La restauration du tableau de "L’Annonciation" de Claude-Guy Hallé s'inscrit dans la continuité de la campagne plus globale entreprise sur les 22 tableaux de la cathédrale mené sous maitrise d’ouvrage de la DRAC Île-de-France, en charge des objets mobiliers de Notre-Dame. À la suite de la Commission nationale de l'architecture et du patrimoine du 13 juillet 2023, consacrée à l'examen du projet d'aménagement liturgique de la cathédrale, porté par le diocèse de Paris, il a été décidé d'accrocher des tableaux supplémentaires dans l’édifice afin de compléter l’iconographie existante. Ce tableau était jusque-là roulé dans les réserves du musée du Louvre et a nécessité une restauration fondamentale dans son ensemble (couche picturale et support), ainsi que la création d’un nouveau châssis et la fabrication d’un cadre.
175 000 €. Coût prévisionnel de l’opération incluant le déroulage, la restauration, le transport et le remontage du tableau in situ (financé par la souscription nationale ouverte en 2019 par l’Établissement public Rebâtir Notre-Dame de Paris).
Un peu d’histoire : les tribulations d’une œuvre d’art classique
Issue des collections du musée du Louvre cette huile sur toile, du premier quart du XVIIIe siècle (1717), mesure 4,25 mètres de hauteur pour 4 mètres de largeur.
Commandée entre 1715 et 1717, il remplaça une première toile commandée vers 1710 grâce à la générosité du chanoine Antoine de La Porte (1627-1710), elle aurait alors été payée 2 500 livres, soit l’équivalent de 100 000 euros aujourd’hui. Elle a été alors installée dans le chœur de la cathédrale avec sept autres tableaux au-dessus des stalles du chœur. Lors de la Révolution française, en 1793, le tableau fût saisi, puis déposé en 1794 au dépôt des Petits-Augustins. Son histoire ne s’arrête pas là. En 1802, le chef-d’œuvre retourna dans la cathédrale Notre-Dame avant d’être donné en 1862 par le Chapitre de la cathédrale Notre-Dame de Paris au musée du Louvre.
Un constat scientifique et des opérations de restauration fondamentale
Le tableau était recouvert d'un vernis épais, très oxydé et jauni. Il pouvait s'agir du vernis de la restauration d'Émile Mortemart (1863). La couche picturale était en très bon état général, mais particulièrement encrassée. Trois essais de nettoyage ont d’abord été effectués pour choisir le mode de nettoyage. Le vernis ancien se retirant facilement avec le mélange isooctane-isopropanol (50/50), peu toxique, a été préféré. Ponctuellement un mélange éthanol-isooctane (50/50) a également été utilisé. Les résultats esthétiques étaient très prometteurs. Les mastics, souvent très débordants et non ragréés, étaient aisés à réduire ou à retirer car ils s’agissaient de mastics à l'eau et non à l'huile. Le mélange isooctane-éthanol (50/50) donnant de très bons résultats a été employé dans un premier temps, et sur certaines zones un mélange acétone-ligroïne (50/50) a pu être utilisé. Enfin, pour les cas de repeints résistants, les restaurateurs ont pu se tourner vers un gel acétone-alcool benzylique. Les lacunes et usures étaient rares.
Les restaurateurs ont effectué la restauration du support : cartonnage, retrait de l'ancienne toile de rentoilage, mise en place d'une nouvelle toile de rentoilage (collage d’une nouvelle toile appelée « toile de rentoilage » au dos de l’ancienne pour la consolider). Les incrustations réalisées au cours du XIXe siècle par Émile Mortemard ont été conservées. La toile a été tendue sur un nouveau châssis pour permettre la réalisation d'imagerie scientifique par le Centre de recherche et de restauration des Musées de France (C2RMF).
Après le décrassage de la toile, une réintégration picturale a été entreprise avec le masticage des lacunes et un vernissage intermédiaire. Une question esthétique a été débattue pour la partie de toile rajoutée lors d'une précédente restauration. Il a été décidé de privilégier une technique dite "illusionniste" en travaillant sur les plis du vêtement. Un vernissage final a été réalisé en fin de restauration, suivi d'un mois de séchage avant le roulage de la toile en vue de son transport pour Notre-Dame.
Les opérations picturales, pour la toile et support se sont déroulés dans les ateliers du musée du Louvre à Liévin, dans le Pas-de-Calais (Hauts-de-France).
En parallèle, un nouveau châssis et un nouveau cadre doré reprenant la moulure du Magnificat de Jouvenet, exposé en face, ont été créés spécialement.
