jeffares Neil, Dictionnary of Pastellists before 1800, Londres, Unicorn Press, 2006
Hurtel Pascale, Les vélins du Muséum d’histoire naturelle, Paris, Citadelles & Mazenod, 2016
Lafont Anne (dir.), 1740, Un abrégé du monde. Savoirs et collections autour de Dezalier d’Argenville, Lyon, Editions Fage, 2012
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