Les monuments commémoratifs de la Grande Guerre
La construction des monuments aux morts s’inscrit dans le cadre de la commémoration et de la glorification des morts pour la France organisées au lendemain de la Grande Guerre. La Franche-Comté, meurtrie par la première guerre mondiale, voit ainsi la réalisation de monuments commémoratifs dans la plupart de ses communes.
La Franche-Comté et la 1re guerre mondiale
La Franche-Comté est entrée prématurément dans la première guerre mondiale. Une journée avant que l’Allemagne ne déclare la guerre à la France, le 2 août 1914, le caporal Jules-André Peugeot est tué lors d’un affrontement avec une patrouille de cavaliers allemands, à Joncherey, près de Belfort. Il est le premier mort français de la Grande Guerre. En novembre 1918, c’est un Franc-Comtois natif de Beaucourt, le sergent Pierre Sellier, qui sonne avec son clairon le premier cessez-le-feu annonçant l’armistice. Entre ces deux épisodes, la région est particulièrement touchée par le conflit. Depuis la guerre de 1870-1871 et la perte d’une partie de l’Alsace et de la Lorraine, la frontière franco-allemande passe à une vingtaine de kilomètres de Belfort. Le nord de la Franche-Comté est placé en « zone des armées ». Le 13 août 1914, l’état-major allemand décide une attaque sur Belfort. La bataille fait 163 tués. Après cette offensive, les Allemands ne tentent plus de percées dans cette zone. Belfort devient un centre de logistique et de cantonnement de troupes. La Franche-Comté fait par ailleurs partie des zones dites « de grandes levées », selon l’historien Philippe Boulanger, c’est-à-dire des régions qui ont contribué, plus que d’autres, au service militaire obligatoire pendant toute la durée de la guerre. L’historienne Odile Roynette précise par exemple, pour la classe de 1915, que la Franche-Comté fournit jusqu’à 80 % des jeunes gens au service armé, contre une moyenne de 70 % pour l’ensemble du territoire métropolitain.
L’après-guerre
À l’issue du conflit, la plupart des communes souhaitent ériger un monument pour commémorer leurs morts. Il s’agit de l’une des plus importantes entreprises de sculpture et d’architecture du XXe siècle qui touche les 36 000 communes de France. La Franche-Comté ne fait pas exception.
L’État met en place un important dispositif législatif et réglementaire destiné à canaliser les initiatives. Dès 1916, la loi autorise la constitution d’un comité local à l’érection du monument aux morts habilité à collecter les fonds (souscriptions et subventions). Puis, la loi du 25 octobre 1919 incite chaque commune à élever un monument aux morts et prévoit l’attribution d’une subvention d’État. La loi du 29 avril 1925 interrompt finalement le dispositif des subventions. Devant l’ampleur du phénomène, les préfets sont invités, par circulaire du 10 mai 1920, à créer une commission pour veiller à l’esthétique des productions. La plupart des communes constituent ainsi un comité qui détermine notamment l’emplacement du monument (sur la voie publique ou dans le cimetière par exemple). La recherche d’un lieu central, au cœur du bourg, près de la mairie ou de l’église, est privilégiée mais la place publique, qui est aussi un lieu de fêtes, n’est pas toujours bien acceptée.
La majorité des communes commande des monuments sur catalogue, essentiellement des obélisques, des stèles, des figures de poilus. Ce type de projet moins onéreux, rapide à mettre en œuvre, qui prémunit les commanditaires d’éventuelles fautes de goût et leur garantit, en principe, la qualité du produit, est privilégié, particulièrement dans les communes modestes des régions dévastées qui ont, à la fois, hâte d’honorer leurs enfants tombés au Champ d’Honneur et des investissements plus urgents à engager. Quelques communes privilégient néanmoins la voie du concours ou de la commande à un artiste afin de proposer une œuvre unique pour honorer leurs morts. Le choix de l’artiste est du ressort du comité. Le plus souvent, il s’oriente sur un artiste local déjà réputé, qui a été formé dans un atelier reconnu (par exemple Armand Bloch ou Georges Iselin, tous deux francs-comtois). Le comité peut aussi décider d’organiser un concours comme c’est le cas à Pontarlier, la plupart du temps réservé à des artistes régionaux.
