C’est une œuvre de Banksy qu’il est difficile d’oublier. La Jeune fille triste, que le génial street artiste avait tagguée en juin 2018 sur la porte d'une issue de secours du Bataclan, est très vite devenue un symbole universel des attentats terroristes qui ont endeuillé la France pendant la nuit du 13 novembre 2015. Un véritable emblème, comme seule la création artistique peut en susciter, à l’image de « Fluctuat nec mergitur » (« il est battu par les flots, mais il ne sombre pas »), la devise de la Ville de Paris que le mouvement #SprayForParis a opportunément réactivée, à l’automne 2015, sur les murs de la capitale.
À l’occasion des dix ans de ces attentats, le monde de la culture continue de s’emparer de ces événements dramatiques à travers expositions, installations ou films. Une série-événement signée Jean-Xavier de Lestrade, « Des vivants », qui porte sur les rescapés du Bataclan, est diffusée sur France Télévisions depuis le 3 novembre. Une exposition propose de retrouver au musée Carnavalet une sélection d’œuvres d’art urbain et d’archives sur le sujet. La Cité des sciences et de l'industrie, enfin, se penche sur les apports de la recherche scientifique pour mieux connaître l’impact des attentats sur la population.
Le musée Carnavalet regroupe des archives d’art urbain
L’art urbain, qui a su cristalliser « à chaud » les émotions des Parisiens au sujet des attentats, est précisément au cœur d’un accrochage passionnant qui se tient au musée Carnavalet, à Paris. Jusqu’au 7 décembre, on pourra découvrir, au milieu des collections de l’établissement, les œuvres apparues sur les murs de la capitale, comme le panneau peint par C215, qui représente les portraits des victimes de l’attaque de Charlie Hebdo, ou les dessins préparatoires de la Grim Team. A l’évidence, l’art urbain, le graffiti, a été un vecteur important de la mémoire immédiate de ces attentats. L’artiste urbain Orel (Marc-Aurèle Vecchione au civil), l’un des initiateurs de la fresque emblématique sur la devise de la capitale, « Fluctuat nec Mergitur », ne dit pas autre chose. « Ce qu’il faut retenir, c’est qu’on est tous, de quelque origine ou confession que l’on soit, sur le même bateau », assure celui dont la traduction de la devise parle directement aux plus jeunes : « Tiens bon dans la tempête ».
L’exposition propose également des hommages et objets comme des peluches, des bougies, des messages et même des chaussures portant des messages de paix et de liberté collectés sur les lieux des attaques et sur la Place de la République. Ces objets exposés en plein air, issus de mémoriaux éphémères et condamnés à la dégradation du temps, ont été collectés en lien avec les Archives de Paris et seront désormais conservés au musée Carnavalet, afin de transmettre cette mémoire aux générations futures.
« Des vivants », une série pour raconter l’après-attentats
Quelle vie pour ceux qui ont survécu aux attentats ? C’est ce que raconte la série « Des vivants », visible depuis le 3 novembre sur France 2. Cette série, créée par le réalisateur Jean-Xavier de Lestrade – à qui l’on doit notamment la série Sambre et Laetitia qui se basaient elles-aussi sur des faits réels – suit un groupe de onze personnes retenues en otage au premier étage du Bataclan par les deux derniers terroristes du commando. « Sachant que la série serait forcément diffusée autour de novembre 2025, soit dix ans après les faits, j’ai eu le sentiment que le moment de la fiction était venu, explique Jean-Xavier de Lestrade. Il fallait désormais que des auteurs s’emparent de ces évènements pour en dépasser le strict aspect tragique, émotionnel ou traumatique et proposer d’en faire un récit collectif aux vertus réparatrices. » Cette série a bénéficié d’aides à la production et du Fonds de soutien audiovisuel du CNC, le Centre national du cinéma et de l’image animée.
En 2023, le réalisateur a rencontré chacune de ces onze personnes – ces « potages », selon le surnom qu’ils se sont donné, issu de la contraction des mots « potes » et « otages » – à deux reprises, pendant plusieurs heures. La matière recueillie est devenue la source de l’écriture de la série. « Très vite, j’ai acquis la conviction que nous devions rester au plus près de leurs récits respectifs en conservant les prénoms de chacun », poursuit Jean-Xavier de Lestrade. Les huit épisodes suivent la reconstruction de ces victimes dans la durée – du drame au procès. Saisissant.
Les attentats sous le prisme de la science à La Villette
La culture n’est pas le seul domaine à s’intéresser aux attentats. Le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) s’est emparé du sujet pour produire diverses études en sciences humaines et sociales. Quatre d’entre elles sont présentées jusqu’au 22 mars 2026 à la Cité des sciences et de l’industrie dans le cadre de Science Actualités, espace d’exposition consacré à l’actualité scientifique. L’Établissement public du Palais de la découverte et de la Cité des sciences et de l’industrie, Universcience, est placé sous la double tutelle du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche et du ministère de la Culture.
Ces quatre études abordent le sujet sous des prismes différents. Elles traitent par exemple des impacts sociaux des attentats et de la question de la mémoire avec le programme transdisciplinaire de recherche « 13 Novembre » et reviennent sur des études sociologiques américaines menées après les attentats du 11 septembre 2001. Elle évoque également la prise en charge du traumatisme, les mécanismes cérébraux et les nouveaux outils en psychothérapie avec « Post-trauma » ou encore de la mise en œuvre des moyens de surveillance au nom de la lutte antiterroriste.
L’exposition est complétée par un film de témoignages sur les attentats faisant intervenir scientifiques, archiviste, victime et membres des associations « Life for Paris » et « 13onze15 ». L’ensemble des contenus de cette exposition est également accessible en ligne.
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