Michel Deville, cinéaste inventif et décalé, nous a quittés à 91 ans.
Passionné par le cinéma depuis son enfance, la rencontre qui change sa vie arrive presque par hasard, dans la boutique de son père, où se présente un jour Henri Decoin… Il devient alors quelques années durant son stagiaire, son assistant puis peu ou prou son conseiller avant de laisser libre cours à une créativité qui ne tarira pas.
Fort de cette première expérience, Michel Deville se lance en 1961 en réalisant son premier film, Ce soir ou jamais, avec pour complice et co-scénariste Nina Companeez. Déjà, et pour toujours, volontairement un peu en retrait d’une Nouvelle Vague avec laquelle il joue sans jamais y plonger, le jeune réalisateur est vite remarqué et transforme l’essai avec Adorable menteuse l’année suivante puis Benjamin ou les mémoires d’un puceau en 1968. S’il touche ensuite à tous les genres dans sa filmographie prolixe, Michel Deville aime surtout aller remuer ce qui grince dans les coins de la psyché humaine. Qu’il s’agisse d’explorer les fantasmes, du Voyage en douce (1980) à La lectrice (1988) ou de jouer avec les limites de la réalité, dans Le Mouton enragé (1974) ou Le Paltoquet (1986), le cinéaste allie avec brio situations piquantes et profondeur d’analyse.
Maniant aussi bien la caméra que la langue, Michel Deville a aussi marqué l’histoire du cinéma par des adaptations magistrales. Sur chaque fil narratif, il vient imprimer sa patte : jeux de regards, bouleversement du continuum temporel, fascination du mensonge… Un talent qui lui vaut le César du meilleur scénario adapté d’un roman pour Dossier 51 en 1978 puis le César du meilleur réalisateur pour Péril en la demeure en 1985. Jusqu’à la fin de sa carrière, en 2005, il continuera d’aller chercher dans la littérature le matériau de films graves ou facétieux à l’écho singulier, comme dans Un monde plus que paisible en 2002 ou dans son dernier film, Un fil à la patte, adapté de Feydeau.
Pendant ces presque cinquante ans d’une carrière riche et éclectique, Michel Deville nous a fait don d’un cinéma tout en dialogues et en miroirs – souvent d’ailleurs créé à deux, avec sa compagne, co-scénariste et productrice Rosalinde Damamme. Nous perdons avec lui un jongleur inclassable des mots et des images qui a profondément nourri le cinéma du XXe siècle.
J’adresse à sa famille et à ses proches mes plus sincères condoléances.