Découvrez en images la restauration de "L’Annonciation" de Claude-Guy Hallé à Notre-Dame de Paris
Une opération en trois temps : transport, remontage et accrochage
Tout a débuté le 14 mai. La toile, entreposée dans les ateliers du musée du Louvre à Liévin, a alors été détachée de son châssis et roulée par deux restaurateurs avant d’être entièrement protégée pour le transport. Le châssis a été démonté et emballé tout comme le cadre, entreposé dans l’atelier d’un restaurateur dans l’Eure (Normandie). Toutes ces opérations ont été supervisées par le Département des peintures du musée du Louvre et les équipes de la DRAC.
Le 15 mai, entre 19h et minuit et demi (en dehors des horaires d’ouverture au public), les opérations de remontage se sont succédé. Le camion de transport est arrivé le long de Notre-Dame pour être déchargé. Après l’installation et la préparation de l’équipe de quatre restaurateurs accompagnés par l’équipe des transporteurs au nombre de six, et par celle de la DRAC, le châssis et le cadre neufs ont été remontés dans le bras du transept nord. La toile a été déroulée, tendue sur le châssis à l'aide des bandes de tension pour permettre l'agrafage sur le châssis à l'aide d'agrafes en acier inoxydable. Un papier de bordage (étape technique de préparation d’une toile, qui consiste à fixer les bords d’une toile autour d’un châssis afin d’obtenir une surface tendue et plane) a été collé pour protéger les agrafes semences (petits clous traditionnels à tête plate enfoncés manuellement avec un marteau et utilisés dans la restauration traditionnelle ou la fabrication artisanale de toiles) sur tout le pourtour du tableau.
Un temps de séchage a été nécessaire, obligeant l’interruption des opérations pendant quelques heures.
Le 16 mai à 4h30 du matin, les opérations ont repris et devaient se terminer avant 7h30 (ouverture au public), par l'accrochage du tableau. Les équipes ont procédé à la vérification du séchage et des fixations de la toile avant de mettre en place le cadre autour du châssis. Cette opération effectuée avec succès, il a pu être procédé à l’accrochage du tableau. L’œuvre entière a alors été déplacée du bras du transept jusqu’à son emplacement définitif sur un trainard. Là, les équipes spécialisées ont pu monter le tableau grâce à une mini grue électrique et une nacelle et l’accrocher aux pattes de fixation déjà installées la veille au soir.
Découvrez en images l'accrochage de "L’Annonciation" de Claude-Guy Hallé à Notre-Dame de Paris
Une nouvelle coopération des services du ministère de la Culture avec le diocèse de Paris
Plusieurs structures du ministère de la Culture ont de nouveau collaboré pour réaliser l’ensemble de ces opérations de restauration et de pose de l’œuvre, en passant par son transport, puis son remontage, avant son accrochage. La DRAC Île-de-France (Conservation régionale des monuments historiques), maître d’ouvrage en tant que responsable des objets mobiliers de Notre-Dame de Paris propriété de l’État, a coordonné l’ensemble des opérations menées avec le musée du Louvre, affectataire de l’œuvre, l’expertise du C2RMF et le soutien de l’Établissement public Rebâtir Notre-Dame de Paris.
Ceux-ci ont étroitement collaboré avec le diocèse de Paris, affectataire cultuel de la cathédrale et dépositaire de l’œuvre, qui a porté le projet de réorganisation de l’iconographique religieuse et accompagné les équipes pour permettre l’installation du tableau au sein de l’édifice.
- Florent ADAM, restaurateur couche picturale
- Bertrand BEDEL DE BUZAREINGUES, restaurateur pour la couche picturale
- Xavier BEUGNOT, mandataire et restaurateur pour la couche picturale
- Chantal BUREAU, restauratrice pour le support toile
- Aurèle CAUDAN-VILA (Atelier Centaur), restaurateur pour le support toile et en charge du déroulage et de la mise sur châssis de la toile
- Benjamin DEBOUT, restaurateur pour le cadre et en charge du montage du cadre
- Pierre GALOPIN, restaurateur pour le cadre et en charge du montage du cadre
- Aurélia GARNIER LIENART (Atelier Ad Artem), restauratrice pour le support toile
- Antoine LEMÉNAGER (Atelier Centaur), restaurateur pour le support toile et en charge du déroulage et de la mise sur châssis de la toile
- Floriane LEVAL, restauratrice pour la couche picturale
- Laurence MIGNOT, restauratrice pour la couche picturale
- Hortense ROBERT, restauratrice pour le support toile
- Sylvie SAUVAGNARGUES, restauratrice peinture
- Lénaïc DUCHAMPS
- Reynald GUSSE
- Thiméo JAMET
- Ali KABA
- Frédéric LECLERC
- Nanith Georges N’ GOMA
- Baptiste RABINOVICI
- Axel REYNE
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