Monsieur le Directeur général de la Caisse des Dépôts, cher Pierre-René Lemas,
Monsieur le Directeur général de l’Union Sociale pour l’Habitat, cher Frédéric Paul,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Je suis très heureuse d’être parmi vous ce matin pour le lancement de cet appel à projets porté par le Lab CDC et dédié à l’architecture de la transformation.
J’en suis heureuse, parce que cet incubateur public de la Caisse des Dépôts offre la possibilité à tous les acteurs de la construction d’expérimenter en situation réelle, et sur un temps très bref, des projets innovants.
Or, vous le savez, rien de ce qui est innovant ne m’est indifférent. Vous penserez sans doute que l’attention que je porte à l’expérimentation vient des responsabilités que j’ai exercées avant d’arriver au ministère de la Culture et de la Communication.
C’est probablement vrai, mais ce serait oublier que la culture est, par définition, un domaine où l’on prend des risques et où on les éprouve, dans tous les sens du terme. J’ai d’ailleurs dit très vite que je tenais à faire de ce Ministère un incubateur culturel. Je ne peux donc que me sentir en parfait accord avec la démarche portée par la Caisse des Dépôts en association avec l’Union Sociale pour l’Habitat.
Rien de ce qui est innovant, donc, ne m’est indifférent. Mais rien de ce qui relève de l’acte de construire ne l’est non plus. Tout simplement parce que mon Ministère est aussi celui des architectes – de tous les architectes – et j’en éprouve une grande fierté.
Être la Ministre de tous les architectes, ce n’est pas être simplement la Ministre des grands gestes architecturaux, des créations exceptionnelles.
Être la Ministre de tous les architectes, c’est être aussi la Ministre de l’architecture du quotidien – du logement, des bâtiments publics, de ceux devant lesquels nos concitoyens passent tous les jours.
Car ma conviction en la matière est que le beau du quotidien n’est pas réservé qu’à quelques-uns : il doit être accessible à tous. Et je sais combien cette conviction est aujourd’hui partagée par les bailleurs sociaux que vous représentez.
Être la Ministre de l’architecture, c’est donc être mobilisée pour que l’architecture puisse déployer créativité et ingéniosité pour le bénéfice des tous les citoyens, ce qui suppose que l’architecture puisse être un levier d’expérimentation. J’ai donc fait de cette expérimentation l’un des axes majeurs de la Stratégie Nationale pour l’Architecture que j’ai souhaité engager dès mon arrivée.
De fait, nombreux sont les acteurs du territoire, habitants, entreprises, industriels, maîtres d’ouvrage, qui soulignent combien ils aimeraient que l’architecture leur offre l’édifice le mieux construit, et le plus adapté à leur mode de vie. Ils ont parfois le sentiment que les opportunités se sont émoussées par une accumulation de prescriptions qui ne bénéficie pas toujours à l’architecture des lieux de vie, de travail ou d’éducation. Les groupes de réflexion que j’ai réunis pour préparer cette Stratégie en ont largement fait état. Mon souci est de leur ouvrir ces « possibilités de faire ».
Ces possibilités doivent en premier lieu être concrètes et effectives. Et cette effectivité repose en partie sur les maîtres d’ouvrage, qui sont, avec les architectes et les entrepreneurs, les acteurs naturels de l’acte de construire. En matière d’innovation architecturale, la Caisse des dépôts joue depuis longtemps un rôle majeur et reconnu. Cet appel à projet s’inscrit dans cette tradition tout en lui donnant une impulsion nouvelle. Il répond ainsi au besoin d’engager la transition énergétique, de faire face aux évolutions démographiques ou aux transformations de la société, et de repenser l’usage de sites industriels, de bureaux, ou même de sites patrimoniaux, pour en faire des logements.
L’innovation en matière d’architecture de la transformation s’avère donc indispensable.
Je pense en particulier à des sujets émergents pour lesquels la contribution de l’architecture est attendue comme « l'économie circulaire de l'architecture – et notamment la déconstruction et le ré-emploi des matériaux -, ou les nouveaux usages et la rénovation du patrimoine du 20ème siècle.
Tous ces thèmes font ainsi écho à l’appel à projet de la Caisse des dépôts dont je ne doute pas du succès.
