Longtemps incertain en raison de la situation sanitaire, WEFRAC – le rendez-vous annuel avec les Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC) – aura finalement lieu les 17 et 18 avril prochains, renversant à son avantage les contraintes actuelles. « C’est une invitation à découvrir quelques-unes des 32 000 œuvres d’art qui composent ces collections publiques remarquées dans le monde entier et qui sont tout près de chez vous », souligne la ministre de la Culture.
Avec cette 5e édition, très justement intitulée « Les Frac à l’air libre », ceux-ci reprennent l’initiative en multipliant les propositions en tout genre : rencontres « en extérieur » avec les collections, rendez-vous en ligne, invitations lancées à des personnalités extérieures, lancement du site internet lesfrac.com…. Bien entendu, l'ensemble de ces événements va avoir lieu dans le plus strict respect des règles sanitaires en vigueur. Le point avec Vitalie Taittinger, présidente de Platform, l’association qui regroupe les 23 Frac.
WEFRAC est le temps fort annuel des Frac. Dans le moment de crise sanitaire que nous traversons, comment l’événement a-t-il pu se réinventer ?
Pendant longtemps, ce rendez-vous est resté incertain. Puis, finalement, nous avons réalisé que le contexte actuel nous donnait l’opportunité de repenser la manifestation. Depuis quelques années, en effet, nous observons que les Frac sont souvent perçus par le public comme un bâtiment – un « musée » – abritant des collections d’art contemporain. C’est en partie le cas, mais on oublie bien souvent une autre des spécificités des Frac : nos collections ont vocation à être mobiles, ce qui nous permet de maintenir un volume d’activités plus important. C’est pourquoi, à l’occasion de cette édition, nous avons souhaité mettre l’accent sur tout un pan de notre activité : les actions hors-les-murs.
Le deuxième axe - que les institutions culturelles ont à vrai dire toutes en partage - c’est l’accélération numérique. Nous n’avons cessé ces derniers mois de développer la médiatisation des œuvres via les canaux digitaux. Nous n’en sommes qu’au début, mais beaucoup de choses ont d’ores et déjà été faites. Ce week-end des Frac « à l’air libre » combine donc actions hors-les-murs et digitales. Avec l’idée de reprendre la main sur certains espaces de liberté.
Des invitations ont également été lancées à des personnalités extérieures – écrivains, comme Marie Nimier ou Bruce Begou, scientifiques, comme Nicolas Lévy, tant d’autres… – qui porteront un regard différent sur la création.
Wefrac est une fête, or il n’y a pas de fête sans invités. C’est la troisième année que nous invitons des personnalités extérieures au monde de l’art. Leur regard sur l’art contemporain, en raison de leur talent, et plus largement du monde auquel elles appartiennent, est une source d’enrichissement pour les artistes et le public.
Par ailleurs, indépendamment de ces personnalités, il y a des gens qui viennent de tous les milieux. Le Frac Champagne Ardennes par exemple invite une traductrice en langage sourd et muet, le Frac Occitanie, un chorégraphe, le Frac Nouvelle-Aquitaine, un skateur… Les regards sont multiples. On peut arriver à l’art quel que soit son bagage. Cette diversité démultipliée permet à plus de gens de se reconnaître dans ce projet.
Cette édition est l’aboutissement d’une réflexion et d’une pratique sur l’année écoulée. Comment les Frac ont-ils vécu cette année ? Les programmes d’acquisition d’œuvres ont-ils pu êtres maintenus ?
Absolument. L’aide aux artistes a eu cette chance de passer par plusieurs biais : par le fait de rentrer dans les collections avec le passage en comité d’acquisition - très souvent d’ailleurs les directrices et directeurs ont fait en sorte que ce comité soit avancé pour que les œuvres puissent être réglées aux artistes en temps et en heure. Des budgets d’acquisition supplémentaires doivent être attribués aux Frac par l’État dans le cadre du plan de relance. En 2020, les Frac ont pu débloquer des sommes supplémentaires sur leurs budgets propres pour soutenir les artistes.
Les Frac ont aussi pour missions d’assurer la diffusion et la médiation autour des œuvres, et peuvent également, à cette fin, faire appel aux artistes. Enfin, les résidences d’artistes ont été particulièrement nombreuses cette année. Par leurs multiples missions, les Frac ont une souplesse quant au déploiement de leurs actions. Dans ce contexte de fermeture, ils ont fait en sorte de trouver de bons compromis dans le respect des règles sanitaires pour atteindre ces deux objectifs qui sont l’aide aux artistes et le fait de toucher les publics.
Par définition, le Frac est disruptif, il s’inscrit en faux par rapport au prêt-à-penser
La mobilité des collections a donc été bien réelle ?
Cela a été un effort de tous les jours auquel est venue s’ajouter une plateforme, lesfrac.com qui est le site internet qui permet d’avoir accès à la totalité du projet des Frac.
Un site qui sera lancé pendant le week-end des Frac.
Il l’est déjà, mais il se remplit de jour en jour et sera pleinement opérationnel pour le week-end des Frac. C’est un travail énorme, tous les Frac ont joué le jeu. C’est un projet de groupe qui n’a de sens qui si tout le monde le suit.
Programmation d’un côté, présentation des collections de l’autre, quel est le but principal de cet outil ?
