Pour la troisième année, le ministère de la Culture participe au Salon des maires et des collectivités locales, qui se déroule du 19 au 21 novembre, en parallèle du Congrès des Maires organisé par l’Association des maires de France. Cet événement, qui a accueilli 60 000 visiteurs l’an dernier, permet de valoriser l’action du ministère auprès des élus locaux.
Pendant ces trois jours, le ministère organise six table-rondes et conférences sur différents aspects de sa politique en lien avec les collectivités, avec une attention particulière portée aux quartiers prioritaires de la politique de la ville et aux territoires ruraux. Il permet, dans ces espaces, de protéger et valoriser le patrimoine comme dans le centre-ville de Saint-Omer, de soutenir la création contemporaine grâce à la commande artistique publique, et de favoriser l'accès de tous à l'art et à la culture avec le plan Culture et ruralité, lancé cette année. Zoom sur ces trois réalisations concertées avec les élus de terrain.
Le plan Culture et ruralité : repenser la culture en milieu rural
Près d’un tiers des Français vivent en milieu rural, soit près de 22 millions de personnes pour qui l’offre culturelle est souvent moins importante que pour le reste de la population. « La ruralité reste, trop souvent, un impensé de nos politiques culturelles, ce qui n’empêche pas que les territoires ruraux soient le lieu d’une vie culturelle particulièrement riche. Cette vie culturelle en ruralité, il faut la reconnaître, et mieux l’accompagner », constatait, en juillet dernier, la ministre de la Culture Rachida Dati. C’est pour réfléchir à une évolution de la politique culturelle dans ces zones qu’a été lancée, en janvier dernier, une grande concertation nationale sur l’offre culturelle en milieu rural : le Printemps de la ruralité.
Pendant deux mois, en février et mars dernier, une consultation numérique a été mise en ligne avec des questionnaires destinés à quatre groupes d’acteurs : habitants, représentants de collectivités, acteurs culturels et acteurs du monde associatif. Plus de 35 000 connexions ont été enregistrées – dont 16 % d’élus - avec au total plus de 21 000 réponses, parmi lesquelles celles des représentants de bourgs ruraux de 500 à 5 000 habitants. En parallèle, une quarantaine de rencontres ont été organisées sur tout le territoire par les Directions régionales des affaires culturelles (DRAC et DAC), auxquelles les élus et l’ensemble des partenaires ont une fois de plus été associés, afin de faire émerger des propositions innovantes. Elles ont réuni plus de 3 500 personnes.
Cette consultation a débouché sur le plan Culture et ruralité, dévoilé en juillet dernier. Il comporte 23 mesures regroupées en 4 axes - valoriser, soutenir, faire circuler et accompagner. « Elles constituent une approche cohérente, ambitieuse et concrète. Ce plan s’appuiera sur le concours et la force d’initiative des collectivités locales, souvent les principaux contributeurs aux projets soutenus », poursuit la ministre de la Culture. Dix-neuf d’entre elles sont ou vont être lancées dès 2024. Ce sont certaines de ces mesures qui seront présentées lors du Salon des maires, avec notamment le GIP Cafés Cultures et ses fonds d'aide destinés à soutenir l'emploi artistique et technique du spectacle vivant dans les lieux de proximité comme les cafés, hôtels et restaurants ou lors de fêtes de quartier ou de village. Depuis sa création en 2015, le GIP Cafés Cultures a soutenu plus de 4 000 établissements et a aidé plus de 131 000 salaires ; l’objectif du plan est de renforcer encore son action. « Villages en fête » va également soutenir des projets de pratiques culturelles festives et collectives amateurs ancrées dans les territoires tandis qu’un plan de soutien à la diffusion du cinéma – première sortie culturelle des habitants des territoires ruraux – a été lancé avec le CNC avec un accent mis sur les circuits itinérants et les festivals locaux, un renforcement de la médiation dans les salles et la mise en place d'Ambassadeurs pour toucher le jeune public.
