Les œuvres qui ont quitté Laudun L’Ardoise en fin d’année 2021 étaient lourdement encrassées, au point que leur lecture était devenue difficile. De l’histoire de leur création on ne savait rien, tout au plus pouvait-on les dater par leur style du XVIIe siècle, et pressentir une certaine qualité picturale. C’est d’ailleurs cette intuition qui avait déterminé la protection des deux tableaux au titre des monuments historiques en 2008.
L’intervention avait donc pour objectif non seulement d’assurer la conservation des deux tableaux mais aussi d’améliorer leur présentation et de rétablir une certaine lisibilité. Elle a aussi constitué un moment privilégié pour observer les œuvres dans de bonnes conditions et en apprendre davantage sur leur histoire.
Le tableau de L’Annonciation : une œuvre presque entièrement repeinte
C’est le tableau de l’Annonciation qui a livré le plus de secrets : l’examen rapproché et les tests de nettoyage ont révélé une couche picturale presque entièrement couverte de surpeints (retouches colorées réalisées a posteriori sur la couche picturale d’origine). Après dépose des châssis, dépoussiérage, consolidation de la toile et refixage de la couche picturale, les fenêtres de nettoyage ont été agrandies et multipliées afin de connaître précisément l’ampleur des surpeints, la qualité et l’état de conservation de la couche picturale d’origine. Certaines zones, notamment les fonds et le voile de la Vierge se sont avérées très usées, d’autres ont dévoilé une couche picturale d’origine parfaitement conservée, et de très belle facture. On imagine qu’à une date inconnue (au XIXe siècle lorsque les toiles ont reçu un nouveau cadre?), plutôt que de nettoyer une surface encrassée et de combler des lacunes, la toile a été en grande partie repeinte. La découverte de la qualité picturale de l’œuvre originale, et le caractère très médiocre des interventions postérieures ont décidé le dégagement des surpeints. Les lacunes ont été réintégrées avec un traitement illusionniste pour restituer à l’œuvre sa cohérence visuelle.
La découverte d’une signature
Le dégagement des surpeints a dévoilé une inscription dans le bord inférieur gauche du tableau de l’Annonciation déchiffrable comme suit : « L NS (ou NS) PARROCEL IN ET PINXIT 1682 », identifiant ainsi l’auteur de l’œuvre et la date de sa création. Les Parrocel sont nombreux, il s’agit d’une dynastie de peintres active entre le XVIe et le XVIIIe siècle, une des plus importantes par la longueur dans sa généalogie en France sous l’Ancien Régime. Ses membres, dispersés à travers l’Europe entière, s’expriment dans des styles et des genres différents. Le plus célèbre d’entre eux, Joseph Parrocel (1646-1704), s’est spécialisé dans la peinture de scènes de bataille ; il est notamment l’auteur du cycle sur l’histoire de la Guerre de Hollande à l’hôtel des Invalides et du décor de la salle du Grand Couvert dans les appartements du roi à Versailles. Il a fait son premier apprentissage auprès de son frère Louis, principalement actif dans la région d’Avignon. Moins connu, moins bien documenté, Louis Parrocel (1634-1694), est un peintre d’histoire qui s’exprime dans un style inspiré de la tradition du classicisme romain. Le sujet, le style, la date portée et la signature laissent peu de doute : L’Annonciation de Laudun l’Ardoise est son œuvre. Selon toute vraisemblance, le tableau du Mariage mystique de sainte Catherine – pour lequel aucune signature n’a été retrouvée - peut désormais lui être attribué également.
Restauration réalisée en 2022 par Emmanuelle Rossat-Mignod, restauratrice de peinture, sous la maîtrise d’ouvrage de la commune et le contrôle scientifique et technique de la Drac Occitanie (financement État à 40%).
Galerie d'images de la restauration des deux tableaux de Louis Parrocel (crédits photos E. Rossat-Mignod )
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