13.Viviers (Ardèche) : maisons dites de Tournon et chapellenie de Camus ou de Mirabel, autrefois siège du couvent des sœurs de Saint-Roch d'Antraigues
Les éléments architecturaux et décoratifs des maisons dites de Tournon et chapellenie de Camus ou de Mirabel sont d'un intérêt majeur pour l'art et l'histoire.
- du 13e ? au 19e siècles -
Inscription au titre des monuments historiques le 27 mai 2020 des anciennes maisons canoniales dites maisons de Tournon et Chapellenie de Camus ou de Mirabel, avec leurs parcelles et les bâtiments en totalité.
Ancienne protection : inscription le 10/04/1985 des façades et toitures, dont la tour carrée accolée à l'ancien réfectoire du chapitre de la cathédrale.
© CRMH DRAC Auvergne-Rhône-Alpes
En 1975, un ensemble de peintures murales du XIVe siècle a été découvert dans un grenier de la place de la Plaine, à Viviers en Ardèche, dans une maison qui dépendait à l'époque du couvent des sœurs de Saint-Roch d'Antraigues.
Afin de protéger ces peintures, une démarche de protection au titre des monuments historiques avait été rapidement entreprise, mais celle-ci n'aboutit alors qu'à une mesure de protection partielle, qui ne prenait en compte que les façades et toitures du bâtiment principal.
À l'intérieur de celui-ci, l'ensemble insigne de peintures murales ne put être mis en valeur dans ces conditions. Suite à un changement de propriétaires en 2018, une révision du périmètre de la protection au titre des monuments a été menée, visant à rendre possible une meilleure prise en compte des problématiques patrimoniales considérables de ces éléments médiévaux, puisqu'il s'agit d’un bâti qui figure parmi les plus anciennes implantations du quartier de Châteauvieux, dans la ville haute, située sur le rocher ceint de remparts.
Deux maisons imbriquées sont ici le point de départ du développement d'un habitat constitué de couches chronologiques successives, dont les parties les plus anciennes n'ont pas encore été datées avec précision. À proximité, les archéologues ont mis au jour des vestiges, pour les plus anciens, de l'Antiquité tardive et des premiers temps de la chrétienté vivaroise (fin du Ve siècle) mais l’ensemble concerné n’a pas encore, pour sa part, fait l’objet d’une archéologie des élévations et des sols.
La maison canoniale n°22 dite « Maison de Tournon » est l'élément le plus reconnaissable de cet ensemble : il s'agit d'une des tours de la première enceinte fortifiée de la ville, traditionnelle-ment rattachée à l'architecture défensive du XIIIe siècle. Identifiable depuis la place de la Plaine, c’est une construction à base quadrangulaire, sur trois niveaux supportant une bretèche avec archères à croix pattées latérales.
Plusieurs fois remaniée, notamment en 1411 et 1546, elle fut ruinée en 1566 et reconstruite pour le chapitre en 1607. Cette première maison fut englobée dans une maison du XIVe siècle, de plan en L. Elle fut la propriété de différents chanoines, dont Élie Camus, au XIVe siècle. Elle est donc dite «maison de la chapellenie de Camus », est identifiée sous le n°23 dans la numérotation des maisons canoniales du « Château » établie par le service général de l'inventaire lors de son étude complète du canton de Viviers en 1989.
Dans cette maison, un décor de peintures murales occupe uniquement la partie haute des murs d'une salle rectangulaire de 11,35 mètres sur 5,40 mètres, couverte d'une simple charpente. La structure reposait vraisemblablement sur deux arcs diaphragmes, dont un seul est aujourd'hui conservé. Postérieurement à la période médiévale, la pièce fut recoupée par un plancher et une voûte.
En partie basse, le décor se compose d'un réseau géométrique fait de bandes blanches croisées, formant des losanges rouges ou jaunes. En partie haute, une frise alterne des scènes historiées, des motifs décoratifs géométriques et végétaux, ainsi que des blasons, pour la plupart difficilement lisibles. Environ la moitié du motif est parvenue jusqu’à nous. Ce registre, où alternaient scènes figuratives, écus et motifs géométriques en trompe-l'œil, était compartimentée en 26 ou 28 panneaux. Il s'y trouve au moins deux occurrences claires dans lesquelles des animaux interagissent avec des humains dans des situations qui semblent relever du « monde à l'envers » : d'une part, un renard faisant commerce de viande et, d'autre part, un animal jouant de la musique tandis qu'un homme marche sur les mains.
La présence d'une créature hybride à tête d'homme, chimère particulièrement saisissante et présentée dans un état de conservation quasi parfait, laisse supposer que d'autres animaux fabuleux pouvaient être représentés dans cette salle, dans le goût et la représentation des romans et bestiaires fabuleux du Moyen Âge. La présence du renard commerçant et un tableau sur le mur opposé, où un renard semble se confesser devant un ecclésiastique, font écho aux récits animaliers de la littérature médiévale des XIIIe et XIVe siècles, comme le « Roman de Renart » et « le Roman de Fauvel ».
Dans les deux espaces triangulaires qui se font face (les murs nord et sud) des scènes de combats d’hommes et d’animaux hybrides se devinent, dans un décor de végétation stylisée. La salle où sont situées les peintures murales était anciennement une grande pièce ou aula, identifiée par certains comme l’ancien réfectoire du chapitre, dont les parois étaient entièrement décorées ainsi que son plafond, où poutres et solives étaient peints de blasons de couleurs vives.
Cette hypothèse est corroborée par la présence, sur les arcs-diaphragmes qui soutenaient autrefois la charpente et la couverture, de grands personnages, vraisemblablement faits pour être vus depuis un niveau de sol équivalent à celui du rez-de-chaussée. Ces personnages ont en main des attributs figurés reconnaissables : une aiguière, un pain, une cuillère, un calice. Le décor est réalisé sur en-duit ou par endroit directement sur la pierre. Il se dégrade aujourd'hui à très grande vitesse, tout insuffisamment protégé qu’il est pour l’instant des variations climatiques et des intempéries.
La protection accordée en 2020 porte sur tout le bâti en élévation, ainsi que sur les parcelles d'assiette qui entourent ces constructions et pourraient être amenées à faciliter la valorisation de cet ensemble architectural complexe et du cycle pictural remarquable qu’il abrite en son sein.
Partager la page