Madame l’ambassadrice,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Je veux dire « chers amis », car vous êtes tous ici des amis de la langue française. C’est en cette qualité première que nous nous réunissons ce matin au Ministère de la Culture et de la Communication pour cette 22ème édition de la Semaine de la langue française et de la Francophonie, qui se tiendra du 18 au 26 mars, qui prendra le relais joyeusement du Printemps des poètes, qui sera en harmonie avec la Semaine de la presse et des médias, et qui accueillera dans ce même temps le Salon du livre.
Je veux d’ailleurs dire quelle cohérence il y a entre tous ces événements et ce soutien festif à la langue française. Nous étions ce matin avec le président de l’Institut Français à Matignon pour organiser et préparer la présence française à la Foire du livre de Francfort, qui aura lieu en fin d’année.
Là encore, ce sera un moment important pour les auteurs, les éditeurs, la langue française et aussi la culture, dans son dialogue avec l’Allemagne et dans la construction de ce qui fait l’Europe – question sur laquelle on s’interroge beaucoup en ce moment.
On s’interroge aussi, en ces moments de campagne électorale, sur ce qui nous réunit, ce qui fait Nation, ce qui fait le lien qui unit toutes ces identités qui, heureusement, sont plurielles.
Je crois que la langue française est un des éléments de cette réponse. Elle est ce qui nous unit. Elle est d’ailleurs énoncée en tant que « personnalité » de notre pays dans la loi du 4 août 1994.
Cette force de la langue a aussi été déployée de façon éclatante en ce début d’année 2017, lorsque le ministère de la Culture et de la Communication a organisé une première Nuit de la lecture dans des bibliothèques et dans des librairies partenaires. Alors que nous l’avions organisée rapidement, sur une intuition, elle a réuni plus de 250 000 personnes sur l’ensemble du territoire. Il y a donc une vraie appétence pour ce partage de la lecture, ce partage des mots, ce partage des textes. Je crois que cela montre la vitalité de notre pays en matière culturelle, mais aussi la volonté de partage et d’être ensemble.
La langue française est riche, et elle est façonnée pour savoir accueillir la pensée fine, la complexité, la nuance. Certains, dont un membre éminent parmi nous ce matin, savent même énoncer cette complexité ou cette nuance à travers 140 signes, ce qui est un exploit. D’ailleurs, s’il pouvait donner quelques leçons au Président des Etats-Unis, dont les tweets n’ont pas la même finesse, nous lui en serions reconnaissants !
Il est parfois consternant d’assister à un certain appauvrissement du débat ou de la parole publique ou médiatique. Tout ce que nous pouvons faire, tous ensemble, pour soutenir ce qui enrichit notre langue, ce qui la rend vivante, nous devons le faire. C’est le sens des opérations que j’ai citées, et c’est le sens de cette Semaine.
Depuis plus de vingt ans, ce rendez-vous est extraordinaire et puissant. Cette année, l’accent est mis sur la faculté de la langue française à répondre aux enjeux actuels de la modernité, notamment à travers la révolution numérique.
Autre hasard du calendrier, je reviens à l’instant d’Universcience, où nous venons de recevoir les travaux d’un Comité pour la culture scientifique et technique. Là aussi, il est très important, dans le contexte dans lequel nous sommes, d’avoir une culture scientifique qui soit populaire. La médiation culturelle peut beaucoup pour cela. L’une des demandes portait justement sur la capacité de notre langue à savoir décrire, prendre en compte, penser, anticiper la révolution numérique et tous les outils du numérique. C’est précisément un des thèmes qui ont été choisis dans cette Semaine, et aussi l’un des thèmes d’un nouvel appel à projets « langue et numérique » que nous relançons cette année au ministère de la Culture et de la Communication.
Nous abritons au ministère de la Culture et de la Communication – mais c’est un travail qui est fait pour l’ensemble du Gouvernement – la Délégation générale à la langue française et aux langues de France, que je veux saluer. La langue française a toute sa place dans un ministère qui défend la création, qui défend le patrimoine, le livre, la presse, les médias. C’est un sujet transversal pour nous, un élément majeur pour accéder à l’éducation artistique et culturelle, pour accéder simplement à la citoyenneté et pour dialoguer avec les autres dans chacune de leurs différences et de leurs nuances. Cette altérité, nous devons la défendre plus que jamais dans le contexte que nous connaissons. Et c’est pour cela que nous avons décidé de relancer un nouvel appel à projet national, pour soutenir les initiatives qui mettent l’action culturelle au service de la maîtrise du français.
Le précédent appel avait rencontré un très large écho dans les organismes chargés de l’apprentissage du français comme dans les milieux artistiques et culturels, avec près de 150 projets qui ont été, alors, soutenus en France métropolitaine et dans les Outre-Mer. Je veux citer, par exemple, des ateliers de théâtre pour personnes illettrées à Dunkerque, l’accompagnement à la lecture à voix haute pour des détenus à Perpignan, des ateliers d’écriture pour personnes allophones à Saint-Brieuc ou encore des ateliers de poésie pour les personnes illettrées à Grenoble. Nous relançons donc, en 2017, cet appel à projets en lui consacrant un million d’euros sur les crédits du ministère.
