C’est une consultation internationale inédite en France qui mobilise à la fois l’excellence architecturale, urbaine et paysagère au bénéfice des quartiers prioritaires. Mardi 2 décembre, Quartiers de demain a révélé, pour chaque site, le projet lauréat parmi les trois finalistes, à l’occasion de l’inauguration de l’exposition éponyme s’ouvrant à la Cité de l’architecture et du patrimoine.
Cela faisait près de quarante ans, depuis les années 80 avec Banlieues 89 porté par Roland Castro, qu'une compétition internationale d'architecture pour les quartiers populaires n’avait pas eu lieu en France. À Caen, Colmar, Corbeil-Essonnes, Coulommiers, Le Mans, Lodève, Manosque, Marseille, Pessac et Sedan, trente équipes d'architectes ont travaillé sur des projets d’aménagement, en concertation avec les habitants. Zoom sur trois de ces projets, situés à la fois dans des zones urbaines et semi-rurales et qui répondent à trois problématiques fixées par la consultation : faire avec le « déjà là », faire quartier au quotidien et s’adapter aux transitions sociales et écologiques.
À Lodève, repenser l'espace public face aux transitions sociales et écologiques
En plein cœur du Parc naturel régional des Grands Causses, Lodève (Occitanie) est la plus petite et la plus rurale des dix villes sélectionnées pour Quartiers de demain. Le projet de transformation porte sur les berges, encore délaissées, de la Lergue et de la Soulondres, deux rivières qui se rejoignent dans le centre-ville. Le projet prévoit un nouvel espace public ludique et de détente, des îlots de fraîcheur qui répondent aux impératifs du changement climatique et, à la confluence entre les deux cours d’eau, un lieu de baignade.
Pour ce projet, le lauréat l’Atelier du Rouget a imaginé un système de parcs à partir d’espaces verts déjà existants ou en devenir, comme des sortes de refuges climatiques. Ce système se structure autour du parc de la confluence qui relie les rives et les quartiers grâce à sa position centrale. « Dans ce tissu dense, les habitants ont souvent de petits logements avec peu d’espaces extérieurs. Ce parc était vraiment un moyen de leur proposer un jardin », explique Annaelle Pacaud, paysagiste à l’Atelier du Rouget.
En tout, quatre kilomètres de berges et trente hectares ont été aménagés en s’appuyant sur l’existant. « Nous avons fait un travail de repérage avec l'aide du jury citoyen, notamment en arpentant le territoire, poursuit Simon Teyssou, architecte et fondateur de l’Atelier du Rouget. Nous avons repéré des sortes de polarités, des lieux qui concentrent les activités et les usages. » Ces points ont fait l’objet de micro-aménagements comme un solarium associé à une plage ou un nouveau franchissement du cours d’eau avec un système de gradins pour des activités en famille. Ce franchissement permet aux habitants du quartier médiéval qui ne disposent pas de voiture de se déplacer vers les centres commerciaux en périphérie. D’autres zones plus vastes vont enfin être traitées avec des techniques basées sur des végétaux et matériaux naturels. « L'idée était que l'humain soit davantage de passage et de donner de la place au milieu vivant non humain », complète Annaelle Pacaud.
À Corbeil-Essonnes, un équipement culturel et social dans un lieu emblématique
C’est un lieu aux dimensions exceptionnelles de près de 37 mètres de haut et 50 de diamètre. Au cœur du quartier des Tarterêts de Corbeil-Essonnes (Île-de-France), la chaufferie, bâtiment emblématique du patrimoine industriel du XXe siècle qui a cessé de fonctionner en 2013 et a été inscrit au titre des monuments historiques en 2016, va être réhabilitée et transformée en établissement public ouvert aux habitants du quartier.
