Jane B, yeux bleus, cheveux châtains, a disparu ce matin – peut-être comme l’avait suggéré son père David Birkin, que c’est Munkey son singe en peluche, à qui elle a écrit pendant 40 ans ses joies, ses peines et ses espoirs, qui l’a accueillie, bras ouverts.
Aujourd’hui, nous perdons une icône totale dont l’accent pouvait aussi bien nous murmurer les hymnes d’une époque que défendre ses engagements sur la scène internationale : la solidarité, l'accueil des migrants, la lutte contre l’extrême-droite, la liberté.
A 18 ans à peine, c’est dans le septième art que Jane Birkin fait ses premiers pas d’artiste aux côté de Richard Lester, puis dans le légendaire Blow-Up, palme d’or au festival de Cannes de 1967 où elle fascine autant qu’elle fait scandale. En traversant la Manche, l'enfant du « Swinging London » devient vite une égérie parisienne et rencontre bientôt Serge Gainsbourg avec qui elle partage l’affiche dans Slogan et sa vie pendant une dizaine d’années.
Un an plus tard, le tandem mythique enregistre un des plus grands succès de la fin des années 1960 : Je t’aime, moi non plus qui réjouit autant qu’il dérange la presse et le public. Muse de l’homme à la tête de chou, elle connaît un immense succès en chantant ses textes du Rocking Chair aux Dessous chics avec impertinence, d’une voix soufflée, murmurante, apocalypstick. Une voix qui n’en porte pas moins, lorsqu’elle défend les causes qui lui tiennent à cœur : la lutte pour l’abolition de la peine de mort et la légalisation de l’avortement.
Entrée dans la légende, Jane Birkin revient à l’écran deux ans après la naissance de sa fille, Charlotte, sous la caméra de Roger Vadim et dans les bras de Brigitte Bardot pour un Don Juan 73 radicalement moderne. Plus tard, l’actrice saura aussi toucher par son humour le cœur des Français, grâce à des comédies populaires comme La Course à l’échalote et La Moutarde me monte au nez de Claude Zidi, rôles facétieux dans lesquels elle se glisse avec la même grâce que sur les planches, où elle joue Marivaux pour Chéreau ou L’Aide-Mémoire de Carrière dans une mise en scène de Bernard Murat.
Icône de la scène mais aussi de la mode, Jane Birkin a plus d'une corde à son arc. A partir des années 1980, sa carrière prend d’ailleurs la direction du cinéma d’auteur : avec Michel Deville, Jacques Doillon avec qui elle partage sa vie pendant plus de dix ans, Alain Resnais ou Bertrand Tavernier. Lorsqu’elle se livre, en 1988, à Agnès Varda dans le film-portrait Jane B. ce sont toutes les facettes de Jane, insaisissable, à la fois sérieuse et fantaisiste, engagée, que l’on retrouve avec bonheur. C’est aussi la réalisatrice qui l’encourage à faire confiance à son talent d’écriture, que l’on découvrira dans Kung Fu Master dont elle écrit le scénario ou plus tard dans son long métrage Boxes, en 2007.
Artiste totale, victoire de la musique en 1992, Jane Birkin n'a jamais arrêté de chanter. Depuis ses hommages à Serge Gainsbourg, comme autant d’arabesques musicales et poétiques, à ses propres créations, comme l’album Oh ! Pardon tu dormais… qu’elle co-signe en 2020 avec Etienne Daho, elle a accompagné cinquante ans d’histoire de la musique en faisant de nous tous des Ex-fan des sixties. Malade depuis plusieurs années, elle continuait à apparaître sur scène et reversait les bénéfices de ses spectacles à la Maison de Kate, centre d'aide aux toxicomanes qu'avait fondé sa fille et dont elle avait pris la suite, ou plus récemment au bénéfice de l'Ukraine. Car Jane Birkin, tout au long de sa vie, n'a jamais cessé non plus de se battre pour apporter sa pierre à l'édifice d'un monde plus juste, en s'impliquant auprès de nombreuses organisations non gouvernementales de défense des droits humains et d'aide humanitaire et en poursuivant l'engagement de sa fille Kate.
J'adresse à ses filles, Charlotte et Lou, à ses petits-enfants, à ses proches et à tous ses amis, mes plus sincères condoléances.