Il y a un an, la Russie entrait en guerre contre l'Ukraine. A cette occasion, Rima Abdul Malak, ministre de la Culture, s'est rendue le 23 février à Kyiv. « Les Ukrainiens se battent pour leur liberté et pour sauver leur patrimoine, leur culture », a-t-elle assuré. Retour sur une année de mobilisation.

C’était le 24 février 2022. La Russie envahissait l’Ukraine, entraînant plusieurs millions de réfugiés, dont environ 14 000 sur le territoire français. Parmi eux, des artistes, professionnels de la culture et journalistes ukrainiens – mais également russes et biélorusses menacés dans leur pays d’origine – que le ministère de la Culture accompagne par l'intermédiaire de plusieurs dispositifs, dotés d'un fonds de 1,4 million d'euros. « Cette guerre est aussi culturelle », a souligné Rima Abdul Malak, ministre de la Culture, en assurant que « l'Europe doit faire bloc pour la préservation de la culture ukrainienne ».

La mobilisation est entrée dans une nouvelle phase avec le lancement du fonds européen de solidarité pour les films ukrainiens. Annoncé le 20 février 2023 à l'occasion de la 73e Berlinale par la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, et ses homologues luxembourgeois et allemand, ce dispositif multilatéral, doté de 1 million d'euros, vise à soutenir les cinéastes ukrainiens, dont les projets ont été interrompus depuis le déclenchement de l’agression russe sur le sol ukrainien, et à favoriser les échanges créatifs et techniques entre les professionnels des pays contributeurs et les professionnels ukrainiens à travers des coproductions. « Ce fonds va aider le cinéma ukrainien à tenir malgré la guerre et produire de nouveaux récits, porteurs d’imagination et d’espoir », a assuré Rima Abdul Malak.

Jeudi 23 février, la ministre de la Culture s'est rendue à Kyiv, où elle a salué les milliers de victimes du conflit. La ministre a rendu hommage à Frédéric Leclerc-Imhoff, journaliste tué en Ukraine, dans le Donbass le 30 mai 2022. « Tout mon soutien aux journalistes qui risquent leur vie dans les zones de conflit pour nous informer », a-t-elle déclaré. La ministre de la Culture doit notamment apporter son soutien au monde du cinéma, des bibliothèques et des musées.

L’accueil d’urgence des artistes, professionnels, journalistes et étudiants ukrainiens

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Dès le début du conflit, des lignes d’urgence téléphonique ont été mises en place à l’Atelier des artistes en exil pour traiter les demandes des artistes et répondre aux premières questions sur leur statut administratif ou leur demande de logement. Depuis le mois de mars, ce sont près de 1 300 personnes qui ont bénéficié de cet accompagnement téléphonique.

Les premiers artistes ont bénéficié de résidences à la Cité internationale des arts de Paris. « L’accueil des artistes en exil a toujours été une tradition pour nous. Dès 2016, nous appelions de nos vœux à la structuration d’une offre de soutien de ce public », rappelle Bénédicte Alliot, directrice de la Cité internationale des arts de Paris qui accueille quatorze Ukrainiens dans des atelier-logement parmi 325 artistes du monde entier. La Cité internationale des arts s’attache désormais à élargir son horizon et travaille avec des lieux culturels en région comme à La Rochelle, voire même à l’étranger avec un programme de résidences partagées avec Berlin.

Un soutien particulier a été de plus apporté aux étudiants ukrainiens puisque 161 d’entre eux ont été accueillis dans 37 écoles sous tutelle du ministère. Cet accueil vient en complément du programme Pause (Programme national d'aide à l'accueil en urgence des scientifiques et des artistes en exil dans des établissements d'enseignement supérieur, de recherche ou des institutions culturelles en France) également soutenu par le ministère. « Ces étudiants soit arrivent d’Ukraine soit étaient déjà sur le territoire français et ont par exemple des difficultés à accéder à leur compte bancaire ou à maintenir le lien avec leur famille », explique Anne Bennet, sous-directrice des formations et de la recherche à la DG2TDC du ministère de la Culture. Sur ce volet, le ministère aide à l’obtention de bourses universitaires et allouent des moyens aux écoles qui accueillent ces étudiants. En 2023, les étudiants ukrainiens qui poursuivent leurs études au sein des établissements de l'enseignement supérieur culture bénéficient des bourses et aides de droit commun qui sont venues prendre le relais du fonds d'urgence.

Enfin, pour faciliter l’intégration de ces artistes et journalistes, mais aussi de tout public, la délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF) du ministère s’est associée à 31 centres d’apprentissage du français langue étrangère (FLE) qui ont donné l’équivalent de 100 000 heures de cours.

