Tous les deux ans, le palmarès des Albums des jeunes architectes et paysagistes et autres voies de l’architecture (AJAP), créés en 1980, met en lumière une nouvelle génération d’architectes et de paysagistes, mais aussi des diplômés en architecture qui explorent d’autres voies professionnelles dans le domaine de l’architecture. Il s’adresse à des professionnels de moins de 37 ans et récompense la pertinence de leurs propositions ainsi que l’originalité de leur approche, leur engagement et leur inventivité pour répondre aux grands défis actuels du secteur : frugalité dans l’emploi des ressources, place du vivant, réparation des territoires...
Cette récompense est également un soutien à ces jeunes professionnels qui s'inscrit dans la politique conduite par le ministère de la Culture et notamment la nouvelle Stratégie nationale pour l’architecture, annoncée en début d’année 2025 par la ministre de la Culture. « Ce palmarès doit permettre d’accélérer la transformation du secteur de l’architecture, identifiée dans le cadre de la nouvelle stratégie nationale, sur les enjeux de réhabilitation, résume Hélène Fernandez, directrice, adjointe à la directrice générale des patrimoines et de l’architecture, chargée de l’architecture et présidente du jury. Il doit éclairer la puissance publique pour reconstruire les liens entre architecture et territoires, démocratiser ce secteur culturel et questionner les modes d’intervention des concepteurs. » . Cette stratégie a pour ambition de promouvoir un cadre de vie de qualité pour tous dans tous les territoires ainsi que de soutenir la jeunesse créative, porteuse des transformations et des innovations qui façonneront le monde de demain, y compris à l’international. Les lauréats bénéficieront à ce titre pendant deux ans d’un programme de valorisation et d’accompagnement, mis en œuvre par le ministère de la Culture en partenariat avec la Cité de l’architecture et du patrimoine et l’Institut français. « Accompagner ces jeunes talents et écouter ce qu’ils ont à nous dire nous oblige en effet à repenser notre action, en invitant les acteurs de l’écosystème à s’adapter aux nouveaux contextes climatiques, sociaux et environnementaux », souligne Hélène Fernandez.
La session 2025 récompense 23 lauréats dans les trois catégories, annoncés mercredi 10 décembre. « En 2025, au regard des mutations de plus en plus prégnantes de notre société, nous avions besoin de retenir des professionnels qui explorent et innovent, en croisant les disciplines, quitte à nous bousculer dans nos certitudes et nos modes de faire, poursuit Hélène Fernandez. J’ai été moi-même très attentive à la fabrication d’un consensus parmi les membres du jury pour aboutir collectivement à une sélection qui soit représentative des territoires, de la diversité des approches et de l’égalité femmes / hommes. » Ils ont été choisis par un jury composé d'une vingtaine d’experts institutionnels, d’architectes, de paysagistes, de journalistes, de maîtres d’ouvrage. Parmi eux, Yolaine Paufichet, vice-présidente du Conseil national de l’Ordre des architectes, Sophie Thollot, directrice du Conseil de l’architecture, de l’urbanisme et de l’environnement des Hauts-de-Seine (CAUE 92) et Antoine Quenardel, paysagiste, cofondateur de l’agence Tout se transforme. Ils livrent leur réflexion sur ces nouveaux lauréats et sur leur réponse aux grands enjeux de l’architecture et du paysagisme.
À titre personnel et professionnel, à quoi avez-vous été particulièrement attentif(ve) pour opérer votre sélection ?
Sophie Thollot : J’ai été très attentive aux documents permettant de percevoir une réelle qualité architecturale des projets livrés, des choix de matérialités, d’écritures, de filières économiques revendiquées, y compris parfois sur des commandes que l’on pourrait qualifier de modestes. J’ai été impressionnée par certains portfolios montrant une intelligence et une modestie pour appréhender la petite échelle, avec un impact indéniable sur nos patrimoines, nos paysages et sur la valeur d’exemple et de réplicabilité potentielle.