Cette Semaine, c’est bien sûr aussi la fête de la Francophonie. Aujourd’hui, je veux saluer le Printemps des Poètes qui met en ce moment à l’honneur les poètes de l’Afrique francophone, et le Salon du livre qui se tiendra dans quelques jours et qui mettra pour la première fois un pays du Maghreb à l’honneur – ce sera le Maroc. C’est une heureuse initiative pour nous rappeler que la langue française est vivante aux quatre coins du monde, qu’elle est désirée.
J’ai eu l’occasion de m’en rendre compte, comme ministre, au cours de mes déplacements. Elle est désirée dans beaucoup d’endroits du monde, et pas uniquement les pays francophones, parce qu’elle est porteuse de valeurs. Elle est synonyme, souvent, de pluralisme de la pensée, de pluralisme des idées.
Je veux saluer, aussi, les librairies francophones qui, dans le monde entier, sont souvent ces espaces de liberté, de l’autre, de dialogue. Nous pouvons, je crois, en être très fiers et les soutenir, aussi.
La langue, c’est l’affaire de tous. Cela doit vouloir dire, aussi, que l’Etat doit se montrer exemplaire dans l’usage et la promotion du français, responsabilité qu’il tient de l’article 2 de notre Constitution.
Et je veux rendre hommage à l’action qui est conduite par l’Académie française aux côtés de mon ministère, notamment dans le cadre de la Commission d’enrichissement de la langue française. Cette commission, placée auprès du Premier ministre, est chargée de choisir ou de créer les mots dont le français a besoin dans les domaines scientifiques, techniques ou artistiques. C’est une responsabilité qui est complexe. Dans un univers mondialisé, on est souvent tenté par les raccourcis, par la facilité plutôt que par la nécessité de défendre le plurilinguisme et de défendre la diversité culturelle, en réalité, à travers les langues. Je veux donc témoigner toute ma gratitude à l’Académie française et à cette Commission d’enrichissement de la langue française.
Et je sais d’ailleurs que certains membres de cette Commission, ou même Bernard Pivot, se sont émus du slogan qui a été choisi pour porter la candidature de la France aux Jeux Olympiques. Je voulais vous dire que j’ai aussi exprimé au GIP Paris 2024 la nécessité forte d’avoir peut-être aussi un slogan en français – et qu’il n’est pas interdit, d’ailleurs, qu’il soit poétique, inventif et pas uniquement pragmatique. Nous espérons progresser sur ce point et je vous remercie de votre vigilance, qui a fait du bien, là aussi, dans le débat public.
Pour finir, quelques mots sur la programmation de cette année. L’opération « Dis-moi 10 mots », qui aura comme thématique, je vous le disais, les mots du numérique, les mots de la Toile : huit mots anciens qui ont été transposés (avatar, canular, favori, fureteur, héberger, nomade, nuage et pirate) et deux mots nouveaux (émoticône et télésnober – que je découvre !). Ces mots vont servir de thématique, à travers le monde, à des séances d’enseignement, à des ateliers d’écriture, à des joutes oratoires voire à des concours de slam !
Et puis, vous le savez, cette opération se déploie dans le monde entier, avec 1 500 évènements dans toute la France mais aussi à l’étranger, 70 pays participants, plus de 100 villes et villages partenaires, 200 librairies participantes, les bibliothèques et 12 éditeurs partenaires.
Ici, rue de Valois, nous aurons le plaisir d’accueillir une rencontre littéraire autour de Gaël Faye, qui nous a bouleversés avec son Petit Pays. Nous aurons le concours Eloquentia, un concours d’expression publique qui retravaille l’altérité, le respect de l’autre et l’humanité à travers la prise de parole en public. Nous aurons un spectacle, cher Bernard Pivot : « Au secours ! Les mots m’ont mangé. ». Nous aurons le vôtre, cher Jean-Michel Ribes, hommage à Roland Topor votre ami, ou encore des concerts comme celui d’Emily Loizeau – puisque la chanson française, on le sait, est un formidable vecteur de créativité et de partage de notre langue.
Nous sommes très impatients d’accueillir et de vivre ces beaux rendez-vous ici, au ministère de la Culture et de la Communication – et il y en aura beaucoup partout en France, dédiés à la jeunesse, dans toutes les régions : les dictées francophones, la soirée culturelle francophone de la Caravane des dix mots à Lyon, un certain nombre d’opérations partout sur le territoire.
Je voudrais, pour finir, vraiment adresser mes plus vifs remerciements aux partenaires de longue date qui accompagnent cette opération, en particulier le ministère de l’Education Nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, les librairies – encore une fois, on ne le dira jamais assez –, les bibliothèques, l’Organisation Internationale de la Francophonie, bien sûr, l’Institut Français, la Fondation Alliance Française, le Réseau Canopé, le Fonds Maif pour l’éducation, les éditions Le Robert, L’Express, France Télévisions, Radio France, RFI, TV5 Monde, et aux nouveaux partenaires – la RATP, Toute l’histoire et Phenix Digital.
Je voudrais aussi remercier le CSA et tout particulièrement son président Olivier Schramek qui organise à nouveau cette année – et je m’en réjouis – la journée de la langue française dans les médias audiovisuels, qui aura lieu le 20 mars prochain.
Je vous souhaite à tous une excellente Semaine de la langue française et de la Francophonie et je passe la parole à Bernard Pivot.