« Certes, je suis architecte… Mais pas seulement, je suis aussi essayiste et poète voulant redonner du sens à la politique. »

Pour Roland Castro, l’immense architecte urbaniste et penseur qui nous quitte aujourd’hui, il fallait prendre la politique à son sens premier. C’était la vie de la polis, cité dont il a défendu pendant toute sa carrière un aménagement doux, collectif, où la qualité de vie prime sur les considérations purement esthétiques.

Né pendant la Seconde guerre mondiale de parents juifs immigrés réfugiés dans le Limousin, il a toute sa vie affirmé son attachement à une France humaniste, qu’il a défendu toute sa vie par ses convictions architecturales. Car si l’on connaît d’abord ses grandes réalisations, comme la « Cité internationale de la Bande dessinée » d’Angoulême en 1990, Roland Castro était avant tout un militant social et l’architecte des banlieues.

Depuis ses années d’étude, l’engagement militant et la pratique architecturale s’entremêlent pour devenir son destin. Proche de la « team X », ces jeunes architectes qui défendent une organisation de l’espace dont le critère premier est le bien-être social, il participe à mai 68 et met la question urbaine au cœur du débat. Enseignant très tôt à l’Ecole nationale de Paris La Villette, il transmet cette vision nouvelle, de 1970 à la fin des années 2000, à des générations d’étudiants sans interrompre sa propre pratique.

Celle-ci vise avant tout à en finir avec les grands ensembles et défendre l’idée d’une « métropole heureuse ». Avec Banlieues 89, il milite pour rendre de la dignité et de la beauté aux périphéries urbaines – et emmène même le Président Mitterrand survoler en hélicoptère les cités de la Courneuve pour orienter son action urbaine. Plus tard, il participera avec Sophie Denissof, son associée depuis le début des années 1980, à la consultation internationale du Grand Paris, territoire qu’il a contribué à renouveler au fil des ans, à Argenteuil, Colombes, ou Noisy-le-Sec, par ses constructions de logement collectifs ouverts et lumineux. Dans Paris même, son aménagement de la rue de Bagnolet est peut-être une des plus belles manifestations de l’utopie urbaine qu’il a toujours défendue : avec ses logements, son restaurant, sa magnifique médiathèque, sa salle de quartier et son cinéma, c’est une image de ville idéale où les activités quotidiennes, l’échange et la vie culturelle ne font qu’un.

Essayiste et architecte, professeur et militant, Roland Castro a profondément transformé notre manière de penser le logement. D’un bout à l’autre de la France, il nous laisse en héritage son immense générosité et des édifices « Emblematik » de ce rêve qu’il n’aura cessé de poursuivre. Gageons qu’il nous préparera cette fois un grand paradis à sa mesure !

J’adresse à sa famille et à ses proches mes plus sincères condoléances.