Un projet d’envergure
Le projet de restauration de la cathédrale Saint-Vincent, lancé en mars 2024, s’achèvera en 2027. Il prévoit un nettoyage complet des parements de pierre de l’intérieur de l’édifice et des travaux d’accessibilité et de sécurité, avec la reprise du réseau électrique, de l’éclairage, de l’acoustique et de la sécurité incendie, pour un coût total de 5,145 M € hors taxes. La toiture bénéficiera quant à elle d'une intervention de démoussage et de traitement biocide.
Frédéric Didier, ACMH, est le maître d'œuvre de ce chantier dont le maître d'ouvrage est la Ville. Le projet a reçu l’aval de la Conservation régionale des monuments historiques de la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) de Bourgogne-Franche-Comté.
Le projet compte au total 4 phases de travaux :
- la première, de mars 2024 à la fin de l’année, correspond à la restauration de la nef et de ses collatéraux ;
- en 2025, le chantier se déplacera au niveau du transept et du chœur et comprendra également le traitement des combles. L’édifice sera fermé au public lors de ces deux phases en raison de présence d’échafaudages. La réouverture partielle du site, pour le culte comme pour les visiteurs, aura lieu à l’automne 2025 ;
- en 2026, les éléments bâtis à proximité du chœur seront restaurés : la sacristie, la salle capitulaire, la chapelle dite « jeune Foucaude », la chapelle du Sacré-Cœur et la chapelle Notre-Dame de Pitié. Des travaux de mise en accessibilité seront entrepris, à l’opposé, sous les tours d’entrée dans l’édifice ;
- en 2027, les chapelles latérales à la nef feront à leur tour l’objet d’une campagne de restauration minutieuse et le parvis sera réaménagé.
Conservation des collections durant les travaux
Parmi les 435 objets recensés dans la cathédrale, 70 sont protégés au titre des Monuments historiques et la plupart sont la propriété de la commune. Pour des raisons pratiques, il a été choisi d’évacuer tous les objets qui pouvaient l’être et de les regrouper dans une réserve dédiée. Juliette Barbarin, chargée du Patrimoine mobilier non muséal à la ville de Chalon-sur-Saône et Conservatrice déléguée des Antiquités et Objets d’Art, a d’abord fait réaliser des études par des conservateurs-restaurateurs pour recenser les objets et évaluer leur état de conservation.
Des études spécifiques ont été réalisées pour certains objets précieux comme le maître-autel, la chaire à prêcher ou encore le retable du XVIIe siècle. En février 2024, pendant trois semaines, une équipe d’une vingtaine de personnes dirigée par une conservatrice fut mobilisée. Des papiers de protection ont été posés sur toutes les parties polychromes des peintures et sculptures qui pouvaient se soulever, des échafaudages ont été montés afin de descendre les œuvres accrochées en hauteur. Elles ont également été traitées contre les moisissures, dépoussiérées, emballées et transportées dans un lieu de conservation.
Pour les objets qui se sont avérés intransportables (la chaire à prêcher, l’orgue, le maître-autel, la sculpture du christ à la colonne et quatre grands tableaux), des coffrages de bois individuels ont été réalisés pendant la même période. Un système de ventilation a été installé pour l’orgue. Certaines œuvres infestées par des insectes ont été mises à l’écart et feront prochainement l’objet d’un traitement. Le rapatriement des objets et la restauration des œuvres les plus encrassées ou altérées se feront en fonction de la finalisation de chacune des phases de travaux.
Phase 1 des travaux : la nef et ses collatéraux
Le chantier de restauration de la cathédrale a débuté en mars 2024 par le nettoyage des parements de la nef et des collatéraux, en vue de prolonger le travail effectué sur ses deux premières travées en 2006-2007. La DRAC Bourgogne-Franche Comté a apporté son soutien financier à hauteur de 360 000 € à cette première phase du chantier, soit 30 % du montant subventionnable de 1,2 M€.
Un échafaudage a été installé sur toute l’emprise de la nef et des collatéraux afin de permettre le nettoyage de la pierre, la reprise des joints, des maçonneries, des sols et la réalisation d’un enduit. Pour nettoyer la pierre très encrassée, Frédéric Didier a choisi d’utiliser comme en 2006 un gel pelable en latex qui emprisonne les impuretés une fois projeté sur les parois. Il est ensuite retiré, tel un film, à la main. Cette technique, sans danger pour les vestiges comme pour les personnes qui manipulent le produit, a été utilisée pour nettoyer les pierres noircies de Notre-Dame de Paris après l’incendie de 2019. Lors de cette phase de nettoyage, des traces de polychromie sur certains chapiteaux d’époque romane et sur les blasons des évêques ornant les clés de voûte de la nef ont été mises au jour. En cours d’analyse, elles seront ensuite remises en valeur. Un imposant décor peint du XIXe siècle de style néo-roman dans les tons ocre jaune et rouge a également été dégagé et restauré.
