J’ai appris avec une grande émotion la disparition de Jean-Pierre Elkabbach, figure incontournable du journalisme et témoin privilégié de la vie politique française pendant plus d’un demi-siècle.
Jean-Pierre Elkabbach est né à Oran en 1937, où il passa une enfance marquée par la mort de son père lors de Yom Kippour en 1949. Après avoir obtenu son baccalauréat au lycée Lamoricière, il part faire ses études à Paris, à l’Institut français de presse, à l’université de Paris et à l’Institut d’études politiques.
De retour en Algérie alors en guerre, c’est sur le terrain à Oran, Alger et Constantine qu’il fait ses premiers pas dans le journalisme. C’est le début d’une immense carrière qu’il poursuivra avec exigence et panache pendant près de 60 ans au cours desquels il sera à la fois l’une des plus grandes figures du paysage audiovisuel français dont il aura vu toutes les transformations, et un journaliste à la passion contagieuse, ayant de surcroît interviewé avec la pugnacité dont il avait le secret les principales personnalités politiques de la Ve République.
Après des débuts en France à l’ORTF, il présente à partir de 1970 successivement les journaux télévisés de la « première chaîne » et la « deuxième chaîne », avant de s’imposer progressivement à la tête des rédactions. Animateur puis rédacteur en chef de France Inter, il devient rédacteur en chef à la direction de l’information de Radio France et directeur de l’information d’Antenne 2 en 1977. A compter de cette date, il anime notamment Cartes sur table avec Alain Duhamel, émission qui a laissé le souvenir d’une séquence devenue célèbre avec Georges Marchais dont Thierry Le Luron tira la formule « Taisez-vous Elkabbach ! ». Quelques années plus tard, l’intéressé en fera le titre d’un livre écrit à quatre mains avec son épouse Nicole Avril. En 1981, il rejoint Europe 1 où il présente l’émission Découvertes jusqu’en 1987 et le 8h-9h de 1987 à 1988.
Au cours des années 1990, il anime plusieurs émissions sur La Cinq puis France 3, Pile et Face, Dimanche 20h10, Elkabbach et Repères. Il retrouve en 1996 Europe 1 pour L’invité du matin jusqu’en 2017, année au cours de laquelle il rejoint Cnews.
Passionné de théâtre, Jean-Pierre Elkabbach avait l’art de faire de chaque interview un moment suspendu. On retiendra de nombreuses séquences marquantes dans l’histoire de l’audiovisuel français dont un intense face à face François Mitterrand : Conversations avec un président, diffusé en cinq parties après la disparition du président de la République, où ce dernier était longuement questionné sur sa jeunesse sous l’occupation et le régime de Vichy.
Par-delà la politique française, Jean-Pierre Elkabbach a interviewé les plus grands chefs d’Etat étrangers : Yasser Arafat, Mikhaïl Gorbatchev, Nelson Mandela, Fidel Castro, Bill Clinton ou encore Vladimir Poutine.
Homme de médias, Jean-Pierre Elkabbach eut aussi une carrière prolifique en dehors des studios : comme conseiller au sein de chaînes et groupes de presse, puis comme dirigeant de chaînes lui-même.
Il fut ainsi directeur général adjoint d’Europe 1 en 1988, président de France Télévisions de 1993 à 1996, directeur général puis président d’Europe 1 de 2005 à 2008, et président de Public Sénat de 1999 à 2009, où il anima l’émission littéraire Bibliothèque Médicis.
Jean-Pierre Elkabbach était à la fois un esprit brillant, un regard imperturbable et malicieux, et une voix reconnaissable entre mille. Le journalisme perd une grande figure, autant que les Français perdent un précieux compagnon.
J’adresse à son épouse, à sa fille, à sa famille et à tous ses proches, mes sincères condoléances.