Depuis cinquante ans, la lecture comme plaisir et loisir diminue fréquemment chez les adolescents : 40% des 16-19 ans ne lisent pas de livres quand ils n’étaient que 10% en 1970. Pourquoi un tel décrochage ? Et - surtout - comment l'endiguer ? C'est la double question que posent les États généraux de la lecture pour la jeunesse, une initiative organisée par le ministère de la Culture et le ministère de l’Éducation nationale, dont l'ambition est de remettre la lecture au cœur des pratiques culturelles des jeunes.
A l'occasion de Biblis en folie, la manifestation nationale qui met en lumière l'univers des bibliothèques et des médiathèques, les États généraux ont suscité, vendredi 3 octobre, une rencontre inédite à la bibliothèque de Clamart avec neuf adolescents du Book club du pass Culture L'objectif ? Écouter la parole de ces jeunes pour comprendre ce qui fait obstacle au développement de leurs pratiques de lecture.
Comment retrouver le goût de lire ?
« Pourquoi nous targuez-vous de ne pas lire et sommes-nous stigmatisés, quand l’exemple que vous nous offrez dans les espaces publics est de vous voir le nez rivé sur votre smartphone ? » La question de Théo, lycéen, est volontiers provocatrice. Elle n'en est pas moins « très pertinente », estime Nicolas Georges, directeur du Service du livre et de la lecture au ministère de la Culture et président des États généraux de la lecture pour la jeunesse, qui rappelle que l'objectif des États généraux est au contraire de « se retrousser les manches pour aider les jeunes et leur donner la conviction que la lecture est utile ». Cette démarche, assure le président des États Généraux, se situe délibérément « au service de la jeunesse » et de la « transmission », très loin donc de toute « stigmatisation »....
Il va sans dire que les adultes ont un rôle essentiel à jouer dans cette transmission. Et les enseignants y œuvrent : Hella Feki, professeur de lettres et de théâtre au lycée Gustave Monod à Enghien-les-Bains, formatrice d’enseignants et écrivain, s’attache par exemple à ouvrir des espaces de parole pour ses élèves à la suite des lectures, et leur laisse parfois champ libre pour choisir leur ouvrage. L’enjeu, pour les jeunes, est de se sentir considérés comme des interlocuteurs valables par les adultes à qui ils choisissent de faire confiance dans leur parcours.
Vaincre les stéréotypes liés à la lecture
Comment les jeunes perçoivent-ils leur rapport à la lecture ? Quelles sont les motivations, mais aussi les freins, qui lui sont associés ? Sous la houlette de Jeanne Seignol (Jeannot se livre), booktubeuse, les neuf adolescents du Book club du pass Culture ont livré leur témoignage sans aucun tabou.
A commencer par l'impact du genre sur le rapport à la lecture. Pendant l'adolescence, l'activité de lecture est encore trop souvent réputée comme féminine. Les garçons sont facilement jugés s’ils lisent dans la cour de récréation : « Pourquoi tu lis, ce n’est pas fait pour toi !», s’était entendu dire par l’un de ses camarades un jeune du Book club anciennement scolarisé en banlieue.
D’après une étude dans le cadre des États Généraux de la lecture en 2025, les professeurs ont une place importante dans les parcours de certains lecteurs. Sur un échantillon de 943 répondants via un questionnaire numérique, 46% des utilisateurs indiquent qu’au moins un professeur leur a donné goût à la lecture. « Je me souviens encore d’un de mes professeurs de français qui m’a appris à aimer la littérature, merci à lui », témoigne l’une des jeunes du Book club du pass Culture.
La lecture, un bienfait universel
L’un des enjeux pour les jeunes est de se sentir reconnus dans leurs goûts et d’être encouragés dans leurs pratiques, plutôt que jugés sur leurs choix de lecture. « La lecture m’a aidée à m’ouvrir. Au collège, j’ai pu créer des amitiés en participant à de nombreux clubs de lecture. Mon seul regret est de ne pas avoir découvert plus de poésie ou de théâtre pendant ces années : le rapport au texte est ludique. » confie Hafsatou. Valoriser cette activité et mettre en avant ses vertus - au bénéfice de tout individu, quel que soit son identité ou sa classe sociale - est donc de mise en 2025.
La lecture, pratique désuète et peu séduisante ? Les neuf jeunes présents ce vendredi 3 octobre s’accordent à dire qu’elle est un excellent moyen de voyager, et un vecteur indéniable de bien-être personnel, qui aura même été pour certains salutaire dans leur parcours de vie : « Dans les livres, les relations sociales se passent de manière parfaite. », confie à nouveau Théo, atteint du trouble du spectre de l’autisme. Le grand paradoxe du lecteur: il peut se confronter à la vie tout en s’évadant.
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