La campagne de protection au titre des monuments historiques
À partir 2018, un important travail de recensement et de recherche est conduit par Charlotte Leblanc et Sybille Lacroix, chargées d’études documentaires à la DRAC de Bourgogne-Franche-Comté. 1 707 monuments communaux ont ainsi été étudiés. Cette étude complète celle déjà réalisée sur les monuments aux morts de l’ex Bourgogne. Une sélection de 121 édicules a été retenue et présentée devant un groupe de travail scientifique, composé notamment de spécialistes des monuments publics ou de la sculpture de l’entre-deux guerre et d’historiens, réuni à Besançon le 2 juillet 2018 et le 8 septembre 2021 : 34 sites et monuments aux morts ont été sélectionnés selon les critères mis en place par la note de l’inspection des patrimoines du ministère de la Culture. Ces critères d’analyse et leur croisement ont permis d’évaluer le caractère représentatif et exceptionnel de ces monuments, et retenir une sélection raisonnée des exemples francs-comtois les plus remarquables.
Les critères d’analyse
- Par typologie formelle
Les compositions les plus répandues sont l’obélisque, la colonne, la stèle, le mur, la pyramide, le groupe sculpté sur piédestal. Plus rares sont les compositions architecturées d’une certaine ampleur : édicule, arc de triomphe ou forme atypique. - Par sujets et ornementations, l’originalité dans un corpus ; originalité de l’iconographie, importance ou rareté du sujet ; originalité du matériau ou de la technique à caractère expérimental ou novateur ; spécificité du décor, photographies sur support émaillé, mosaïques, etc.
- Par évaluation de la portée ou de l’importance historique dans l’histoire locale ou régionale; circonstances particulières de l’érection ; non-conformisme de l’inscription ; notoriété du concepteur et du sculpteur.
- Par examen de l’état de conservation respect de l’intégrité de la composition d’ensemble (socles, grilles, espace planté), de l’authenticité du monument (restaurations dommageables) ; maintien à son emplacement primitif (ou déplacement comme une mise en valeur ou, à l’inverse, une relégation).
- Par appréciation du niveau de qualité artistique, liberté de l’artiste, présentation du projet au Salon, place dans la carrière du sculpteur, etc. ; qualité d’intégration dans la composition urbaine ou paysagère.
La sélection des monuments aux morts a été présentée à la commission régionale du patrimoine et de l’architecture lors des séances des 16 décembre 2021, 17 mars 2022 et 15 juin 2023. Cette commission est chargée, pour le compte du préfet de région, d’émettre un avis sur les protections au titre des monuments historiques. Ce sont ainsi 26 monuments et sites qui ont été inscrits au titre des monuments historiques.
Monuments aux morts inscrits au titre des monuments historiques lors de la campagne de protection
Les 26 monuments aux morts inscrits au titre des monuments historiques lors de cette campagne présentent tous des caractéristiques particulières. Ils peuvent être répartis en trois catégories :
- les monuments réalisés par des architectes ;
- les monuments exécutés par des sculpteurs régionaux ;
- les monuments originaux dans leurs représentations.
Les biographies de certains artistes et architectes retenus pour réaliser les monuments figurent à la fin du dossier.
Monuments réalisés par des architectes (6 monuments)
Ces monuments ont été conçus et réalisés par des architectes.
Salins-les-Bains (Jura), monument aux morts
Place du Souvenir français, avenue Aristide Briand
En 1920, le conseil municipal décide l’érection d’un monument aux morts. En octobre 1921, le projet présenté par l’architecte Auguste Drouot (1881-1965) et le statuaire Eugène Bourgouin (1880-1924) est retenu. Le monument se compose d’une victoire ailée tenant dans chaque main une couronne de laurier surmontant deux poilus debout tenant leur fusil avec leur crosse au sol. Le monument est déplacé et restauré en 2018 dans le parc des Cordeliers. Les plaques des noms des morts pour la France alors au dos du monument sont disposées sur le parvis.
Vesoul (Haute-Saône), monument aux morts
Place des Allées du 8 mai et du 11 novembre
La commune choisit de placer le monument face à la colonne commémorative des Mobiles de la Haute-Saône qui ont défendu Belfort lors du siège de 1870-1871. Sa réalisation est confiée à Maurice Boutterin* qui s’associe ici à deux architectes, Alfred Landes et Camille Humbaire. Ce monument de dimensions importantes (12 m sur 12 m) renvoie au vocabulaire antique du temple et au registre funéraire.
