Le 30 mars dernier, lors d’une vente organisée à Paris par Sotheby’s, une tapisserie provenant de la cathédrale du Mans a été préemptée par l’État pour 22 100 €.
Présentée dans le catalogue de vente comme un « fragment de tapisserie des Pays-Bas méridionaux », elle a été identifiée grâce à des comparaisons stylistiques par une historienne de l’art spécialiste de la tapisserie, qui en a informé immédiatement la conservatrice des monuments historiques de la Direction régionale des affaires culturelles des Pays de la Loire (DRAC).
La tapisserie appartient en réalité à une tenture représentant la Vie de saint Julien, premier évêque de la cathédrale du Mans et représente Le passage miraculeux du gué, scène montrant le cortège funèbre traversant la Sarthe miraculeusement solidifiée pour ramener le corps du saint au Mans. Il est conduit par le maître de la cité, appelé, dans les textes, le Defensor. C’est ce personnage, à l’habit et au visage bien reconnaissables, qui a permis une identification certaine de la tapisserie.
Elle fait partie d’une tenture représentant la Vie de saint Julien dont une partie a été offerte à la cathédrale au début du XVIe siècle par le chanoine Baudouin de Crépy. D’une grande qualité artistique et technique, ces tapisseries ont été fabriquées à Paris ou dans les Flandres, les deux principaux centres de production textile de l’époque.
Un document d’archive datant de 1529 nous précise que ces tapisseries étaient suspendues plusieurs fois par an dans la cathédrale, « depuis Noël jusqu’à la dédicace ou à la fête des saints apôtres Philippe et Jacques […] ; de la Pentecôte à l’octave de la consécration, et le jour de l’Assomption ».
De cet ensemble qui, à l’origine, devait compter près de douze tapisseries, seules six sont encore conservées à la cathédrale (2 tapisseries complètes et quatre fragments). La septième a été volée en 1907 et reste non localisée.
Des recherches ont été effectuées pour tenter de déterminer à quel moment la tapisserie en vente a quitté la cathédrale du Mans mais elles n’ont pu aboutir. Les tapisseries ont vraisemblablement été dispersées à la Révolution française, pendant laquelle les Vendéens s’en seraient servi pour couvrir les blessés. Ainsi, certaines restent sur place tandis que d’autres sont vendues ou détruites. Aujourd’hui, outre les pièces toujours conservées au Mans et celle mise en vente en 2017, deux autres tapisseries de cette tenture ont pu être identifiées : l’une est conservée au musée du Louvre, la seconde est probablement en mains privées aux États-Unis, sa dernière apparition ayant lieu à New York.
La tapisserie en vente chez Sotheby’s a pu être acquise par voie de préemption. Pour ce faire, une autorisation a été demandée en urgence par la DRAC au Ministère de la culture et de la communication après constitution d’un dossier prouvant l’origine de la tapisserie grâce à des avis d’experts. L’État a ainsi pu se substituer à l’acquéreur après adjudication de l’objet.
Grâce à cette acquisition, cette tapisserie remarquable va pouvoir rejoindre le lieu cultuel pour lequel elle a été créée au début du XVIe siècle. Un projet de mise en valeur dans la cathédrale sera lancé prochainement afin que soit exposé au grand public et aux fidèles ce chef d’œuvre de la tapisserie de la Renaissance, ainsi que les nombreuses autres tapisseries qu’abrite la cathédrale du Mans. En attendant, la tapisserie nouvelle acquise rejoindra la réserve de tapisseries et d’ornements liturgiques de la cathédrale.
Partager la page