Sur ce site, c’est l’agence H2O qui a été sélectionnée. Elle s’est entourée du photographe Myr Muratet et de l’anthropologue Miguel Mazeri pour élargir la dimension sociale du projet avec par exemple des éléments tirés du cinéma comme le documentaire Chronique d’une banlieue ordinaire de Dominique Cabrera avec des habitants du quartier du Val Fourré à Mantes-la-Jolie ou encore le film Nous, dans lequel Alice Diop partait à la rencontre des habitants situés le long de la ligne du RER B. « J'aime bien dire souvent que l'anthropologue n’est pas tout à fait dedans, pas tout à fait dehors, mais tout contre le projet, résume Miguel Mazeri. Il adhère d'abord aux préoccupations des habitants et aux relations que ces habitants nouent avec leur territoire, mais favorise également une sorte de culture de la discussion publique à petite échelle. »
Ainsi, la démarche collaborative de Quartiers de demain s’inscrivait parfaitement dans ce travail avec, dès le début, des tests de programmation ou la co-conception des SuperMeubles, avec les associations, les relais du quartier et les habitants. Ce travail a permis de faire de cette chaufferie « à la fois un phare et un salon repérable de loin, un lieu ressource et d'accueil fréquenté au quotidien par ses plus proches habitants », pour l’architecte Jean-Jacques Hubert. Les interventions sur le bâtiment seront légères – uniquement sur les voûtes et en façade pour améliorer les capacités thermiques et acoustiques – pour préserver l’existant. Les abords du bâtiment seront en revanche modifiés pour relier ce nouvel équipement au quartier.
À Pessac, faire avec le « déjà là » des grands ensembles du XXe siècle
En périphérie de Bordeaux, le quartier de Saige à Pessac est une réalisation emblématique de Jean Dubuisson dans les années 70. C’est l’une des huit tours imaginées par l’architecte, la numéro 8, qui fait l’objet de la consultation dans le cadre de Quartiers de demain. Il était demandé au concepteur de la réhabiliter afin d’y accueillir entreprises et logements pour jeunes actifs ou étudiants et de réfléchir à une coulée verte à travers tout le quartier.
Pour ce projet, l’agence lauréate Perrault Architecture s’est entourée d’une agence d’architecture plus petite : Martinez Barat Lafore architectes, nommés à l’Album des Jeunes Architectes et Paysagistes 2016, et de Inside Outside, agence de paysage néerlandaise, pour le projet de Coulée Verte. « Le travail de Jean Dubuisson avait quelque chose qui n'était pas achevé. Nous nous sommes aperçus, en regardant les croquis assez peu nombreux et assez discrets qu’il y avait un socle qu'il n'a pas pu mettre en œuvre », explique Dominique Perrault. Pour compléter l’œuvre de Dubuisson, les agences ont donc travaillé sur l’horizontalité et à la libération des pieds de tours en donnant la possibilité de traverser les bâtiments avec des activités économiques, ateliers d'artisans et d'artistes au rez-de-chaussée.
Aux étages, le projet prévoit « d’aérer » la tour avec la création d’une « rue verticale » avec un ensemble de terrasses liées par des escaliers et qui permet de réaliser des logements traversants et donc naturellement ventilés. « Nous allons aussi donner quelque chose qui manque terriblement dans l'architecture de Dubuisson : des communs de différentes tailles, pour différents usages et avec des vues différentes », explique Sébastien Martinez-Barat, de MBL Architectes. D’autres modifications ont été apportées à la structure du bâtiment : le toit sera rendu accessible et transformé en jardin clos et des balcons filants créés.
- Caen : Superlangevin par La Soda ;
- Colmar : Le parc refuge de la plaine Pasteur par Base ;
- Coulommiers : Écoles Lisières, penser l’incertitude par Cathrin Trebeljahr ;
- Le Mans : Le Grand-Échafaudage, par Raum404 et Estran ;
- Manosque : La Plaine sportive et ludique de la Ponsonne par Topotek 1 ;
- Marseille : Faire quartier autour d’un paysage renaissant par Atelier Marion Talagrand ;
- Sedan : Le parc de la Citadelle par Lab705.
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