Les cathédrales qui ont été constituées "Biens de la Nation" en 1789 lors de la nationalisation des biens du clergé, sont propriété de l’État. Classées monuments historiques à partir de 1838, ces édifices, et certains de leurs objets, sont placés sous la responsabilité de l’État et affectés au ministère de la Culture et par déconcentration aux Directions régionales des affaires culturelles (DRAC).
Notre-Dame de Paris, classée en 1862, entre dans ce cadre. Les dégâts causés par l’incendie du 15 avril 2019 sont d’une telle ampleur que, pour appuyer les services de l’État en charge de la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et de son mobilier, un établissement public administratif chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris (EPRNDP), placé sous tutelle du ministère de la Culture, a été créé en décembre 2019 à la suite de la loi n° 2019-803 pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale. L’EPNRDP a pour mission d'assurer la conduite, la coordination et la réalisation des études et des opérations concourant à la conservation et à la restauration de Notre-Dame de Paris, ainsi que de valoriser le chantier et les métiers et savoir-faire qui y concourent. Il opère en collaboration avec l’Architecte en chef des monuments historiques (ACMH), Philippe VILLENEUVE, en charge de la maîtrise d’œuvre du chantier.
Aux côtés des services de l’État et du ministère de la Culture, les équipes de la DRAC Île-de-France sont à pied d’œuvre depuis quatre ans pour permettre la restauration de l’édifice et de ses objets, et approfondir la connaissance historique et scientifique du monument. Une des premières missions de la DRAC a été le prélèvement et la conservation des matériaux effondrés considérés dès le lendemain de l’incendie comme des vestiges archéologiques. La DRAC exerce en outre le contrôle scientifique et technique sur les opérations d’archéologie préventive qu’elle prescrit, ainsi que sur les analyses des différents diagnostics et projets rendus par la maîtrise d’œuvre sur la restauration du monument. Enfin, elle exerce la maîtrise d'ouvrage sur les objets mobiliers de la cathédrale.
Le défi de l’urgence
L’incendie a détruit une partie des voûtes, la charpente, la couverture et la flèche de la cathédrale. Pendant toute la nuit et les jours qui ont suivi cet événement, les équipes de la DRAC étaient sur place pour guider les pompiers durant leurs interventions, identifier et mettre à l’abri les 1 300 œuvres de Notre-Dame de Paris et procéder aux premières mesures d’urgence. La sauvegarde des objets a été rendue possible grâce à la mobilisation, aux côtés de la DRAC (Conservation régionale des monuments historique), de la Direction générale des patrimoines et de l'architecture (DGPA) du ministère de la Culture, du musée du Louvre, du Mobilier national et du Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF).
Sauvegarde de la statue de la Vierge et l’enfant et transfert d’un tableau
Au lendemain de l’incendie, à la demande de la DRAC, un premier état des lieux a été dressé par la maîtrise d’œuvre à l’occasion d’une visite de la cathédrale menée par les pompiers. Cet état des lieux a permis d’identifier les interventions à conduire immédiatement pour réaliser les sécurisations de première urgence et empêcher toute dégradation supplémentaire.
Interventions de sécurisation de première urgence
Les agents de la DRAC ont dû répondre à de multiples sollicitations émanant du monde entier pour apporter aides et soutiens. Ils ont également été confrontés à une exposition médiatique sans précédent. Jusqu’au 1er décembre 2019, la DRAC a piloté l’ensemble des travaux de sécurisation et de conservation de la cathédrale.
Les travaux de sécurisation du 16 avril au 1er décembre 2019 en quelques chiffres
68 contrats en procédure d’urgence impérieuse
Prêt de 53 millions d’euros en autorisation d’engagement
Plus de 31 millions d’euros en crédits de paiement
Ce chantier hors normes a nécessité une coordination complexe s’articulant autour de la tutelle ministérielle, de la préfecture de la région d’Île-de-France, de la préfecture de Police de Paris, de la Ville de Paris du diocèse.
