Les artistes libanais Joana Hadjithomas et Khalil Joreige vivent et travaillent à Beyrouth et à Paris. Ils sont largement multidisciplinaires, cinéastes et artistes, auteurs de films de fiction et de documentaires, d’œuvres vidéo, de photographies, de sculptures et de textes. Leur carrière est internationale et leurs films sont sélectionnés dans les plus importants prix et festivals. En 2017, ils ont remporté le prestigieux prix Marcel Duchamp à Paris. Joana et Khalil ont vécu les guerres civiles qui ont terriblement secoué Beyrouth et le Liban. Ils restituent le chaos, la confusion, les absences, la beauté, par l’observation, la relation, le regard et la poésie. Ils se définissent comme chercheurs. Leurs œuvres traitent de l’image, de son origine à sa révélation et de son pouvoir vivant. Ils l’abordent comme mystère et atteignent des zones sensibles et profondes de la perception, interrogeant les relations entre mémoire, imaginaire et géographie physique du réel. Le monde existe à travers des ressentis qui, s’ils ne sont pas tous les nôtres, leur ressemblent. Les artistes se confrontent à la transmission de l’Histoire, questionnant les déplacements des frontières et les concepts de cosmopolitisme, d’identité et d’appartenance mais aussi l’attachement aux lieux et aux imaginaires privés d’images. Au centre de tout cela, le rêve, et cette pulsion poétique et politique qui rend possible une reconquête de l’imaginaire.
En attendant les Barbares(Waiting for the Barbarians), HD video, 4 minutes, 30 seconds, , 2013 Image Khalil Joreige Voice over : Bernard Khoury Son: Rana Eid, Studio DB, Post Production Noel Paul, Belal Hibri, REZ studio . Commande pour Onassis Cultural Centre pour the Visual Dialogues 2013 © Joana Hadjithomas et Khalil Joreige - Collection FRAC CORSICA
Ce projet d'exposition est né du désir de montrer les œuvres de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige après l’acquisition par le FRAC de leur vidéo En attendant les barbares en novembre 2018. L’exposition est conçue comme un parcours narratif, une construction littéraire, qui amène le visiteur à découvrir à travers les salles les œuvres comme autant d’expériences. Qu’est-il nécessaire de montrer, que partager en ces temps si troubles, ces temps d’effroi mais aussi de révoltes et de changements possibles? Quelles histoires transmettre quand le fil de l’Histoire paraît rompu ? Qu’opposer à ce sentiment de chaos qui nous étreint sinon la poésie ? C’est cette ambition que les artistes Joana Hadjithomas et Khalil Joreige explorent à travers les installations montrées au Frac Corse.
Two Suns in a Subset . Tirage chromogène sur diasec, 120 x 51 cm, 2010. Courtesy : Galerie In Situ, fabienne leclerc (Paris) © Joana Hadjithomas et Khalil Joreige
Joana et Khalil viennent de réaliser l’œuvre vidéo multi écrans synchronisés Where is my mind? qui est présentée ici pour la première fois. Sont également projetées d'autres vidéos. Se souvenir de la lumière (2016), filmée sous la surface de la mer. Ici, cinq plongeurs vêtus de couleurs différentes se laissent couler vers le fond, une écharpe aux couleurs vives tombe à l’eau. D’un écran à l’autre, des images dialoguent, hantées par des véhicules militaires, une cité engloutie, des mondes imaginaires… Dans Ismyrne (2016) se situe le lien, commun à Joana et la plasticienne et poétesse Etel Adnan, avec la ville de Smyrne –actuelle Izmir, en Turquie.
En attendant les barbares (2013) met en scène un poème de Constantin Cavafy autour de l’attente d’un ennemi, réel ou imaginaire, qui finalement ne viendra pas ou dont l’existence devient incertaine. La vision nocturne et panoramique de la ville de Beyrouth évolue entre fixité de l’instant photographique et mouvement de l’image. La photographie se retrouve animée par des superpositions et des stratifications des temps de pose qui s’enchevêtrent jusqu’à dilater l’identité géographique et évoquer des visions surnaturelles dont celles de soleils qui n’en finissent pas de se multiplier.
Dust in the Wind. Part 6 du projet ‘The Lebanese Rocket Society’, 2013. Tirage chromogène sur diasec, Plexiglas sculpture, 100 x 70 x 6 cm, 2013. Collection JMD (Hong Kong) Courtesy : Galerie In Situ fabienne leclerc (Paris) © Joana Hadjithomas et Khalil Joreige
Les artistes se confrontent à la transmission de l’Histoire, questionnant les déplacements des frontières et les concepts de cosmopolitisme, d’identité et d’appartenance mais aussi leur attachement aux lieux et aux imaginaires privés d’images. C’est au nom de la fascination du ciel et de l’espace, que plus d’une dizaine de fusées Cèdre ont été lancées par la Société spatiale libanaise entre 1960 et 1967 avant de disparaître totalement de la mémoire collective. Formant le troisième chapitre du projet au long cours des artistes, The Lebanese Rocket Society, l’installation vidéo The Golden Record (le Disque d’or) (2012), fondée sur des archives sonores des années 1960 et inspirée par les souvenirs de membres de l’équipe scientifique, compose un portrait de Beyrouth et du monde dans les années 1960. Le titre évoque et questionne la sélection de sons et d’images gravés sur des disques d’or destinés à une éventuelle vie extraterrestre et envoyés par les missions spatiales américaines Voyager en 1977. Dans Dust in the Wind (2013), des photogrammes montrant la fumée se fondant lentement dans les nuages sont sculptés dans le plexiglas, dans une tentative de donner corps à l’immatérialité et aux espoirs de paix souvent fugitifs.
Where is my Mind , Installation vidéo 2020 Trois écrans HD synchronisés, 200 x 1100cm, 2020 Image : Karl Bassil Post Production: Laurent Brett (Brett & Cie Musique et Mixage: Olivier Goinard © Joana Hadjithomas et Khalil Joreige
Pour l’exposition au Frac Corse, Joana Hadjithomas et Khalil Joreige dévoilent une nouvelle installation vidéo, Where is my mind ?, faisant défiler des images de statues antiques ayant toutes perdu leurs têtes ou de têtes aux corps introuvables. Hantées par la poésie de Georges Séféris et de son murmure entêtant, elles s’avancent, tel un défilé d’héroïnes ou de héros déchus qui ont égaré leur singularité : “Nous avons trouvé la Cendre, il ne nous reste qu’à retrouver notre vie maintenant que nous n’avons plus rien…” Ces éléments fragmentaires interrogent notre identité à l’heure où nous nous sentons de plus en plus captifs de data et de codes qui pourraient éprouver notre propension à agir et à rêver librement, politiquement et poétiquement.
Exposition du 7 juillet au 24 octobre 2020. Fonds régional d'art contemporain Corse, La Citadelle – 20250 Corte. Tél. : 04 20 03 95 33. Ouverture du lundi au vendredi de 9h à 12h et de 14h à 18h, le samedi de 14h à 18h.
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