Poursuivre la création et la diffusion de la culture ukrainienne

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Outre l’accueil, le ministère s’engage à soutenir la création et la diffusion de la culture ukrainienne. Quatorze structures permettent aujourd’hui aux artistes de continuer à créer, ces aides peuvent inclure de l’achat de matériel ou de la mise à disposition de lieux. Parmi les 48 artistes aidés par le programme Pause, Olexandra Khalepa, architecte et chercheuse en art, a pris ses quartiers à la Villa Arson de Nice pour poursuivre son travail sur l’art digital. « Depuis que je suis ici, j’ai pu continuer mes recherches, faire des débats et des lectures en ligne avec d’autres artistes ukrainiens, en inviter cinq ici pour un festival pendant lequel nous avons présenté dix œuvres et organiser plus de vingt événements en ligne ou en réel », résume-t-elle.

Le CNC - Centre national du cinéma et de l’image animée - a lancé un programme de soutien aux cinéastes n’ayant pu achever leurs œuvres à cause de l’éclatement de la guerre tandis que la Philharmonie de Paris, le Préau, Centre dramatique national de Normandie, à Vire, et le Théâtre de la Ville, à Paris, ont accueilli des ballets, groupes et orchestres ukrainiens. « Notre préoccupation majeure était que cet accueil d’urgence permette aux artistes de s’insérer rapidement dans le monde professionnel », souligne Isabelle Nyffenegger, sous-directrice des affaires européennes et internationales au ministère de la Culture.

La Bibliothèque nationale de France (BnF) a, quant à elle, décidé d’accompagner les professionnels ukrainiens. L’institution a recruté cinq personnes (bibliothécaires, chercheur, informaticien…) qui exerçaient déjà ces métiers dans leur pays d’origine. « Notre volonté est d’accompagner ces professionnels et leur proposer des tâches au plus près de leurs désirs et de leurs compétences », note Ophélie Ramonatxo, directrice déléguée aux relations internationales.

La protection du patrimoine ukrainien

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Le monastère orthodoxe de Sviatohirsk, dans la région de Donetsk.

Il y a ceux qui partent et ceux qui restent. Pour protéger le patrimoine ukrainien, le ministère a soutenu la fondation Aliph (Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit) pour mettre en sécurité près de 150 collections.

Ces opérations demandent du matériel spécifique comme des appareils photos pour documenter des sites qui risquent d’être détruits, des caisses de protection, des appareils de numérisation. Des convois ont ainsi été envoyés par des établissements par l'intermédiaire de l’Icom. Un travail est également mené avec l’Unesco. A l’automne 2023, des conservateurs ukrainiens viendront pour se former sur la sauvegarde du patrimoine en danger.

Après une année 2022 centrée sur l’accueil d’urgence, l’objectif est de proposer en 2023 des actions plus pérennes.

Lancement d'un fonds européen de solidarité en faveur du cinéma ukrainien

Treize pays européens et l’association EFAD (European Film Agency Directors) ont lancé, le 20 février, un Fonds européen de solidarité pour les films ukrainiens. Ce fonds multilatéral vise à soutenir les cinéastes ukrainiens, dont les projets ont été interrompus depuis le déclenchement de l’agression russe sur le sol ukrainien, ou pour qui il est difficile d’en lancer de nouveaux dans ce contexte. Ce fonds a aussi l’ambition de favoriser les échanges créatifs et techniques entres les professionnels des pays contributeurs et les professionnels ukrainiens à travers des coproductions.

Doté d’1 million d’euros pour 2023, ce programme, dont la gestion est opérée par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), vise à financer des œuvres cinématographiques en phase de développement ou de finalisation. Les aides seront attribuées par le biais d’une commission de sélection composée de cinq experts indépendants, qui se réunira deux fois au cours de l’année.

Cette annonce du lancement du fonds marque l’ouverture du premier appel à projet. Les candidatures peuvent être déposées auprès du CNC jusqu'au 17 mars. Les résultats de cette première session seront annoncés lors du Festival de Cannes en mai prochain.

Le fonds européen de solidarité pour les films ukrainiens est mis en œuvre grâce à la collaboration et aux contributions financières de 15 centres du cinéma ou de ministères de la Culture issus de 13 pays et de l’association des EFAD : France (ministère de la Culture et CNC, coordinateur), Belgique néerlandophone (VAF), Belgique francophone (CCA), Croatie (HAVC), Chypre (ministère de la Culture), Estonie (ministère de la Culture), Allemagne (BKM), Grèce (GFC), Irlande (Screen Ireland), Italie (MIC), Lituanie (Lithuanian Film Centre), Luxembourg (Film Fund Luxembourg), Pays-Bas (Netherlands Film Fund), Portugal (ICA) et l’association EFAD.