Lorsqu’un internaute souhaitait avoir une vue d’ensemble de l’activité des Frac, rien n’existait jusque là. Soit il allait sur le site internet du Frac de sa région, soit il était dirigé vers le site de Platform dont le contenu est sommaire. Rien ne donnait une vision globale du projet. Or nous n’accomplissons bien notre mission que si le public a accès à nous. Il nous fallait cette passerelle. À l’avenir, nous allons encore améliorer l’écosystème digital et nous concentrer en particulier sur les réseaux sociaux. L’idée est de créer un parcours fluide.
Les Frac ont donc réussi à maintenir l’intégralité de leurs missions depuis un an ?
Oui. Je lisais récemment un article qui disait que les Frac avaient ouvert leurs expositions pour des journalistes, que finalement, c’était toujours la même chose, seuls des privilégiés pouvaient les voir. En réalité, les Frac ont fait du mieux qu’ils ont pu. Certes, le public n’a pas pu voir les expositions mais nous les avons maintenues dans un contexte où nous ne savions pas si nous allions allaient être ouverts ou fermés. Nous nous sommes préparés jusqu’au dernier moment, et pour que les artistes puissent continuer à travailler, nous n’avons pas repoussé les expositions. Par ailleurs, des actions ont été entreprises que l’on n’aurait pas faites habituellement.
Le dossier est accompagné de focus sur la programmation dans certains Frac. Y a-t-il d’autres actions dont vous aimeriez parler ?
Il y a tant d’actions intéressantes pendant wefrac autant qu’en dehors ! Je pense notamment à « Ecotopia », un projet fabuleux mis en place par les trois Frac Grand Est, et plus particulièrement le Frac Alsace qui lie l’art contemporain à l’agriculture via les lycées agricoles. C’est une démarche d’avenir, elle consiste à envisager les choses non pas comme elles l’ont toujours été avec un regard traditionnaliste sur la technique, la rentabilité des modèles, mais en se demandant comment la génération de demain peut appréhender ces métiers avec un regard créatif. Il y a à mon sens énormément à aller chercher du côté de la science et de l’art s’agissant des solutions pour demain.
Avec des projets d’éducation artistique et culturelle à la clé ?
Oui, c’est très concret, c’est un très beau projet. Mais il y en a tellement d’autres. Il suffit de regarder les programmations, chaque Frac ouvre sur des mondes fantastiques.
Le Frac Centre-Val de Loire met, par exemple, l’accent sur le féminisme.
Les Frac parlent tous de sujets de société avec beaucoup de sensibilité et de justesse. On peut se servir des Frac pour appuyer ces changements de société.
Le site nantais du Frac des Pays de la Loire aurait dû ouvrir ses portes en avril, une ouverture qui a dû être reportée. On en revient au lieu physique qu’est au départ le Frac.
Pour chaque Frac, ce lieu physique est une très belle base. Un Frac, c’est comme une boîte avec beaucoup de choses dedans : non seulement les collections, mais aussi des ateliers. Quand on voit par exemple le Frac Grand large à Dunkerque, c’est fantastique, on peut y passer des heures. C’est une ouverture sur le monde pour tous les âges avec des ateliers pour les handicapés, les enfants des classes, une librairie, un café, des expositions… C’est un projet vaste et participatif. C’est aussi un projet relié à son environnement : on voit la mer depuis le bâtiment lui même issu de l’histoire industrielle de la ville. On est dans un lieu qui fait sens au sens plein. Et quand on parle de sens, il y a non seulement l’idée de la sensualité, des émotions, mais aussi le travail du sens.
On est au cœur des enjeux de démocratisation et de décentralisation culturelle à l’origine de la création des Frac.
Les Frac sont une chance pour tous. Quand on rentre dans un Frac, on rentre dans un questionnement permanent de ses propres valeurs, croyances, et perceptions. Par définition, si j’ose dire, le Frac est disruptif. Il s’inscrit en faux par rapport au prêt-à-penser, c’est un bon objecteur de conscience.
Numérique : une plateforme unique pour l’ensemble des Frac
Donner un accès unique et simultané à l’activité des vingt-trois Fonds régionaux d’art contemporain (Frac), telle est l’ambition du nouveau site Lesfrac.com, qui devient pleinement opérationnel à l’occasion du week-end des FRAC. « Jusque-là, aucun site ne donnait une vision globale du projet. Il nous fallait cette passerelle, qui permet à tous d’avoir un aperçu précis de l’actualité des Frac », se réjouit Vitalie Taittinger, présidente de Platform, l’association qui regroupe l’ensemble des Frac, en insistant sur son aspect fédérateur, « c’est un projet de groupe qui n’a de sens qui si tout le monde le suit ».
Conçu autour des trois missions fondatrices de ces institutions originales – constitution d’un patrimoine contemporain, circulation des œuvres sur les territoires, diffusion de l’art contemporain auprès de tous les publics – le site donne accès :
· à la programmation artistique de tous les Frac ;
· aux collections et acquisitions récentes de l’ensemble des Frac ;
· à une carte en temps réel de toutes les expositions et actions artistiques menées dans les régions ;
· à une sélection d’outils et de contenus conçus pour découvrir l’art contemporain ;
· à de nombreuses informations sur Platform et les projets collectifs des Frac, en France et à l’étranger.
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