Danse en Île-de-France : un espace de dialogue, de concertation et de coopération
L’Île-de-France occupe une place à part dans le paysage chorégraphique français et européen. L’écosystème francilien n’a sans doute pas d’équivalent. Et pourtant, aussi paradoxal que cela puisse paraître, dans cette région où l’art chorégraphique est si présent et enraciné, l’on constate un recul de la danse sur les plateaux, un affaiblissement de la création et de la diffusion, et une fragilisation croissante de l’écosystème chorégraphique francilien. Cette injonction paradoxale pose la question de l’avenir. Comment capitaliser sur les atouts, développer ce qui fait la force de cet écosystème, et en même temps corriger ce qui doit l’être afin que la danse reste en mouvement.
Face à ce constat, une démarche de schéma d’orientation pour le développement de la danse en Ile-de-France (SODIF) a été impulsée, appréhendant l’ensemble des composantes du secteur chorégraphique : enseignement, formation, transmission, parcours professionnels, création, production, diffusion, pratiques amateurs…
L’enjeu premier de cette démarche était de rassembler, de sensibiliser et de fédérer les acteurs et les collectivités, afin d’initier une large dynamique d’acculturation, de concertation et de co-construction.
L’objectif fixé était de mettre en œuvre le SODIF à l’échelle régionale en deux phases :
Phase 1 : comprendre et partager les spécificités, les forces et les faiblesses du secteur sur le territoire.
Phase 2 : identifier les enjeux et les décliner sous forme d’orientations, d’actions à développer sur le territoire de manière commune ou adaptée.
Cette démarche, initiée par la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) Île-de-France et confiée à Michel Lefeivre, directeur de l’Agence Albert et Sylla Conseil Culture, s’articule autour d’une méthodologie collaborative. La première phase a permis de dresser un premier état des lieux du secteur et d’identifier les sujets et problématiques propres au territoire francilien, en collaboration avec les collectivités territoriales, académies et partenaires culturels.
Une dynamique de concertation
Le SODIF repose sur une approche concertée, impliquant :
- Un Comité de pilotage, garant de la cohésion de la démarche et chargé de cadrer les actions conjointes à mener.
- Un Comité technique, moteur fonctionnel assurant l’analyse des données et la hiérarchisation des travaux.
- Des ateliers thématiques, espaces de travail ouverts aux professionnels du secteur pour nourrir les réflexions et proposer des orientations concrètes.
Ces instances de travail permettent d’aborder plusieurs thématiques essentielles, parmi lesquelles :
- Création / Production / Diffusion
- Éducation Artistique et Culturelle
- Enseignement / Transmission / Pratique amateur
- Insertion / Emploi / Formation continue / Reconversion
Premières conclusions : forces et faiblesses du secteur
L’état des lieux a mis en lumière des déséquilibres territoriaux notables : une forte concentration d’actions et de moyens, tant en termes d’équipements (lieux de diffusion) que d’implantation des compagnies franciliennes sur la petite couronne, tandis que les territoires de la grande couronne sont moins pourvus.
Les structures de danse se répartissent ainsi :
- 3 établissements nationaux : Opéra national de Paris, Chaillot Théâtre national de la danse et le Centre national de la danse CN D dans son domaine propre d’activités ;
- 1 Centre chorégraphique national CCN de Créteil, Val-de-Marne et 2 Centre de développement chorégraphique national (CDCN) : Atelier de Paris et la Briqueterie du Val-de-Marne ;
- 7 Scènes conventionnées d'intérêt national (SCIN) : L’étoile du nord, (Paris 75), l’Onde Théâtre - Centre d'art, Vélizy-Villacoublay (Yvelines 78) - Théâtre de Vanves et Théâtre de Suresnes Jean Vilar, (Hauts-de-Seine 92) - Espace 1789, Saint-Ouen et le Théâtre Louis Aragon Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis, 93), Centre des arts Enghien-les-Bains (Val d’Oise 95)
- 3 réseaux subventionnés : Paris réseau danse, Essonne Danse (Palaiseau 91) et Escales danse (Val d’Oise 95), qui touchent une quarantaine de structures diverses ;
- Une dizaine de festivals structurants : (par exemple les Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis ou la Biennale de danse du Val-de-Marne, Faits d’hiver ou June Events…) et 4 plus précisément en direction de la jeunesse (comme "Pulse" ou "Signes de printemps")
À cela s’ajoutent des structures pluridisciplinaires, notamment des scènes nationales et des théâtres municipaux diffusant de la danse.
Par ailleurs, le nombre de représentations a plus que doublé entre 2007 et 2019 (1.086 et 2.264), ce nombre est depuis en très faible augmentation en 2022 et 2023 (2.374 et 2.463) : on peut parler de stabilisation, avec quelques variations mais peu significatives par département. Les départements sont plus ou moins volontaristes en matière de danse, certains annonçant ne pas en faire une priorité.
Enjeux et perspectives
Plusieurs défis doivent être relevés pour assurer un développement harmonieux de la danse en Île-de-France :
- L’inégalité territoriale dans l’accès à la danse et aux équipements adaptés,
- Le manque de lieux de création et de répétition, notamment pour les compagnies émergentes,
- Le soutien aux nouvelles esthétiques et aux formes chorégraphiques innovantes,
- La mutualisation des ressources pour favoriser une meilleure circulation des œuvres et des artistes.
Dans le domaine de l’enseignement artistique, le territoire francilien bénéficie de la présence de nombreux conservatoires et structures socio-culturelles proposant des cours de danse. Toutefois, plusieurs enjeux demeurent :
- Le repérage plus précis des établissements non labellisés (associatifs, MJC, centres culturels), qui touchent un large public mais sont moins bien recensés,
- La mise en place de plans de formation et d’équipement, notamment pour l’amélioration des infrastructures (planchers adaptés, salles de répétition),
- La création de liens renforcés entre les établissements d’enseignement et le monde de la création chorégraphique.
Sur le plan de l’éducation artistique et culturelle, les actions sont portées par plusieurs acteurs:
- Les rectorats
- Les compagnies, qui intègrent de plus en plus la médiation dans leurs projets,
- Les structures de diffusion (théâtres, festivals), qui cherchent à toucher de nouveaux publics.
Des pistes d’amélioration ont été identifiées pour mieux structurer ces actions :
- Un meilleur suivi et une meilleure connaissance des initiatives existantes,
- La création d’outils de communication partagés pour favoriser la mise en réseau,
- Une attention particulière aux territoires peu dotés afin de prioriser la présence artistique
Une structuration renforcée pour l’avenir
L’un des grands défis du SODIF est d’encourager un décloisonnement des différents champs d’intervention en danse :
- La création et la diffusion doivent être mieux articulées avec les dispositifs de formation et d’insertion professionnelle,
- L’enseignement artistique doit être davantage relié aux réalités du secteur chorégraphique et aux évolutions esthétiques,
- Les acteurs de la danse doivent disposer d’outils communs pour structurer leur filière à l’échelle régionale.
À travers ce schéma d’orientation, l’ambition est triple :
1. Consolider l’existant pour éviter un recul de la danse sur les territoires franciliens
2. De dégager des perspectives de développements possibles là où la danse est plutôt absente et où une volonté politique existe ;
3. De décloisonner les différents champs d’intervention en danse.
Ce travail de structuration repose sur un dialogue ouvert entre l’ensemble des acteurs et une approche collaborative permettant d’anticiper les évolutions du secteur. La mise en œuvre progressive du SODIF devra s’adapter aux besoins identifiés, tout en favorisant une vision globale et partagée de la filière danse en Île-de-France.
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