Donner à voir ce qui dans la nature ne se voit pas, faire sentir l’harmonie des liens invisibles, telle était la volonté de Marinette Cueco qui vient de nous quitter.
Tantôt associée au land art, tantôt à l’arte povera, nul besoin pour cette artiste profondément attachée à sa terre corrézienne et davantage habituée au grand air qu’aux ateliers, de se revendiquer d’une école ou d’un mouvement.
Pour celle qui aimait tant marcher de longues heures sur les chemins de campagne, une branche, une feuille, une écorce prenaient forme sous le travail délicat et méticuleux de ses mains pour devenir une tapisserie, un tissage, un entrelacs.
Son enfance fut marquée par la guerre. Tandis que les divisions allemandes remontaient depuis la Provence jusqu’en Normandie, il fallait apprendre à se cacher et à rester discrète. Comme elle le confia plus tard, ne rien jeter, faire du neuf avec du vieux, vivre et créer sobrement devint sa philosophie.
Admise à l’école normale supérieure de Tulle, elle rencontre son futur époux, le peintre Henri Cueco. Ils formeront tous deux un merveilleux couple d’artistes, se conseillant et s’influençant mutuellement.
Devenue enseignante, elle se consacre avec amour pendant dix ans à l’éveil éducatif et artistique de ses élèves. Dans son esprit, voir un enfant réussir à lire produisait le même effet qu’observer patiemment une fleur s’ouvrir.
C’est alors à la faveur d’une série de ventes d’œuvres de son époux que Marinette Cueco peut à partir des années 1970 se consacrer pleinement à son art. Du plus petit brin d’herbe aux plus grandes lianes, elle rendait à chaque forme, à chaque élément naturel sa sensibilité. Chez elle ni pots de peintures ni pinceaux mais des végétaux et des minéraux avec lesquels elle était en symbiose.
Ses créations attirent les regards et lui valent une première exposition dès 1986 au musée d’Art Moderne de Paris. Par la suite ses œuvres ne cesseront de susciter l’admiration. Deux grandes rétrospectives de son œuvre lui furent récemment consacrées, au LAAC de Dunkerque et au musée de l’Hospice Saint-Roch à Issoulin.
La nature était pour elle un long poème ininterrompu qu’il s’agissait de révéler. C’est à ce merveilleux travail qu’elle aura consacré toute sa vie en tissant une œuvre unique et inclassable.
« Pour moi, le plus important est de scruter la nature pour y voir le plus simple et le moins perceptible » disait Marinette Cueco. Avec discrétion, mais aussi avec obstination, elle n’aura eu de cesse de révéler la beauté cachée dans l’air et sous nos pieds, et sa fragilité. Une vision et une attention au vivant dont on mesure aujourd’hui de façon grandissante la dimension prophétique.
J’adresse à sa famille et à ses proches mes plus sincères condoléances.