Parallèlement, les vitraux accessibles de la nef, réalisés après-guerre par Pierre Choutet, sont restaurés : les verres cassés ou abîmés sont déposés et remplacés, puis une bavette de plomb sera posée pour recueillir les eaux de condensation et les renvoyer vers l’extérieur afin d’éviter les coulures sur les élévations restaurées
Plusieurs couches d’enduit seront ensuite appliquées pour combler les lacunes. À partir des traces de polychromie trouvées dans la nef et sur les voûtes, l’aspect final, similaire aux deux premières travées réalisées, évoquera l'état de l'édifice du XVIe siècle.
Vous voulez en apprendre plus sur la cathédrale Saint-Vincent et son chantier de rénovation : visitez l’exposition « Cathédrale Saint-Vincent : chantier en vue ! », présentée à l’Espace Patrimoine de Chalon-sur-Saône jusqu’au 4 mai 2025 (la brochure « Focus, chantier de la cathédrale Saint-Vincent », réalisée en août 2024 par la ville y est disponible).
L'ancienne cathédrale Saint-Vincent, un édifice remanié au fil des siècles
L’existence d’un évêché à Chalon-sur-Saône est attestée dès 449. Les « groupes cathédrals » du Moyen Âge comprennent généralement la cathédrale, le palais de l’évêque, les lieux de vie des chanoines (souvent des maisons individuelles organisées autour d’un cloître) mais aussi une école et un hôpital ou hôtel-Dieu. À Chalon, une part importante de cet ensemble est conservée puisque sont parvenus jusqu’à nous le « grand cloître », percé d’une rue, mais toujours entouré de maisons de chanoines, le « petit cloître », restauré et réouvert au public en 2019, mais aussi le palais épiscopal rue de l’Évêché, transformé en lieu d’habitation. Seule l’école épiscopale, remplacée par le « collège » municipal et l’hôtel-Dieu, remplacé par « l’hôpital des pauvres malades », ont disparu dès le XVIe siècle.
Édifiée du XIe au XVIe siècle au cours de sept chantiers successifs, la cathédrale Saint-Vincent possède des traits caractéristiques des époques romanes et gothiques. Le chœur actuel se compose ainsi d'un niveau d'arcades romanes sur lequel vient se poser une élévation gothique couronnée d'une voûte de pierre sur croisée d'ogives. La façade médiévale, elle, demeure mal connue : nous ne savons rien de son aspect avant le XVe siècle, quand la construction du clocher nord, ou « gros clocher » par l'évêque Jean de Poupet, est attestée en 1467. Cette façade, profondément hétérogène, a été remaniée au XVIIe siècle. De nombreuses destructions ont lieu au sein de la cathédrale lors du raid des « huguenots » en 1562. Au XVIIe siècle, dans l’esprit de la Contre-Réforme et du fait de goûts artistiques nouveaux, de nombreux aménagements gothiques disparaissent à leur tour (tombeaux, stalles, jubé, chancel). C’est l’époque où on installe le grand orgue et le grand portail.
À la Révolution, les objets d'or et d'argent de Saint-Vincent sont fondus, le mobilier enlevé, les cloches descendues et la destruction des clochers ordonnée. Celle-ci s’achèvera en 1795. Leur reconstruction, interrompue faute de moyens et en raison de changements d’architectes, se terminera en 1847. De 1865 à 1870, sous l’impulsion de l’abbé Gardette, un vaste chantier s’ouvre à l’intérieur de la cathédrale. Il s’agit moins de restauration de l’édifice que d’embellissement : le mobilier liturgique est renouvelé, de nouveaux décors sont créés, de nouveaux vitraux apparaissent. Depuis lors, il n’y eut que des opérations ponctuelles, engagées essentiellement à la suite de la destruction de la plupart des vitraux en août 1944 du fait de l’explosion, en gare, d’un train allemand chargé de munitions. De 1945 à 1951, Pierre Choutet réalise des vitraux contemporains, plus clairs, selon les indications de l’architecte en chef des Monuments Historiques André Sallez.
De 1991 à 2007, Frédéric Didier, architecte en chef des Monuments historiques, mène, en plusieurs campagnes, la restauration de la totalité des extérieurs de la cathédrale, terminant par la stabilisation de la façade occidentale. En effet, le poids des tours pesant sur des fondations trop fragiles installées sur un sol instable, l’ensemble de la façade s’enfonçait au début du XXIe siècle vers le sud, entraînant l’apparition de fissures sur la façade et à l’intérieur de l’édifice, au niveau des premières travées de la nef. Il fallut donc forer et couler des micropieux en béton au travers des fondations existantes. La façade fut ensuite restaurée, puis, à leur tour, les deux premières travées de la nef.
L’ancienne cathédrale Saint-Vincent fut classée au titre des Monuments historiques en 1903, à l’exception de sa façade qui le fut en 1991.
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