Enfin ce plan veut, face aux manques de moyens humains et financiers des collectivités territoriales ainsi que des lieux culturels, accompagner les porteurs de projet par une ingénierie adaptée. C'est, par exemple, apporter un conseil architectural et patrimonial jusqu'au « dernier kilomètre » pour vérifier la faisabilité de projets d’ampleur. C’est ce à quoi concourent les Architectes conseils de l’État en DRAC , en lien avec la Mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques, les CAUE et les Ecoles nationales supérieures de l’architecture dont l’action à destination des territoires ruraux va être renforcée. Dans les bibliothèques, les contrats départementaux lecture, lancés en 2018, sont renforcés d'un million chaque année jusqu’en 2026, avec l'objectif de généraliser le dispositif avec tous les départements d’ici deux ans. De quoi soutenir les missions d'ingénierie des bibliothèques départementales, qui proposent des services aux médiathèques rurales et des petites villes : des collections, des moyens pour monter des projets, animations et manifestations et des formations pour les agents et les bénévoles.
Saint-Omer, un exemple de réflexion collective au service du patrimoine
Près de 112 hectares se confondant avec la ville médiévale intra-muros, dont 21 de jardin public, de nombreuses habitations, des commerces, une cathédrale et, plus au nord, des quartiers façonnés par les canaux et les marais... Le centre-ville de Saint-Omer reste un bijou architectural préservé des deux conflits mondiaux du XXe siècle et des rénovations urbaines. « Une grande partie de l'architecture du Pas-de-Calais date surtout de la reconstruction d’après la Première Guerre mondiale. Mais Saint-Omer, avec ses origines flamandes puis francisée quand elle a été prise par Louis XIV, a gardé son urbanisme et son tissu médiévaux. Elle garde également encore de très belles anciennes devantures commerciales », décrit Stéphane Pilon, Architecte des bâtiments de France à l’Unité départementale de l'architecture et du patrimoine (UDAP) du Pas-de-Calais.
Ce périmètre, qui épouse en grande partie le contour des anciennes fortifications démantelées à la fin du XIXe siècle, est aujourd’hui un patrimoine à sauvegarder. Sa valeur patrimoniale et paysagère avait été reconnu par l’Etat dès 1975 par son inscription au titre du code de l’environnement. Le site a ensuite été inscrit Ville d’art et d’histoire en 1997 puis Site patrimonial remarquable (SPR) en 2016. La mise à l’étude en 2018 d’un plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) était une première à l’époque dans le Pas-de-Calais (il existe 17 SPR aujourd’hui dans le département). Approuvé en février dernier, le PSMV est un document d’urbanisme règlementaire qui permet d’assurer la protection du site à l’échelle du bâti et de ses paysages constitutifs. Une manière de souligner encore plus l’intérêt de la ville au niveau historique, architectural, archéologique, artistique ou paysager et assurer la sauvegarde et la valorisation de ce centre.
Autour de ce document s’est mis en place une démarche de concertation entre les services du ministère de la Culture – par l’intermédiaire de l’UDAP du Pas-de-Calais et la DRAC des Hauts-de-France - et les collectivités locales, à savoir la ville de Saint-Omer et la communauté d’agglomération. C’est cette démarche qui sera au cœur d’une conférence lors du Salon des maires, le 20 novembre. L’architecte Philippe Prost, Grand prix national d’architecture en 2022, a élaboré le PSMV durant 6 ans. Il a arpenté, avec son équipe, les ruelles du centre-ville afin de réfléchir à la mise en valeur du patrimoine tout en intégrant les modes de vie contemporains et les enjeux de la ville du XXIe siècle. Il a réfléchi avec les acteurs locaux et les services de l’Etat notamment aux défis écologiques à relever dans ce quartier et à la manière de les combiner avec le bâti ancien existant. « Ce projet urbain croise plusieurs politiques : celles de l’habitat, du commerce, ou encore des déplacements », poursuit Stéphane Pilon. Pour faire de Saint-Omer une ville vivable face au changement climatique, des îlots de fraicheur pourront être conquis sur près de neuf hectares conquis notamment dans les cours d'école, sur les parkings et même chez des particuliers.
