Laurence Bloch a été notamment conseillère des programmes de France Culture, puis directrice adjointe de cette antenne. Elle est aujourd'hui directrice de France Inter, où elle a rendu l'antenne plus paritaire.
Votre talent et votre engagement font de vous une personnalité emblématique du monde de la culture. Quelles sont les principales étapes de votre parcours ?
Le moment décisif de mon parcours professionnel a eu lieu au tout début de ma carrière, lorsque j’ai décidé d’accepter un stage de longue durée à Radio France qui s’appelait encore l’ORTF plutôt que de poursuivre mes études dans une prestigieuse école de relations internationales aux Etats-Unis. Je connaissais cette maison pour y avoir réalisé un tout premier stage d’été à la rédaction de France Inter et j’avais tout de suite été captivée par l’éclectisme des métiers et la puissance de la radio pour raconter le monde. J’ai appris le métier pendant 10 ans et c’est Jean-Marie Borzeix, alors directeur à France Culture, qui, en 1989, m’a proposé de le rejoindre comme conseillère de programme puis directrice adjointe de la chaîne. Pour me décider à quitter l’antenne et le micro que j’adorais, il a eu cette phrase : « Il n’est plus concevable aujourd’hui que la direction d’une chaîne comme France Culture soit seulement l’affaire d’un homme ».
Ne jamais être là où on vous attend, savoir écouter puis savoir trancher, offrir aux artistes et aux intellectuels un espace de liberté, considérer que les auditeurs sont les seuls juges de paix pour dire la réussite d’une antenne sont les choses qu’il m’a appris en 9 ans d’une collaboration intense et toujours bienveillante. Autre moment décisif dans mon parcours, l’arrivée de Laure Adler à la tête de France Culture. Une femme habitée par un besoin de liberté et d’affirmation de soi qui m’ont bluffée et emportée. Avec elle, les projets ne cessaient jamais, les nuits étaient trop courtes, et l’antenne était portée par une énergie vitale extraordinaire !
Enfin, dernière étape de mon parcours, la décision de Mathieu Gallet de me nommer à la tête de la chaîne généraliste de Radio France, France Inter. Je lui serai toujours reconnaissante de ce choix car la démonstration est faite désormais que le choix de porter haut les valeurs de la culture, du gai savoir et de la transmission rencontre le public.
Dans le domaine culturel, la question de l'égalité entre les femmes et les hommes est encore trop contrastée. Quelle place les femmes occupent-elles dans votre secteur ?
Donner aux femmes, qui représentent ni plus ni moins la moitié de l’humanité, la place qui leur revient est un combat quotidien. Lorsque je suis arrivé en 1980 dans cette maison, c’est une femme Jacqueline Baudrier qui en était la Présidente. Michèle Cotta lui a succédé puis, pendant plus de 30 ans, ce sont des hommes qui ont présidé aux destinées de cette maison.
Aujourd’hui, c’est enfin une femme, Sibyle Veil, qui a pris les rênes, et parmi les postes les plus importants, beaucoup sont occupés par des femmes, tant dans les directions transverses que dans les directions de chaînes, mais il faut aller plus loin.
Radio France s’engage aujourd’hui sous l’impulsion de sa présidente dans un programme égalité 360° pour favoriser la diversité sous toutes ses formes et notamment la parité :parité des voix de l’antenne, parité dans l’expression des experts, parité dans les postes de responsabilité.
Dans le monde culturel comme et en particulier dans le monde audiovisuel, rien ne se fera s’il n’y a pas une volonté farouche de faire bouger les choses, même si la politique des quotas est un levier important et nécessaire. Je constate en tout cas avec beaucoup de joie que, pour les nouvelles générations, la question de l’égalité femmes-hommes n’est plus une question mais doit être un fait établi et acté partout, tout le temps !
Votre engagement au service de l'égalité est connu. Comment se traduit-il dans l’exercice de votre métier et dans votre environnement professionnel ?
Quand j’ai été nommée à la tête de France Inter en 2014, j’avais en tête une conviction très forte : la chaîne généraliste de service public de la radio devait être ancrée très fortement dans son époque, être le relais des préoccupations et des évolutions de la société française, se faire l’écho de la création contemporaine, notamment musicale mais aussi littéraire ou cinématographique, accueillir la pop culture, ouvrir son antenne à ses auditeurs et les considérer comme des partenaires et enfin rencontrer toutes les pratiques digitales… bref qu’elle soit une chaîne résolument et joyeusement moderne, intergénérationnelle et inclusive.
La revendication de la parité notamment à l’antenne a été l’un des marqueurs les plus signifiants à cet égard et j’y ai travaillé avec l’équipe de direction, notamment sur les voix de l’antenne, car elles ont un fort pouvoir symbolique. Le symbolique pèse au moins autant dans le changement des mentalités que la recherche d’une parité mécanique ou sourcilleuse dans la répartition hommes-femmes parmi les experts à l’antenne.
L’éclat des interviews de Léa Salamé dans le 7/9 de France Inter, la puissance du journal de 8h portée par le professionnalisme impeccable et rieur de Florence Paracuellos, l’esprit et le talent d’une Charline Vanhoenacker ou l’extraordinaire pétulance et la pertinence de Fabienne Sintes dans son 18/20 quotidien sont des marqueurs inégalables de l’égalité des hommes et des femmes tant dans le talent que dans la performance ou le sens des responsabilités.
Les femmes parce qu’elles ont la lumière sur elles et qu’elles réussissent, entraînent, emmènent, encouragent les femmes à sortir de l’ombre et à prendre la place qui leur revient.
Quel conseil donneriez-vous aux jeunes femmes qui voudraient entreprendre une carrière dans le domaine culturel ?
Qu’elles aient confiance en elles, qu’elles prennent leur risque et qu’elles foncent. Rien n’est donné mais tout peut se gagner. Qu’elles ne se pensent pas comme victimes mais comme actrices de leur propre vie.
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