Touillon-et-Loutelet (Doubs), monument aux morts
Rue de la Rochette
Le maire refuse que le monument soit installé dans un espace religieux et qu’il ait un caractère militaire. Il fait appel à l’architecte Paul Robbe*, également maire de Pontarlier. Le monument est un obélisque en granit des Vosges. Une flamme en verre au sommet évoque la vie et la paix. Sur la façade principale, figure l’inscription « Pax. Aux défenseurs de la Justice, du droit, de l’Humanité. 1914 … 1918 ».
Dole (Jura), monument aux morts
Cimetière nord, 71 avenue de Landon
En 1919, le conseil municipal décide d’ériger un monument commémoratif au sein du cimetière, et d’y associer des sépultures de soldats. Le projet est confié à l’architecte Eugène Chifflot*. L’édifice, en pierre de Landon, est monumentalisé par sa position sur un tertre gazonné et des gradins de pierre sur lesquels sont gravés les noms des soldats morts. Contre le pilier avant, une statue en pied, drapée, exécutée par Félix Desruelles (1865-1943), symbolise la ville de Dole pleurant ses enfants.
Arbois (Jura), monument aux morts
Route de Lyon
La ville d’Arbois décide d’ériger un monument sur la route nationale de Lyon à Strasbourg, dans le prolongement de la rue de l’Hôtel de ville. Elle confie le projet à un architecte arboisien, André Papillard*. Son style, entre l’éclectisme et l’Art déco, se retrouve dans le monument qui évoque l’entrée d’un temple antique.
Le monument, mesurant 8 m de haut, se compose d’un mur pyramidal précédé de deux colonnes protodoriques cannelées portant un fronton. Sur le tout est posé un catafalque recouvert d’un drapeau sculpté dans la même pierre de couleur jaune provenant de la carrière de Montesserin (Jura). Entre les colonnes, se trouve une plaque de marbre bleu sur laquelle sont inscrits les 137 noms des Arboisiens morts pour la France. Les colonnes sont surmontées de deux médaillons de bronze d’après des modèles de Jules Viennet (1851- après 1924), peintre et sculpteur arboisien, professeur de dessin à l’École des beaux-arts de Clermont-Ferrand. Ils représentent un personnage voilé à gauche avec le clocher de l’église Saint-Just d’Arbois en arrière-plan et un personnage casqué à droite entouré de lauriers : allégories d’Arbois et de la France. À l’arrière du monument, sur les dessins de l’architecte, René Bouveret, horticulteur à Arbois, avait planté des essences permettant d’accentuer la monumentalité de l’ensemble tout en rappelant le caractère funéraire des lieux (wellingtonia, ampelopsis, ifs communs, cyprès borealis, seringas, aristoloches, pensées, gnaphaliums, cinéraires, anthémis, capucines, cosmos). Une partie de ces spécimens a été aujourd’hui coupée ou remplacée.
Belfort (Territoire de Belfort), square du souvenir
Avenue du Maréchal Foch
Sur l’emplacement d’un ancien champ de foire, à l’entrée d’un ancien faubourg de la ville bastionnée, la commune de Belfort décide en 1920 d’aménager un square dédié aux commémorations de la Grande Guerre afin de rendre hommage aux 1 056 Belfortins morts pour la France. Belfort, en raison de son emplacement, connut un rôle majeur pendant la guerre : s’y déroulent les premiers combats avant de devenir une place arrière stratégique. Un concours national est lancé, dont l’ampleur est sans comparaison dans la région Franche-Comté (31 candidats, exposition des projets au public, débats dans la presse régionale). Il est remporté par l’architecte parisien Le Monnier* et le sculpteur Georges Verez*.
Le monument, aux dimensions particulièrement importantes (11 m de haut), sort du corpus national des monuments aux morts. Le règlement du concours précise qu’il ne doit pas avoir de caractère funéraire. Ainsi, les noms des morts n’apparaissent pas sur le monument. C’est la Victoire qui est mise en avant. Sous une allégorie ailée, tous les acteurs de la guerre sont représentés en mouvement, déterminés dans le combat. Selon les termes mêmes de l’architecte, il s’agit de rappeler que Belfort est « le glacis de la France », défenseur de la frontière, raison pour laquelle le monument du Lion de Bartholdi et le nouveau monument aux morts se répondent.
