J’ai appris avec tristesse le décès de Michel Ciment, historien, écrivain, critique et homme de radio.
La passion de Michel Ciment pour le 7e art est née dès son plus jeune âge et a muri toute son enfance : dans les salles de cinéma en Normandie, où il s’était réfugié à partir de 1943 avec ses parents, puis à son retour à Paris en 1945 lorsqu’il a découvert les films populaires américains et les films français avec Gérard Philipe et Jean Gabin, durant son adolescence avec la découverte des films de Fellini, Antonioni, Bresson, Bergman, puis en 1956 lorsqu’à 18 ans il découvre Les Cahiers du Cinéma et Positif.
Lors de son année d’hypokhâgne à Louis-Le-Grand, il a pour enseignant Gilles Deleuze qu’il retrouve pour des déjeuners consacrés au cinéma et fréquente assidûment la Cinémathèque où il voit pour la première fois les films de Stroheim et Eisensten qu’il décrira comme « la découverte du langage pur du cinéma ».
A la fin de ses études et après une année passée à enseigner aux Etats-Unis, Michel Ciment envoie en 1963 un article prenant la défense du Procès d’Orson Welles, alors décrié, au magazine Positif qui le publie. Trois ans plus tard, il en rejoint le comité de rédaction et finira plus tard par prendre la direction de la revue, sans jamais l’abandonner.
A partir de 1968, il devient enseignant en cinéma et en civilisation américaine à l’Université de Vincennes puis à Paris VII où exercera trente années durant.
En 1970, il intègre l’équipe du Masque et la Plume sur France Inter, dont il restera l’une des figures les plus respectées et emblématiques tant par sa connaissance encyclopédique du cinéma que par son intransigeance et son indépendance. « Incorruptible critique », Michel Ciment était l’une des voix les plus appréciées des Français qui seront nombreux à le regretter, lui qui partageait avec générosité son savoir et son émerveillement du cinéma dans la plus vieille émission de France Inter. Il a également produit et animé Projection privée sur France Culture entre 1990 et 2016.
Infiniment érudit, Michel Ciment a consacré de nombreux ouvrages au cinéma et aux grands réalisateurs dont il était devenu un interlocuteur privilégié, comme Kazan par Kazan, Passeport pour Hollywood, une série d’entretiens avec Billy Wilder, John Huston et Joseph Mankiewicz, Jane Campion par Jane Campion, Fritz Lang : le meurtre et la loi et bien sûr Kubrick, une monographie devenue référence.
Il avait reçu le prix Maurice Besset à Cannes en 1994, récompensant « une personnalité exerçant son activité ou son talent dans les domaines de l’écriture cinématographique ».
Michel Ciment a connu toutes les évolutions du cinéma au long du XXe siècle, et a accompagné tous ses bouleversements. Il restera dans la grande fresque du cinéma français un personnage unique. Dans une série d’entretiens pour A voix nue diffusée au mois de mai dernier, il avait résumé en quelques mots la passion qui l’a animé toute sa vie, et qu’il a su transmettre à des générations de cinéphiles : « le cinéma fait la synthèse des arts ».
Fou de théâtre, de littérature et de peinture, il était aussi un fervent soutien de l’Institut Lumière à Lyon où pendant trente ans il est venu en tant que critique et conférencier adoré d’un public qui avait tissé avec lui une complicité unique. C’est d’ailleurs là qu’il a fait sa dernière apparition publique en octobre dernier à l’occasion d’une lecture publique de ses textes
J’adresse mes sincères condoléance à sa famille et à ses proches.