Les débris de l’incendie devenus "vestiges"
Tous les débris et gravats effondrés lors de l’incendie ont été immédiatement considérés comme des « vestiges », classés au titre des monuments historiques et ayant le statut de "biens archéologiques mobiliers", et de fait placés sous la responsabilité de la DRAC. Un protocole scientifique de prélèvement a alors été mis en place, élaboré conjointement par différents services du ministère de la Culture : le service régional de l’archéologie, le Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH) et le Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF).
Les « vestiges »en quelques chiffres
Plus de 10 000 bois provenant de la charpente médiévale de la nef, de la charpente XIXe, des bras du transept et de la flèche
650 palettes d’éléments lapidaires (pierre) : arc doubleau effondré de la nef (début 13e siècle) et voûtains associés, voûte de la croisée (reconstruite au 18e, puis au 19e en réemployant des éléments 18e) dont anneau de compression, éléments ponctuels de la voûte du bras nord du transept
Environ 350 palettes d’éléments métalliques issus de la charpente, de la flèche et de la toiture (crêtes de faitage, éléments de plomb, agrafes de fer, mécanisme de l’horloge, cloches, armatures liées à la charpente…)
3 phases se sont succédé jusqu’à aujourd’hui pour collecter, trier, conserver et inventorier les vestiges.
La collecte et le tri (1e et 2e phases)
- De fin avril à mi-novembre 2019 : tri des éléments effondrés au sol (nef, bras nord du transept, croisée) sur site, avec la mise en place de structures temporaires sur le parvis de la cathédrale.
Collecte des vestiges au sol et sur les voûtes
- De janvier 2020 à mars 2021 : fin du tri des éléments effondrés sur les voûtes (interruption due notamment au Covid-19).
Tri des vestiges dans un barnum sur le parvis
La conservation et l’inventaire (3e phase)
- À partir d’avril 2020 : transfert des vestiges dans des espaces de réserve mis à disposition par l’EPRNDP, réalisation de l’inventaire des vestiges et accueil de chercheurs et d’entreprises chargé de la restauration de Notre-Dame, prêts dans le cadre d’expositions temporaires.
Conservation et inventaire des vestiges dans des espaces dédiés
Toutes ces opérations sont placées sous la responsabilité de la DRAC qui assure l’inventaire et la régie des « vestiges », ainsi que l’accueil dans les réserves, notamment des équipes de recherche organisées en groupes de travail thématiques, coordonnées par le Centre national de la Recherche Scientifique (CNRS) et le ministère de la Culture.
Prévenir les risques liés au plomb
Les installations temporaires avaient été spécialement conçues pour répondre au risque d’exposition et de dissémination du plomb. Les espaces de réserve ont été aménagés conformément à la demande de la DRAC, c’est-à-dire en conformité avec les règles de confinement liées au risque plomb (aménagement d’une zone « sale » pour toutes les activités émissives, de sas avec douches, d’espaces de travail en zone « propre »…).
L’ensemble des opérations de prélèvement, de tri et d’inventaire se sont faites dans le respect du protocole plomb (port systématique du masque à assistance respiratoire, travail en combinaison, gants, vacations de 2h). Toutes les manipulations sur les vestiges qui ont subi une pollution au plomb se font également dans le respect de ce protocole.
Les chercheurs qui viennent sur site doivent justifier d’une formation plomb et disposer des équipements de protection individuelle adéquats ; ils sont informés en amont de la pollution des échantillons qu’ils prélèvent – la dépollution étant de leur responsabilité.
Un certain nombre des vestiges servent de modèles pour la restauration de Notre-Dame de Paris : pierre, métal, bois. Les entreprises de restauration de la cathédrale qui ont besoin de vestiges pour faire des copies sont accueillies dans les réserves sur demande auprès de l’EPRNDP et en coordination avec lui.
Des vestiges sont également prêtés dans le cadre d’expositions temporaires (exposition "Notre-Dame de Paris. Des bâtisseurs aux restaurateurs", à la Cité de l’architecture et du patrimoine, et l’exposition "Notre-Dame de Paris au cœur du chantier", à l’espace Notre-Dame, au parvis de la cathédrale.