Un square est prévu pour servir d’écrin au monument. Il est réalisé entre 1925 et 1928 en deux phases : la première entre 1925 et 1927 d’après le projet de Le Monnier, conseillé par un paysagiste parisien, la seconde entre 1926 et 1928 sous la direction de l’architecte belfortain Paul Giroud. Le dessin est régulier pour les parties autour du monument alors que ce sont des allées irrégulières et paysagères qui sont privilégiées pour les bords du square, dans un vocabulaire traditionnel pour les jardins publics. Le tout, densément planté sur une petite parcelle, monumentalise le lieu.
Le coût global du projet en dit long sur la symbolique du square du Souvenir pour une ville particulièrement touchée : 270 000 francs pour l’érection du monument et 126 900 francs pour le square. Le monument est d’ailleurs inauguré par le ministre de la guerre, le général Nollet, en 1924.
Un second monument est également installé en 1928 à l’entrée du square. C’est une œuvre de série fondue par Durenne et due au sculpteur Léon Leyritz, qui réalise un socle original, dont la forme en banc doit permettre la méditation et le souvenir des poilus. Ce monument se trouve désormais dans le square.
Monuments exécutés par des sculpteurs régionaux (13 monuments)
Après-guerre, des artistes de la région sont plébiscités afin de réaliser les monuments commémoratifs. Parmi eux, certains ont réalisé plusieurs monuments aux morts de la région.
Georges Laëthier (1875-1955)*
Frasne (Doubs), monument aux morts
Grande rue (devant l’église)
La commune commande en 1921 un monument aux morts laïc initialement installé devant la gare. Georges Laëthier* se voit confier la réalisation de celui-ci. Le monument, inauguré en 1923, représente un poilu en bronze. Il a été déplacé à son emplacement actuel en 1989.
Ornans (Doubs), monument aux morts
Place Robert Humblot
Georges Laëthier* conçoit un bronze représentant un poilu partant au front, le drapeau levé et la bouche ouverte rappelant le modèle de la Marseillaise de François Rude. La partie en pierre est réalisée par le sculpteur marbrier Jules Guillin*.
La Cluse-et-Mijoux (Doubs), monument aux morts
Route nationale n°57 - lieu-dit Le Frambourg
Située sur l’une des rares voies de passage en direction de la Suisse, la commune a connu des batailles régulières dont plusieurs monuments commémorent encore la mémoire. En 1871, la commune et la forteresse de Joux protègent notamment la retraite en Suisse de l’Armée de l’Est.
Dès avril 1917, la commune de La-Cluse-et-Mijoux commande un projet de « Monument de la reconnaissance à la mémoire des soldats morts pour la Patrie. 1914-1917 ». Le projet de Pautier, architecte à Pontarlier, prend la forme d’une chapelle aux décors fastueux. Il ne sera pas réalisé. Par délibération du 20 mars 1923, la commune lance le second projet d’érection d’un monument à la mémoire des 39 enfants de la commune « morts pour la France » pour un coût total de 85 283 francs. La réalisation est confiée à l’architecte Paul Robbe*. Les sculptures sont confiées à Georges Laëthier*. Plusieurs maquettes en terre et plâtre du projet du sculpteur pour La-Cluse-et-Mijoux sont encore conservées. L’ensemble fonctionne comme un cénotaphe dressé sur une butte au pied du fort de Joux au plus étroit du resserrement de la vallée pour accentuer l’effet dramatique. On y accède par des chemins sinuant de part et d’autre d’un escalier central monumental. Au sommet de l’escalier, un piédestal supporte une figure de poilu en pierre de Vaurion (Yonne) qui regarde au loin, en sentinelle, la main posée au-dessus du front. De chaque côté, se trouvent des trophées en ronde bosse. Sur la butte est également aménagé un jardin public. Le monument est inauguré en 1925. L’année suivante, Laëthier complète le monument par l’exécution d’un bas-relief sous le poilu représentant une femme en deuil et deux enfants portant des fleurs au soldat. Il réalise également un bloc sculpté pour rehausser la figure du poilu qui avait été placée trop bas et regardant dans la mauvaise direction.
Pontarlier (Doubs), monument aux morts
Cimetière, place du Souvenir français
En 1919, la mairie décide d’organiser un concours d’architectes pour la réalisation d’un monument commémoratif. Finalement, ce concours est annulé, le conseil municipal confiant ce projet à Maurice Boutterin*. Après un premier projet refusé, il en présente un second, destiné originellement au cimetière Saint-Claude de Besançon. Le monument retenu représente une forteresse défendue par deux soldats, sculptés par Georges Laëthier*. Le monument est inauguré le 11 novembre 1922.