J’ai vu également dans certaines candidatures, une capacité de jeunes professionnels à faire émerger des commandes très variées et des programmes hybrides. En tant qu’architecte exerçant dans un CAUE, j’ai été sensible à la catégorie « Autres voies », celle de diplômés en architecture qui, par leur indéniable compréhension de leur environnement, arrivent à faire émerger des sujets en proie à leurs propres questionnements et des réponses parfois très sensibles.
Yolaine Paufichet : En tant qu’architecte et représentante de l’Ordre, j'ai voulu mettre à l’honneur des architectes qui produisent une architecture destinée à toutes et tous. Quel que soit le territoire, quelle que soit l'échelle d'intervention, ces architectes et ces diplômés en architecture mettent leurs compétences au service de l'intérêt public et de la sensibilisation à l'architecture.
J’ai défendu les candidatures qui promeuvent le lien social grâce à un espace public partagé, qui investissent la ruralité jusqu'à la moindre pierre, qui prennent en main la mutation des usages, qui transmettent les savoir-faire, transforment l'héritage architectural, et qui élargissent les enjeux architecturaux au confort d'été, au vivant et au cadre de vie. Je suis aussi particulièrement attachée à la qualité des liens développés avec la maîtrise d’ouvrage et avec les usagers. Ils les ont tissés de la conception, par la représentation du projet, jusqu’à la réalisation, par la finesse des détails exécutés.
Antoine Quenardel : La cohérence du discours jusqu'à sa concrétisation, y compris dans les détails, a contribué à orienter ma sélection. Malheureusement beaucoup de projets n'étaient illustrés que par des images virtuelles, et nous ne savons pas ce que leur mise en œuvre a donné - ou pourrait donner - dans le monde réel !
En tant que paysagiste, j'ai bien entendu été particulièrement sensible à la prise en compte du territoire dans les projets avancés par les candidats, l'attention au contexte physique mais aussi à l'histoire (sous ses diverses formes) d'un lieu. Enfin, la recherche de parité femmes/hommes mais aussi de représentativité géographique afin de couvrir au maximum le territoire national a aussi été un critère de sélection pour l'ensemble du jury.
En quoi les lauréats sont-ils représentatifs selon vous d’une nouvelle génération qui répond aux grands défis professionnels et sociétaux de l’architecture et du paysagisme ?
S.T. : Il me semble que c’est une génération d’architectes et de paysagistes ancrée dans les territoires dans lesquels ils se sont installés. C’est la connaissance des « milieux » dans lesquels ils exercent qui leur permet de leur porter une très grande attention et de répondre singulièrement à la commande.
Un des grands défis c’est d’adapter nos villes, nos villages, nos territoires aux enjeux environnementaux présents et futurs en changeant la façon de regarder, d’exercer, et en interrogeant la maîtrise d’œuvre dans sa pluridisciplinarité, dans les temps d’exercice, dans un format traditionnel d’agence qui doit lui aussi évoluer. Ce sont des professionnels qui doivent se situer aux côtés des maîtrises d’ouvrage et d’usage très en amont des réalisations et revendiquer un accompagnement dans le temps long, du projet à la livraison.
Y.P. : Les défis professionnels et sociétaux d’aujourd’hui n’épargnent personne et cette sélection démontre que la résilience est intrinsèque à notre métier. La nouvelle génération montre comment l’architecture apporte des solutions à nos habitats, nos villes et nos territoires en abordant les questions de biodiversité, de vulnérabilité et des risques majeurs. La qualité architecturale inclut alors la société et l'environnement dans un tout cohérent et dynamique. Voilà notre enjeu : comment redonner l’envie d’architecture au grand public, comment impliquer, comment transmettre, comment engager l'architecte pour le bien-être de toutes et tous ?
A.Q. : Ce qui m'a animé, c'est la recherche d'une diversité de postures et d'approches permettant de dresser un panorama le plus représentatif possible des préoccupations de la jeune génération d'architectes et de paysagistes, reflets des enjeux notamment environnementaux et sociétaux de 2025 : être attentif, prendre soin, construire moins, construire mieux, de manière vertueuse et située, réparer, transformer, construire avec celles et ceux pour qui on construit...
