Un regard d’enfants sur un monde de guerre
Scènes de vie scolaire, cour de récréation, cérémonies patriotiques du 14 juillet ou du 11 novembre… Sur les feuilles de papier, aquarelles et crayons de couleur, c’est le regard de la jeunesse sur un monde en bascule qui s’exprime. Viennent les tensions, la Drôle de guerre, l’exode, les pénuries, les longues files devant les magasins…
Autant de sujets d’un quotidien bouleversé par l’Histoire, représentés sur 297 dessins réalisés entre 1936 et 1941 par des adolescentes de 14 à 16 ans, élèves d’un cours complémentaire à Paris, sous la direction de leur professeure d’arts plastiques, Adrienne Jouclard (1882–1972).
Cet ensemble constitue un trésor discret mais d’une force rare : le fonds Jouclard, conservé par le Munaé. Preuve de sa valeur universelle exceptionnelle pour l’histoire de l’humanité, il est inscrit depuis avril dernier au registre « Mémoire du monde » de l’UNESCO.
Mais pourquoi ?
Ces dessins incarnent des actes de mémoire, mais aussi des outils pédagogiques : un moyen de résilience et d’expression dans un contexte marqué par l’incertitude et la peur. L’enseignante de ces enfants, artiste indépendante, semble avoir délibérément encouragé ce geste artistique à la fois libre, structuré et documenté. En cela, le fonds dépasse largement l’intérêt local ou scolaire : il constitue une source historique unique, un témoignage visuel direct de la guerre vue par des enfants — à la fois rare, sincère et d'une étonnante qualité esthétique.
Ces productions graphiques sont d’autant plus précieuses qu’elles s’inscrivent dans un ensemble transnational rassemblant d’autres documents d’enfants en guerre, issus de 17 institutions en Europe et au Canada. L’UNESCO, en les reconnaissant collectivement, souligne l’importance de préserver non seulement la grande Histoire, mais aussi les mémoires sensibles et individuelles, souvent marginales, des plus jeunes face aux conflits.
L’exposition “Dessins d’enfants (1936 1941) : du Munaé à l’UNESCO” présentée au musée national de l’Education présente une trentaine des œuvres du fonds Jouclard, et sera notamment visitable gratuitement à l’occasion des Journées européennes du patrimoine, les 20 et 21 septembre.
Parmi les œuvres marquantes du fonds :
- « Sur la route de Vierzon (Cher) – 6 juin 1940 » : une évocation poignante de l’exode, avec personnages fuyant à pied, valises à la main, dans un paysage déserté.
- « Il pleut ! Il mouille ! C’est la fête à la grenouille ! » : une scène enfantine joyeuse et colorée, rappelant l’insouciance préservée malgré les tourments.
- Une série de dessins patriotiques sur le 14 juillet ou le 11 novembre, avec drapeaux, musiques, rassemblements, qui illustrent le rôle de la mémoire nationale dans l’éducation républicaine.
- Des représentations de pénuries alimentaires, souvent marquées par l’humour, montrant des enfants devant des étals vides ou mimant des scènes de rationnement.
Le musée national de l’Education
Le musée national de l’Education (Munaé) est un service du Réseau Canopé. Il a été créé en 1879 par Jules Ferry. Il s’attache à recueillir les traces matérielles et immatérielles ainsi que les représentations relatives à l’éducation scolaire et familiale, en France et dans ses anciennes colonies, depuis le XVIe siècle jusqu’à nos jours. Avec plus de 950 000 objets et documents, les fonds du musée constituent la plus importante collection de patrimoine éducatif en Europe. C’est aussi le sixième musée en France en termes de volume de collections.
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