Georges Iselin (1874-1952)*
Gray (Haute-Saône), monument aux morts
Place de la République
La commune retient le projet du sculpteur Georges Iselin*. Le marché est passé en 1922 : il prévoit un monument constitué « de 4 personnages, symbolisant la défense du foyer. Ce groupe qui aura une hauteur de 2,40 m sera placé sur un piédestal de 3,08 m de hauteur » sur lequel sera gravé les noms des soldats morts ainsi que l’inscription « LA VILLE DE GRAY À SES ENFANTS MORTS POUR LA FRANCE 1914-1918 ». L’ensemble présente une forme dynamique et une iconographie originale dans le corpus des monuments de la Grande Guerre.
Jules Guillin (1875 - ?)*
Sombacour (Doubs), monument aux morts
2 Grande Rue
La commune décide d’ériger un monument commémorant les 28 morts de la Grande Guerre. Sa réalisation est confiée au sculpteur Jules Guillin*. L’aménagement des abords et la construction d’un perron d’accès sont effectués en 1923 sur les plans de l’architecte Parrod de Pontarlier. Le monument se trouve au pied d’un ensemble monumental composé de 13 oratoires de style néo-gothique disposés le long du chemin et érigés entre 1872 et 1895.
Armand Bloch (1866-1933)*
Beaucourt (Territoire de Belfort), monument aux morts
53 rue Beucler
La commune choisit Armand Bloch* pour réaliser le monument qui fut inauguré en 1922. Ce dernier rappelle le rôle industriel de la commune lors de la guerre : c’est en effet à Beaucourt que furent produits plus de 1 600 000 casques Adrian M 1915 à partir de 1915. La sculpture représente ainsi un soldat portant ce casque. Devant lui, une Marianne agenouillée brandit une couronne de lauriers et tient de la main gauche un rouage.
Abbévillers (Doubs), monument aux morts
35, grande rue (sous le porche de la mairie)
La mairie choisit en 1919 Armand Bloch* pour réaliser le monument, achevé en 1921. Fait en marbre blanc, il représente une jeune fille habillée en paysanne, figure emblématique de la Montbéliardaise de confession luthérienne, appelée la « diaichotte » (du nom du fichu noué autour du cou, typique de Montbéliard).
Montbéliard (Doubs), monument aux morts
Square Resener ou square du Souvenir
Après avoir confié, dans un premier temps, le projet à Armand Bloch*, c’est finalement Maurice Boutterin* qui est retenu pour la conception du monument. Il propose un obélisque surmonté d’un buste de poilu. Sur l’obélisque, la figure de la « diaichotte » est sculptée par Armand Bloch*. Au deuxième plan, bâtiments et cheminées rappellent l’industrie de la ville. Le monument est déplacé en 1992 dans le square Resener.
Louis Hertig (1880-1958)*
Trévillers (Doubs), monument aux morts
2, rue de l’Église
La commune de Trévillers, à laquelle s’associent les communes de Thiébouhans et Ferrières, confie à l’entreprise Micciolo la réalisation d’un monument aux morts. Les parties sculptées sont faites par Louis Hertig*. L’œuvre, réalisée en 1921, représente un Christ, sur un haut piédestal, tenant la croix et montrant le Sacré-Cœur sur un haut piédestal.
Morteau (Doubs), monument aux morts
Esplanade du 24 août 1944
Le 29 octobre 1920, afin d’ériger un monument commémorant les 146 Mortuaciens morts au combat, la commune lance un concours diffusé dans la presse afin de trouver « autant que possible un projet original » et refuse tout monument produit en série. Après une première sélection de projets faite par le conseil municipal et la délégation des combattants, la commune confie aux familles des victimes la décision finale. Le projet de Georges Serraz* est retenu à l’unanimité. Il est assisté de Louis Hertig*. Le 29 octobre 1921, on annonce dans la presse que « la maquette de Georges Serraz » est arrivée à l’Hôtel de ville. Elle est validée le 9 décembre. Le monument est inauguré le 1er novembre 1922. L’emplacement retenu se situe à l’angle de la place de l’Hôtel de ville. Le monument offre une représentation réaliste d’un assaut saisi à la manière d’une photographie : le haut relief représente quatre poilus dont trois sortent de la tranchée pour monter au front, l’un hurlant, alors que le quatrième gît dans la boue. Serraz et Hertig remploieront en partie le modèle de Morteau pour un monument inauguré à Genlis (Côte-d’Or) le 19 avril 1925, ainsi que pour un concours ouvert pour l’érection d’un mémorial à Verdun (inauguré en 1928) où il obtint le 2e prix. En 1990, le monument est déplacé de quelques mètres lors du réaménagement de la place de l’Hôtel de ville de Morteau.