Dans ce dispositif, les missions des Architectes des bâtiments de France, installés au sein des UDAP à l’échelon départemental, prennent toute leur ampleur. Au-delà de l’instruction des dossiers, ce sont eux qui définissent les orientations patrimoniales des rénovations et donnent des conseils sur les aménagements à effectuer, aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur des bâtiments. « Nous apportons une aide et une expertise administrative et technique, résume Stéphane Pilon. Il existe des règles patrimoniales communes donc nous sommes attentifs à la qualité des ravalements, pour lesquels on demande de retrouver les qualités originales du bâti et de faire attention à tout ce qui fait la singularité de l’authentique. » Le ministère de la Culture lance une campagne pour mieux faire connaître le métier d’architecte des bâtiments de France et ses missions, au cœur des politiques économiques locales d'architecture et du patrimoine.
La commande artistique publique, pour diffuser la création contemporaine
Les Deux Plateaux de Buren au Domaine national du Palais-Royal, le plafond de l’Opéra Garnier par Chagall, celui du théâtre de l’Odéon par André Masson et même… l’Aurige de Delphes, dans l’Antiquité. Toutes ces œuvres d’art sont des commandes artistiques. Un dispositif qui existe donc depuis plusieurs siècles mais a été relancé à la création du ministère de la Culture, il y a 65 ans. Il est mis en œuvre par toutes les collectivités qui désirent installer des œuvres d’art contemporain sur leur territoire, principalement dans l’espace public. « Elles peuvent ainsi renouveler la perception d’un site, ou créer des liens avec le patrimoine existant et des monuments déjà présents. Pour les élus, elles représentent un enjeu d'attractivité du territoire, explique Cristina Marchi, cheffe du pôle commande artistique à la délégation aux arts visuels du ministère de la Culture. Il ne s'agit pas d'acquérir une œuvre qui existe déjà, mais bien de répondre à un souhait ; le projet se construit vraiment en fonction du terrain et de ses spécificités. »
Coté ministère de la Culture, deux leviers sont au cœur de ce dispositif. Tout d’abord les Drac et Dac, chargées en région et en Outre-mer de mettre en œuvre la politique culturelle de l'État. Elles sont les premières interlocutrices des collectivités demandeuses et ont un rôle de conseil, de facilitateur pour le projet, notamment lors de la phase d’étude ou après l'appel à candidature. Ensuite, le Conseil national des œuvres d'art dans l'espace public dans le domaine des arts plastiques, une instance nationale organisée par la délégation aux arts visuels, se réunit au moins une fois par an et examine les demandes adressées au ministère de la Culture.
La commande publique artistique est un outil essentiel de diffusion de la création contemporaine, avec des œuvres installées dans un cadre différent, en dehors des lieux dédiés. « L’œuvre touche ainsi un public plus large : non seulement les habitants, mais aussi des personnes qui viennent la voir, et d’autres qui passent par hasard, constate Cristina Marchi. Pour les artistes, il s’agit d’un exercice très spécifique puisqu'il faut intégrer des contraintes particulières lorsqu'on travaille dans l'espace public comme l'urbanisme, la sécurité ou la météo. Ce sont des projets qui ont en général des dimensions exceptionnelles, qui permettent de travailler à une échelle plus importante que dans des galeries et autres lieux dédiés. Pour les artistes, c'est aussi une reconnaissance de leur travail. »
Le Salon des maires est donc l’occasion de rappeler le rôle de conseil et d’accompagnement du ministère auprès des collectivités. « Ce soutien n’est pas uniquement financier mais aussi méthodologique pour des collectivités qui n'ont pas nécessairement les compétences spécifiques pour ce type de projet ou pour la création contemporaine au sein de leur équipe », souligne Cristina Marchi. Toute collectivité, du petit village à la grande métropole, peut en effet réaliser une commande publique artistique, pour donner accès, partout, à ces œuvres.
Ce dispositif de commande artistique n’est pas le seul accompagné par le ministère : le 1 % artistique, qui s’applique aux constructions publiques, est une procédure spécifique de commande publique qui s'impose à l’État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales. Enfin la charte « 1 immeuble, 1 œuvre » s’adresse aux acteurs privés qui souhaitent installer des œuvres d’art dans leurs bâtiments.
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