J’ai été sensible à la dimension innovante et exploratoire des projets proposés, pas seulement dans leur matérialisation concrète mais aussi à travers les démarches et les méthodes de travail envisagées, le caractère pluridisciplinaire des équipes et la dimension « sur mesure » du propos et de la réponse vis-à-vis du programme et du contexte.
- Atelier du Ralliement – François Massin Castan ;
- Atelier Lorio – Marion Calmettes et Rémi Crampagne ;
- Bako Studio - Olivia Andriantsimalia ;
- Carmen Maurice Architecture – Carmen Maurice ;
- Exercice – Edouard Danais et Gwendal Le Bihan ;
- Formalocal – Patxi Gardera et Nicolas Matranga ;
- Germain Brunet Architecte – Germain Brunet ;
- Granite Architectes – Matthieu Fares et Skander Mokni ;
- Lao Ludique Architecture et objet – Clément Aquilina, Hélène Bucher, Boris Juillard, Sarah Malnoury, Lise Marche et Jérôme Vatère ;
- Nas Architecture – Hadrien Balalud De Saint Jean, Guillaume Giraud et Johan Laure ;
- Pría – Antoine Gouachon, Elsa Molinard et Giacomo Monari ;
- Remake – Antoine Barjon ;
- Studio Pia – Céline Filippi et Pierre-Louis Filippi ;
- Tout va bien Architecture – Camille Chapin et Stéphane Herpin ;
- 127 AF – Déborah Feldman et Baptiste Potier.
- Acmé Paysage – Hugo Deloncle, Sacha Lenzini et Eleonora Schiavi ;
- La Talvera – Ivanne Gribé ;
- Studio Mathieu Lucas – Mathieu Lucas.
- Atelier Géminé – Antoine Basile et Ulysse Rousselet ;
- École Commune – Louise Priam, Louisiane Vitte, Thimothé Girard et Louis Fournié ;
- Association éditrice de la revue topophile - Sarah Ador, Nolwenn Auneau, Chloé Cattan, Alexis Desplats, Florent Paoli, Martin Paquot, Raphael Pauschitz, Anne Rumin et Alissa Wolf
Marion Verdière ; - Zerm – Romain Brière, Théophile Flécheux, Simon Givelet.
- Hélène Fernandez, directrice, adjointe à la directrice générale des Patrimoines et de l’architecture, chargée de l’architecture : présidente du jury ;
- Julien Bargeton, président de la Cité de l’architecture et du patrimoine ;
- Sophie Bertrand, présidente du Réseau des maisons de l’architecture (RMA) ;
- Céline Bouvier, co-présidente de l’association Architecture et Maîtres d’Ouvrage ;
- Geoffrey Clamour et Antonin Amiot, co-fondateurs de l’agence Les Marneurs, AJAP 2023 ;
- Margaux Darrieus, critique d’architecture, AJAP 2023 ;
- Emmanuelle Déchelette, co-fondatrice de l’agence Déchelette Architecture, AJAP 2023 ;
- Sophie Gentil, directrice de la Fédération nationale des Conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement, représentée par Sophie Thollot, directrice du Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement des Hauts-de-Seine (CAUE 92) ;
- Christine Leconte, directrice de l’École nationale supérieure d’architecture de Paris-Belleville ;
- Olivia Marsaud, responsable du pôle Arts visuels, architecture, design et mode de l’Institut français ;
- Christian Mourougane, président de l’Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la Culture ;
- Yolaine Paufichet, vice-présidente du Conseil national de l’Ordre des architectes ;
- Jean-Manuel Perraudin, associé de l’atelier architecture Perraudin, Grand Prix national de l’architecture 2024 ;
- Lisa Poletti et Marguerite Wable, co-fondatrices de l’Atelier Powa, AJAP 2023 ;
- Pauline Polgar, directrice de la rédaction de Batiactu ;
- Antoine Quenardel, cofondateur de l’agence Tout se transforme ;
- Pauline Sirot, cheffe du bureau des stratégies territoriales, DGALN, représentant le ministère de l’aménagement du territoire et de la décentralisation.
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