Albert Pasche (1873-1947)*
Savoyeux (Haute-Saône), monument aux morts
Croisement de la rue de la Montée et de la rue Dampierre
L’édifice est commandé puis offert à la commune par Marie-Louise Regad (1867-1952), épouse de Gaston Outhenin-Chalandre (1853-1907), industriel et sénateur de la Haute-Saône de 1900 à 1907. Leur fils, adjudant dans un bataillon de chasseurs alpins, avait trouvé la mort lors du conflit. La réalisation du monument est confiée à Albert Pasche*. Il représente un chasseur alpin blessé, accroché au flanc d’un mur qui s’écroule, et regardant devant lui.
Besançon (Doubs), monument aux morts du cimetière Saint-Claude
Le cimetière Saint-Claude accueille pendant la guerre les sépultures des soldats morts dans les hôpitaux bisontins. Les 1 435 tombes sont alors entretenues par le comité « la Gerbe du Soldat » qui commande un monument commémoratif en 1921. Le sculpteur Albert Pasche* propose sa contribution. Le monument en marbre représente un poilu avec son équipement qui redresse une croix qui marque la sépulture d’un camarade.
Monuments originaux par leurs représentations (7 monuments)
Ces monuments aux morts retiennent l’attention grâce à leur iconographie originale. Ce critère essentiel est particulièrement marquant pour sept des monuments aux morts inscrits au titre des monuments historiques.
Besançon (Doubs), monument à Louis Pergaud
Parc Micaud, 19 avenue Edouard Droz
Louis Pergaud, instituteur et écrivain franc-comtois, est une figure littéraire reconnue de son vivant. Prix Goncourt en 1910 pour son livre De Goupil à Margot, il est également l’auteur de La Guerre des boutons en 1912. C’est pourquoi sa mort, en 1915, à l’âge de 32 ans, dans les tranchées proches de Verdun provoque un émoi tant en Franche-Comté qu’à Paris où il réside. Tandis que son corps n’a jamais été retrouvé, plusieurs monuments sont érigés en sa mémoire.
Aussi, un comité constitué à l’initiative de la revue Franche-Comté-Monts-Jura lance une souscription dès 1924-1925 pour l’érection d’un monument à Besançon. Le critique d’art Charles Léger sera l’interlocuteur privilégié du sculpteur Antoine Bourdelle*, à l’apogée de sa carrière, pour la commande de l’œuvre. Bourdelle s’inspire de « La pierre tombale statue » dont il estime s’écarter. « L’œuvre tiendra des lois de la pierre tombale debout et aussi de la figure dégagée ronde-bosse. […] J’ai taillé notre monument, et cette matière est Pergaud. Il naît du sol ». Il s’agit de sa dernière œuvre, qu’il ne verra pas achevée, puisqu’il meurt en 1929. Sa maquette est agrandie et coulée dans le bronze dans les ateliers du fondeur d’art Alexis Rudier. Inauguré le 19 mai 1932 en présence de personnalités du monde des Lettres, le monument fait l’objet de nombreux articles dans la presse nationale. Pourtant, sa réception ne fait pas l’unanimité. Si certains Francs-Comtois auraient ainsi préféré que l’écrivain soit représenté comme un homme de la nature, à l’image de ses romans et poèmes, Bourdelle a néanmoins pris le parti de le représenter en poilu dans une tranchée, entouré des animaux que celui-ci avait dépeints dans ses œuvres. Le sculpteur reprend une légende racontant la mort tragique de Pergaud selon laquelle les Allemands l’auraient obligé à se rendre, injonction vaine puisque le Franc-Comtois aurait répondu « nenni ma foi » avant d’être abattu. Selon les mots de la fille de Bourdelle, Pergaud est représenté « dans la tranchée de la vie [...] Aux pieds de Pergaud, la mort tient une banderole sur laquelle est écrit “Comtois rends-toi”. Pergaud répond sur une autre banderole “nenni ma foi”. Si Pergaud ne se rend pas à la mort c’est que par son œuvre il est immortel. Telle était l’idée de Bourdelle. » Placé dans le parc Micaud où l’écrivain aimait à venir méditer, selon la tradition, le monument, déplacé, faillit être fondu lors de la Seconde Guerre mondiale, pour participer à l’effort de guerre et sous prétexte qu’il s’agirait d’une œuvre maçonnique. La fille de Bourdelle, Rhodia, entama des démarches soutenues par Louis Hautecoeur, directeur général des Beaux-Arts, pour sauver le monument, qui est replacé au parc Micaud en 1946.