Je me réjouis par ailleurs que les Écoles Nationales Supérieures d’Architecture soient associées à cette opération, dont la réussite repose sur le trépied « enseignement/recherche/métier ». C’est l’une des contributions de mon Ministère. Les étudiants pourront faire des propositions innovantes, et ceux qui seront retenus par les bailleurs sociaux présélectionnés participeront à des ateliers pluridisciplinaires auxquels vous avez donné le nom de « Hack Archi » - tout un programme.
Mais, et c’est tout aussi important, les laboratoires de recherche des Écoles seront aussi associés. Ce sont des acteurs majeurs de l’innovation architecturale. De fait, pour que les territoires profitent davantage de leur recherche, et que celles-ci puissent être au plus près des réalités du terrain, je souhaite que l’ancrage territorial des écoles nationales d’architecture soit renforcé.
Ma conviction est que nous avons besoin que s’établissent des relations plus étroites avec les acteurs territoriaux. Elles sont nécessaires pour accompagner, et surtout anticiper, les mutations profondes de la réutilisation du bâti existant, celles des nouveaux édifices du quotidien comme des édifices exceptionnels. Elles sont également nécessaires pour penser les mutations tout aussi profondes de la fabrication de la ville ou l'aménagement durable des territoires – dans les espaces métropolitains comme dans les espaces ruraux. Les Écoles d’architecture ont beaucoup à apporter.
J’ai parlé des possibilités d’innovation effectives pour lesquelles nous nous engageons collectivement aujourd’hui. Je voudrais maintenant évoquer la nécessité de donner aux architectes la possibilité normative d’innover. Elle est tout aussi essentielle, et j’y travaille assidûment à travers le projet de loi que je proposerai à la fin du mois à l’Assemblée nationale.
Je pense en particulier à ce fameux « permis de faire », pour déroger temporairement – et de façon encadrée, bien sûr – à certaines règles d’urbanisme, afin de tester de nouvelles solutions architecturales.
Je suis heureuse de pouvoir vous l’annoncer ce matin : pour les bâtiments publics, ce « permis de faire » devrait être introduit dans la loi. Un amendement en ce sens a été adopté en Commission des affaires culturelles hier soir, à ma grande satisfaction. D’autres dérogations, en matière de surface, de gabarit et de hauteur, notamment, seront aussi autorisées.
A ces mesures, essentielles à l’expérimentation, il faut ajouter celles qui profiteront à l’aménagement durable de nos territoires, qui est aussi le sujet de notre rencontre ce matin. Je pense en particulier au fait que le « projet architectural, urbain et paysager » des lotissements, déjà obligatoire, devra désormais être réalisé par un architecte. Dans la mesure où ces aménagements ont un impact essentiel sur l’organisation des territoires périurbains, il s’agit là, me semble-t-il, d’une grande avancée. C’est aussi un acte de reconnaissance de la plus-value économique, culturelle, environnementale et sociale apportée par l’architecture sur le bâti et sur les espaces ruraux et urbains, une plus-value qui ne vient pas pour autant surenchérir les coûts de construction.
Par ailleurs, même si c’est un peu plus éloigné de notre sujet de ce matin, j’ai le plaisir de vous annoncer que le seuil de recours obligatoire à l’architecte pour déposer un permis de construire sera abaissé à 150 m².
Enfin, la reconnaissance de l’apport de l’architecte peut aussi être symbolique : j’ai ainsi proposé que soit inscrit dans la loi le principe – le symbole – de l’inscription du nom de l’architecte sur l’édifice qu’il a pensé et construit.
Ce sont là quelques toutes premières mesures de la Stratégie Nationale pour l’Architecture, qui est le fer de lance de l’impulsion nouvelle que j’entends donner à l’architecture. D’autres sont à venir – nous aurons l’occasion de les évoquer prochainement. Ces mesures ont vocation à transformer l’acte de construire de demain. Un acte qui a plus que jamais besoin de la créativité et de l’inventivité des architectes, pour relever les défis qui s’imposent aujourd’hui à nous. Nous sommes en train de préparer le patrimoine de demain.
C’est d’ailleurs le thème que j’ai choisi cette année pour les Journées européennes du Patrimoine - qui ont lieu ce week-end. Celles-ci sont l’occasion de mettre en avant ce que nous construisons aujourd’hui et ce que nous voulons léguer demain à nos enfants. Elles sont aussi la marque d’une conviction : celle qu’entre le patrimoine et la création, il y a un continuum et que le patrimoine ne cesse d’être réinventé au présent. Ici, nous le regardons avec l’œil de l’avenir, et c’est tout aussi nécessaire.
Je vous remercie.