L’archéologie préventive au cœur de la restauration
Dans le cadre de la stabilisation puis de la restauration de Notre-Dame de Paris, plusieurs opérations d’archéologie préventive ont été menées. La DRAC, sous l’autorité du préfet de région, est prescriptrice des diagnostics et fouilles préventifs et est responsable du contrôle scientifique et technique. L’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives), établissement public à caractère administratif créé par la loi du 17 janvier 2001 et placé sous la double tutelle des ministères chargés de la culture et de la recherche, est l’opérateur missionné, conformément à la loi du 29 juillet 2019, pour réaliser les fouilles préventives sur le site de la cathédrale.
Les opérations archéologiques en quelques chiffres
5 diagnostics ont déjà réalisés à ce jour
3 fouilles préventives se sont déroulées
Les principales opérations archéologiques :
- D’octobre à novembre 2019, des fouilles préalables à l’installation de la grue, au niveau du chevet de la cathédrale, ont permis de mettre au jour un mur de quai de la fin du XIe - début XIIe siècle. Celui-ci avait déjà été repéré au début du XXe siècle par la Commission du Vieux Paris, mais insuffisamment interprété.
Fouilles préalables à l’installation de la grue et vue du mur de quai
- De septembre à octobre 2020, une opération de prospection géophysique (géoradar 3D et électrostatique) à l’intérieur de la cathédrale a permis de réaliser une cartographie d’anomalies archéologiques (maçonneries sans doute préexistantes à la cathédrale gothique, vides pouvant être liés à des sépultures) et du réseau de chauffage des XIXe et XXe siècles.
Opération de prospection géophysique
- De février à mai 2022, des fouilles au niveau de la croisée du transept, préalables à l’installation de l’échafaudage nécessaire à la reconstruction de la flèche, ont été opérées. Des découvertes majeures ont été réalisées : une occupation funéraire (caveaux de pierre et de plâtre, cercueils anthropomorphes en plomb), des niveaux de sol construits du Moyen Âge et de l’époque moderne, et des éléments sculptés polychromes appartenant au jubé du XIIIe siècle.
Fouilles au niveau de la croisée du transept avec la découverte de cercueils de plomb et d’éléments du jubé
- De juillet à septembre 2022, des fouilles ont été opérées préalablement à la réalisation d’une tranchée de raccordement de la cathédrale au chauffage urbain sur le parvis de Notre-Dame de Paris. Celles-ci ont mis en évidence une occupation antique (dont des niveaux d’incendie), les fondations d’un édifice préexistant à la cathédrale (sans doute carolingien), et une occupation funéraire des XIIIe-XIVe siècle.
Tranchée de raccordement et mise en évidence d'une occupation funéraire des XIIIe-XIVe siècles
Un contrôle scientifique et technique des opérations de restauration
Le contrôle scientifique et technique de l’État est régi par le code du patrimoine et est exercé par la DRAC (Conservation régionale des monuments historiques) qui le coordonne. La première action est d’analyser les différents projets rendus par la maîtrise d'œuvre, commandés par l’EPRNDP maître d’ouvrage. Chacun de ces projets est examiné par la DRAC et présenté devant le comité du contrôle scientifique et technique regroupant des représentants de la DGPA du ministère de la Culture, du LRMH, de l’Inspection des patrimoines et de la DRAC. Il en a été ainsi de la restauration intérieure de la cathédrale, de celle du grand orgue, de la restitution des charpentes et des couvertures.
Contrôle et suivi scientifique et technique à la cathédrale et dans les ateliers de restaurations des vitraux et des tableaux
La DRAC participe activement au chantier de restauration depuis le début des opérations, en particulier pour le nettoyage intérieur qui a débuté en juillet 2022 faisant suite aux phases de sécurisation. Les protocoles de restauration mis en place en 2020 ont été développés sur l’ensemble de l’édifice et ont permis la poursuite de la redécouverte du décor créé par Eugène Viollet-le-Duc. La restauration des vitraux des baies hautes de la nef et du chœur et de la sacristie a été accompagnée dans les différents ateliers, en étroite collaboration avec la maîtrise d’œuvre et la maîtrise d’ouvrage, afin d’avoir une vision d’ensemble et une homogénéité dans le rendu.
