Photographier l’invisible : entre absence, silence et résilience
Certaines images ne racontent pas, elles suspendent. Les œuvres de Laura Stevens en sont le parfait exemple : portraits en clair-obscur, gestes interrompus, émotions contenues. Sa série installe une tension dramatique, entre théâtre intérieur et douceur picturale, évoquant les traditions flamandes tout en résonnant avec une sensibilité contemporaine.
Ce regard sensible, assumé comme féminin, dialogue avec celui de Lynn S.K., qui documente avec pudeur et précision les héritages de la guerre d’Algérie. À travers des visages et des voix, elle restitue les strates d’une mémoire souvent niée. C’est à la fois une enquête, un témoignage collectif, et une réparation intime.
Identité(s) multiples : se réinventer par l’image
Derrière les récits collectifs, l’image devient aussi un moyen de se dire. Yama Ndiaye, jeune photographe franco-sénégalaise, tisse dans sa série Nataal un langage visuel hybride. Mêlant archives, textile, mise en scène et documentaire, elle explore la mémoire familiale et le métissage, hors des stéréotypes. Elle choisit, par son esthétique singulière, de ne pas se laisser enfermer dans des cases, et transforme ses origines en matière créative.
Dans un autre contexte, celui de l’univers carcéral, Axelle de Russé mène depuis des années des ateliers avec des femmes détenues. À Rouen, son travail avec sa fille a permis à ces femmes d’exprimer leurs rêves, leurs manques, leurs espoirs, à travers des créations photographiques et picturales. L’image devient ici un outil de reconstruction, une réappropriation du corps et du récit.
Éducation à l’image : voir, c’est comprendre
Le festival accorde une place essentielle à la pédagogie. Dès sa première édition, il a engagé un partenariat avec l’école primaire de Houlgate pour initier les élèves à la photographie. Cette année encore, de la maternelle au CM2, les enfants ont exploré la mémoire à travers cyanotypes, portraits, archives familiales et collectes sur la plage, accompagnés par des artistes en résidence. Ces ateliers, soutenus par la DRAC, montrent que voir, c’est déjà penser.
Dans le même esprit, les jeunes du lieu de vie du CPCV d'Houlgate (lieu de vie et d'accueil ASE) ont réalisé une série de portraits tendres avec leurs animaux. L’exercice, encadré par Daisy Reillet, met en lumière la complicité entre l’humain et son compagnon, dans un jeu sensible de mise en scène et de lumière.
Trois jours d’images, de rencontres et d’émotions
- Le festival se vit aussi dans l’échange direct avec les artistes.
Vendredi 6 juin à 15h, et samedi 7 juin à 15h30 : visites guidées au départ de l’église Saint-Aubin, en compagnie des photographes. - Samedi à 11h, séance de signatures de livres à la librairie Les Vagues.
- À 18h, remise des prix et rétrospective de Françoise Demulder, première femme lauréate du World Press Photo, au cinéma de Houlgate (avec les Archives Roger-Viollet).
- Enfin, dimanche 8 juin à 11h, au Petit Théâtre : rencontre “Les Dessous de la photo”, pour plonger dans les coulisses de la création photographique.
Un festival habité par la parole des femmes
Cette édition 2025 fait la part belle aux regards trop longtemps marginalisés. Photographes de renom ou jeunes talents, toutes ces femmes racontent, avec sincérité et force, ce que signifie aujourd’hui voir et être vue. Leur travail, à la croisée du documentaire et de la poésie, invite à repenser notre mémoire collective, notre rapport à l’image, et notre capacité à habiter le monde autrement. Grace à elles, Houlgate devient, le temps d’un week-end, un territoire de récits et d’échos, où la photographie éclaire nos histoires invisibles.
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