Colonne vertébrale des Micro-Folies, le Musée numérique continue son expansion. Jusqu’à présent, le dispositif reposait sur la numérisation en très haute définition des chefs d’œuvres des collections des grands musées nationaux tels que le Louvre, le Musée d’Orsay ou le Musée du quai Branly. Désormais, c’est la diversité des trésors de l’humanité que l’on cherche à mettre à disposition de l’ensemble des Français, en réservant à la création artistique, à l’architecture, et au spectacle vivant une place de choix dans la galerie virtuelle des Micro-Folies.
Le 11 juin 2021, une troisième collection nationale vient enrichir l’offre du Musée numérique, en partenariat avec 12 nouvelles institutions : les Beaux-Arts de Paris, la Bibliothèque nationale de France, le Centre des monuments nationaux, le Centre national des arts du cirque, le Centre national des arts plastiques, le Musée d’Archéologie nationale – Domaine Saint-Germain-en-Laye, le Musée national des arts asiatiques–Guimet, le Muséum national d’Histoire naturelle, Numeridanse, l’Odéon–Théâtre de l’Europe, Radio France et le Service interministériel des Archives de France. Le point sur la contribution de quatre d’entre elles.
On réserve aujourd'hui à la création artistique, à l’architecture, et au spectacle vivant une place de choix dans la galerie virtuelle des Micro-Folies
Théâtre de l’Europe : plonger dans la fabuleuse histoire de l’Odéon
« Nous avons décidé de nous adapter au format des Micro-Folies, à la façon dont elles sont conçues et pensées pour accueillir, sur tout le territoire, différents types de publics », explique Olivier Schnoering, directeur de la communication et des publics à l’Odéon – Théâtre de l’Europe. Après avoir envisagé, pendant un temps, de proposer des captations de spectacle, l’institution a finalement décidé de mettre en avant l’histoire et les coulisses du théâtre à travers une série de vidéos se déclinant en 4 grands axes. Le premier axe, centré sur l’histoire de l’Odéon, prend la forme d’une série de films animés, Les fantômes de l’Odéon, réalisés en partenariat avec l’école Estienne. « Cela raconte, sur des formats très courts, l’histoire des personnalités marquantes du théâtre : André Antoine, Jean-Louis Barrault, Sarah Bernhardt… - soit des individus qui ont fait évoluer l’art théâtral mais aussi des comédiens, des metteurs en scène », souligne Olivier Schnoering. Le deuxième axe, plus technique qu’historique, dévoile les coulisses de montage des spectacles. « Montrer l’envers du décor fonctionne toujours bien, surtout auprès des jeunes publics », observe Olivier Schnoering.
Dédié à l’accessibilité, le troisième axe propose, lui, un focus sur le processus d’audiodescription. « Il s’agit de montrer ce que c’est, comment ça fonctionne, et d’en détailler les enjeux. On a notamment cherché à dévoiler les coulisses d’une séance d’enregistrement », précise Olivier Schnoering. Enfin, le quatrième et dernier axe met en avant les métiers de l’ombre, soit des professions souvent méconnues qui sont pourtant essentielles au monde du théâtre. « C’est très ludique, on va découvrir le métier d’accessoiriste ou de peintre décorateur par exemple », déclare Olivier Schnoering. Toutes ces vidéos sont assez courtes, allant de 2 à 15 minutes pour la plus longue d’entre elles, un choix assumé visant à permettre aux professeurs venant avec leur classe de parcourir facilement ces différents contenus. « Nous trouvons très intéressante l’idée que le théâtre puisse être partout, sur tout le territoire, grâce aux Micro-Folies. D’où notre volonté de montrer, à travers le Musée numérique, ce qu’est le spectacle vivant », conclut Olivier Schnoering.
Centre national des arts du cirque : découvrir le cirque comme vous ne l’avez jamais vu
Pour Jeanne Vasseur, responsable du Centre de ressources documentaires au sein du pôle ressources – recherches, la participation du CNAC (Centre national des arts du Cirque) aux Micro-Folies constitue une double opportunité. Elle permet, d’un côté, d’améliorer la compréhension des arts du cirque, tout en facilitant, de l’autre, la découverte des artistes inspirés par le cirque. « Nous avons eu envie de proposer aux visiteurs un parcours reprenant les grandes thématiques du cirque : l’acrobatie et l’équilibre, l’acrobatie aérienne, l’art équestre, la jonglerie, l’art clownesque et, enfin, les espaces du cirque », fait-elle valoir. Au total, 70 œuvres du CNAC intégreront cette nouvelle collection nationale. Pour montrer toutes les facettes du cirque, le CNAC s’est efforcé de varier les supports de ces œuvres – tableaux, lithographies, vidéos…-, tout en couvrant une période historique allant des origines du cirque jusqu’à ses manifestations contemporaines.
Parmi les œuvres présentées figure une lithographie d’Henri Matisse, intitulée Le Cirque (1946) et issue de la série « Jazz ». « Cette planche, qui s’inscrit dans le thème ‘espaces du cirque’ donne à voir le rideau qui dissimule les coulisses, puis l’acrobate en équilibre sur son agrès. Elle invite le spectateur à se glisser sous un chapiteau », commente Jeanne Vasseur. L’art équestre est, pour sa part, mis à l’honneur par le biais d’une affiche réalisée par Manuel Orazy, représentant l’inauguration de l’Hippodrome du Boulevard de Clichy, le 13 mai 1900. La sélection inclut également un extrait vidéo du spectacle « Rain / Bow – arc de pluie » (2007) de Jérôme Thomas, acteur majeur du cirque contemporain ayant joué un grand rôle dans le renouvellement de l’art du jonglage. « Le cirque est indissociable du mouvement, d’où la nécessité de proposer au public des Micro-Folies, potentiellement néophyte, des contenus vidéos à même de leur faire découvrir le cirque contemporain », souligne Jeanne Vasseur. Le cirque est enfin représenté sur différents continents comme en témoigne, le portrait de deux équilibristes chinoises, datant du XVIIIe siècle et peint sur le fond uni d’un panneau de soie, lui aussi présenté dans la sélection du CNAC. « L’objectif n’est pas d’isoler des œuvres d’art majeures mais, de montrer que le cirque lui-même est un art et non un divertissement », conclut Jeanne Vasseur.