La cathédrale retrouve ainsi au fil des mois sa blancheur et les chapelles peintes leurs couleurs éclatantes. La DRAC accompagne ainsi au mieux l’ambitieux projet de restitution de la cathédrale Notre-Dame de Paris.
La restauration des objets mobiliers de la cathédrale
Les objets mobiliers de Notre-Dame de Paris sont la propriété de l’État, et à ce titre sont placés sous la responsabilité de la DRAC. La DRAC conduit les chantiers de restauration de ces objets classés au titre des monuments historiques. Plusieurs opérations sont en cours ou ont eu lieu pour préserver ces éléments pleinement attachés à l’histoire et à l’édifice de la cathédrale.
Les objets du trésor
Durant la nuit de l’incendie et les jours qui ont suivi, l’ensemble des éléments du précieux trésor de Notre-Dame de Paris ont été extraits de la cathédrale. Tous les objets étaient en bon état. Une partie d’entre eux a été transportée au Musée du Louvre. Sont restés dans le trésor tous les ornements liturgiques conservés à l’abri dans les chapiers (meubles où l’on range les éléments ecclésiastiques de cérémonie). Ils sont depuis régulièrement contrôlés afin de prévenir tout risque d’infestation ou de moisissures. Une intervention sur une quarantaine de pièces va prochainement commencer afin de leur rendre tout leur éclat et afin de les présenter dans la future exposition organisée par le Musée du Louvre à l’automne 2023.
Objets du trésor
Le tapis du chœur
Trois ans après avoir échappé à l’incendie de Notre-Dame, l’ancien grand tapis du chœur tissé par la Manufacture des Gobelins, qui n’a souffert ni des flammes ni de l’eau déversée par les pompiers, est en restauration depuis le 7 juillet 2022 dans les ateliers du Mobilier national, sous la responsabilité de la DRAC. Le chantier est prévu pour durer deux années.
Début de la restauration du tapis du chœur au Mobilier national
Les tableaux et les Mays
25 des tableaux de Notre-Dame, non endommagés par l’incendie, ont été déposés et sont conservés dans une réserve conçue pour recevoir de grands formats (les plus grand tableaux mesurant 4,50 mètres de haut et 3,50 mètres de large) équipée du plus grand rack de stockage d’œuvres d’art suspendues de France. La restauration exceptionnelle de 22 tableaux, dont 13 Mays, est en cours dans des ateliers spécialement aménagés d’une surface de 1 630 m2. Patrimoine de l’État pour 19 d’entre eux, les trois autres appartenant à la Ville de Paris, la restauration de ces tableaux a débuté le 15 octobre 2021 pour une durée de 27 mois. L’objectif est un achèvement des travaux d’ici à décembre 2023, en vue de la réouverture de la cathédrale en 2024. Deux tableaux terminés sont déjà présentés dans deux expositions, l’une sur Notre-Dame de Paris à la Cité de l’architecture et du patrimoine, l’autre à Madrid, au musée du Prado pour une exposition consacrée au peintre Guido Reni.
Restauration des tableaux
Les statues de la flèche
Les statues des 12 apôtres et des 4 évangélistes qui ornaient la flèche de Viollet-le-Duc ont fait l’objet d’une restauration minutieuse durant deux ans, à partir d’avril 2019. Elles avaient été déposées le 11 avril 2019, quelques jours à peine avant l’incendie de Notre-Dame. Désormais visibles à la Cité de l’architecture et du patrimoine, elles y resteront jusqu’à leur réinstallation sur la flèche rebâtie. La statue du coq, qui ornait le sommet de la flèche, a été retrouvée dans les décombres et a fait l’objet d’une simple consolidation et est également présentée à la Cité de l’architecture et du patrimoine. Il ne sera pas reposé en raison de sa grande fragilité.
Dépose des statues de la flèche ; Statues aujourd'hui exposées à la Cité de l’architecture et du patrimoine
LES PRINCIPAUX ACTEURS DE L’ÉTAT AUX CÔTÉS DE LA DRAC
Ministère de la Culture - Direction générale des patrimoines et de l'architecture (DGPA)
Architectes en chef des monuments historiques, Philippe VILLENEUVE (ACMH)
Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap)
Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF)
Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH)
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