J’ai appris avec tristesse le décès de Jorge Lavelli, metteur en scène franco-argentin de génie et premier directeur emblématique de La Colline.
Né à Buenos Aires en 1932, Jorge Lavelli a 28 ans lorsqu’il obtient une bourse du Fonds national des arts d’Argentine qui lui permet de venir étudier le théâtre à Paris, où il s’inscrit dans l’histoire contemporaine du théâtre français en suivant les cours de Charles Dullin et de Jacques Lecoq.
En 1963, il rejoint la troupe du Théâtre de la Ville (alors Théâtre des Nations) puis obtient deux ans plus tard le Grand prix du concours national des jeunes compagnies pour sa mise en scène de la pièce Le Mariage, du dramaturge Polonais Witold Gombrowicz. Ce sera le début d’une carrière prolifique au cours de laquelle Jorge Lavelli travaillera aussi bien au théâtre qu’à l’opéra, et donnera à chacune de ses mises en scène une audace et une profondeur énigmatique peu communes.
Au cours des années 1960 et 1970, il monte au théâtre les œuvres de nombre de ses contemporains comme son compatriote Copi, René de Obaldia, Peter Handke, Eugène Ionesco, ou encore Paul Claudel.
Dans le même temps, il s’illustre à l’opéra. Après avoir mis en scène Orden, une pièce de « théâtre musical » avec un texte de Pierre Bourgeade et une musique de Girolamo Arrigo, à Avignon, en 1969, puis Idomeneo de Mozart en 1975, d’abord à Angers puis à Grenoble et enfin au Théâtre des Champs-Elysées, Jorge Lavelli travaille sur les plus grandes scènes internationales et met en scène aussi bien des œuvres de compositeurs du XXe siècle, comme Stravinsky, Prokofiev ou Strauss, que des classiques comme Faust, Pelléas et Mélisandre ou Salomé.
C’est en 1987 que Jorge Lavelli associe définitivement son nom à la culture française, puisqu’il est nommé directeur du Théâtre national de la Colline. Il en fera une scène d’excellence à laquelle il donnera son identité si singulière qui ne la quittera jamais plus : un théâtre national ouvert aux écritures contemporaines, dont le répertoire fera les classiques de demain. Dès sa nomination, il consacre ce théâtre « à la création et à la découverte des expressions de notre siècle ». Neuf années durant s’y croiseront, sous sa direction, les plus grands : Maria Casarès, Michel Duchaussoy, Jean-Paul Roussillon, Catherine Frot, Maria de Medeiros, et tant d’autres.
Après son départ de la Colline en 1996, Jorge Lavelli continue son travail à la Comédie Française, au Théâtre du Rond-Point, à l’Opéra de Paris ou encore au Théâtre du Capitole. L’histoire est belle puisqu’en 2014 il dirige de nouveau l’opéra Idomeneo mais cette fois au Teatro Colon de Buenos Aires, qu’il avait l’habitude de fréquenter dans son enfance. Il restera un modèle en Argentine mais aussi plus globalement en Amérique du Sud.
A travers une carrière riche de près de 60 ans de recherches, d’inspirations partagées et de créations, Jorge Lavelli aura enrichi notre culture et profondément marqué l’histoire française du spectacle vivant.
J’adresse à sa famille et à ses proches mes sincères condoléances.