Service interministériel des Archives : retrouver l’Histoire derrière les archives
« C’est la première fois que les archives entrent dans une collection nationale, nous sommes très heureux et satisfaits de voir qu’à cette occasion là les services d’archives peuvent être valorisés et, à travers eux, leurs collections », se réjouit Brigitte Guigueno, conservatrice en chef au sein du Service interministériel des Archives de France. Trois services présentent à cette occasion leurs chefs d’œuvres : les Archives nationales, les Archives (départementales) de Paris et les archives (municipales) d’Angers. « Les archives de Paris proposent un document très visuel : un corset en soie rose, modèle 1905 », précise Brigitte Guigueno. Pourquoi un tel objet se trouve-t-il dans une collection d’archives ? « Il provient du dépôt au greffe des tissus du conseil des prud’hommes. Depuis 1850 environ, les modèles conçus par les sociétés pouvaient être déposés dans les greffes pour être protégés : très souvent les fabricants apportaient des photos, des échantillons de tissu… Et parfois des objets confectionnés », explique Brigitte Guigueno. Le fonds duquel le corset est issu est représentatif de ce qu’on trouve dans toutes les archives départementales, les déclarations et dépôts de modèles de fabrique étant possibles partout en France ; le fonds de Paris reste cependant exceptionnel par la qualité et la variété des objets conservés. « Ces fonds-là permettent de faire de l’histoire de la création industrielle depuis la mi-19e », analyse Brigitte Guigueno.
Les œuvres du passé ont une puissance d'évocation qui transcendent les siècles
Parmi les œuvres mises en avant par les Archives nationales figure un document emblématique : le décret de l’abolition de l’esclavage, adopté en 1848 sous l’impulsion de Victor Schœlcher. « C’est un ‘simple’ document manuscrit mais il a une réelle puissance d’évocation, de présence », observe Brigitte Guigueno. « Il est particulièrement bien mis en valeur dans la collection étant donné que, grâce au numérique, on peut le découper et mettre en avant certains mots », reprend-elle. Enfin, les archives d’Angers ont choisi d’intégrer à cette troisième collection national un dessin d’architecte représentant une école communale. « On retrouve régulièrement ce type d’œuvres dans les fonds d’archives. Il s’agit, en l’occurrence, d’un dessin aquarellé en couleur », souligne Brigitte Guigueno. Réalisé en 1872, ce dernier illustre l’importante politique de construction d’écoles qui a eu lieu tout au long du 19e siècle dans un contexte de lois sur l’instruction primaire, Jules Ferry la rendant obligatoire et gratuite pour tous les enfants en 1881-1882. « Ce plan s’intègre, plus largement, dans un programme de construction de 11 écoles, rien qu’à Angers », rappelle Brigitte Guigueno.
Beaux-Arts de Paris : découvrir la puissance des passions humaines
« Notre collection est une émanation de l’enseignement des Beaux-Arts. Elle s’est constituée par et pour leurs élèves », déclare Anne-Marie Garcia, conservatrice générale du patrimoine et responsable des collections des Beaux-Arts de Paris. La sélection menée sur un ensemble de 450 000 œuvres, réunit peintures, sculptures, gravures, photographies, dessins, du XVe siècle au XXe siècle autour d’une thématique commune : la condition humaine, vertus et passions. « Evidemment ce sont pour beaucoup des œuvres signées par les maîtres, mais sans pour autant que ce soit un objectif en soi. Nous avons cherché avant tout à témoigner de la variété et de la richesse de la collection et à montrer des œuvres puissantes », précise Anne-Marie Garcia.
Chaque œuvre illustre un état en lien avec le fil conducteur choisi, tels que l’intelligence, la création, l’amour, l’esprit, la colère, la liberté ou encore l’esclavage. L’excellence est représentée par la fresque de Paul Delaroche peinte dans l’emblématique amphithéâtre d’honneur de l’Ecole des Beaux-Arts. « Cette vaste peinture murale illustre le mystérieux processus de transmission à l’origine de tout apprentissage artistique », analyse Anne-Marie Garcia. « Paul Delaroche a en effet choisi de représenter les grandes figures artistiques du passé, susceptibles de fonder l’excellence contemporaine », ajoute-t-elle. Un ovale du médecin Duchenne de Boulogne, qui recourait à la photographie pour enregistrer ses expérimentations, illustre l’effroi. « Duchenne de Boulogne électrisait les muscles du visage afin de dresser une taxinomie scientifique de l’expression des passions », explique Anne-Marie Garcia, évoquant « une image frappante et exceptionnelle ». Enfin, l’art anatomique de Gautier d’Agoty renvoie au corps poétisé. « Ce graveur produit des compositions baroques et maniériste à partir de dissections anatomiques, conférant à ses sujets une étrange beauté, et laissant le spectateur à mi-chemin entre la fascination et la répulsion », observe Anne-Marie Garcia. Les œuvres ainsi mises à l’honneur ont été, de l’aveu de la conservatrice, sélectionnées pour leur côté intemporel. « Nous souhaitons que le public des Micro-Folies se les approprie non pas comme des œuvres appartenant au passé, mais bien, grâce à leur puissance évocatrice, comme des œuvres parlantes à l’heure actuelle », déclare-t-elle.
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