Moirans-en-Montagne (Jura), monument aux morts
6 rue Anatole France
En 1920, la commune sélectionne un projet proposé par le sculpteur parisien Alfred-Jean Halou*. Le monument, érigé à l’entrée de l’école maternelle, représente une femme nue accroupie, tenant dans sa main droite une couronne de laurier, sa main gauche retenant son visage dans une attitude pensive. Terminé en 1922, le monument ne fut jamais inauguré car jugé indécent par la population.
Champagne-sur-Loue (Jura), monument aux morts
D274, rue du Pont, à l’entrée du village
Ce monument a été, à l’origine, édifié pour commémorer la mort de Léon Mesny de Boisseaux. Franc-tireur du Jura, il fut tué par les Prussiens à Nuits-Saint-Georges lors de la retraite de 1870. En 1923, la famille en fait don à la commune afin qu’elle puisse y ajouter le nom des 4 soldats de la commune, morts pour la France. Le monument a, à cette occasion, été déplacé à son emplacement actuel. Le monument évoque un amas de roches prenant la forme d’un soubassement carré puis d’une étroite pyramide sur lesquels se trouvent plusieurs symboles évoquant les combats et le deuil.
Champvans (Jura), monument aux morts
2 avenue de la Gare
Érigé le 27 juin 1920, le monument aux morts de Champvans a été réalisé par l’architecte parisien Eugène Chifflot*. Le buste en bronze représentant une femme au casque ailé symbolisant la Victoire, a été fondu par le sculpteur dijonnais installé à Paris, Henri Bouchard (1875-1960).
Morez (Jura), monument aux morts
Place Notre-Dame, rue de la République
Inauguré le 1er novembre 1922, le monument aux morts de Morez a été réalisé par les sculpteurs Pierre Curillon et Ernest-Charles Diosi. Au centre, la Gloire, symbolisée par une femme, couronne une figure allégorique du poilu. Ces sculptures centrales sont entourées par deux stèles, décorées par une frise en bronze représentant différents soldats. En 1949, le monument est modifié par l’architecte Lucien Fraenkel pour que soient ajoutés les noms des morts de la Seconde Guerre mondiale.
Saint-Amour (Jura), monument aux morts
Après la guerre, la commune lance un concours pour la création d’un monument aux morts. D’après le programme du concours, « le monument doit comporter comme motif principal une représentation du poilu ». Le projet retenu est celui de l’artiste parisien Charles Gir, qui prévoit un bas-relief, une statue de douleur et une palme en bronze posés sur pierre de Dole et pierre de marbre dite « pierre rose ». Une inscription « à nos morts » est présente sur le monument, ainsi que la liste des morts par ordre alphabétique.
Lure (Haute-Saône), monument aux morts
Square du Général De Gaulle
Durant la Grande Guerre, Lure subit 10 bombardement : en juillet 1916, 3 bombes tombent devant le lac de la rue de la Font tuant 12 civils dont 5 enfants. C’est à cet emplacement que la commune choisit d’ériger un monument commémoratif. Sa réalisation est confiée à Paul Muller, probablement Albert-Paul Muller* et les bas-reliefs au sculpteur
E. Wadens, probablement Ernest-Hyacinthe Wadens*. Le monument en granit de Bretagne, inauguré en 1925, comprend les noms des 220 morts de la Grande Guerre gravés en lettres d’or. De part et d’autre, deux ailes en retrait sont ornées de bas-reliefs qui représentent, à droite, une scène au front et à gauche une scène de la vie à l’arrière.
Biographies
Armand Bloch (1866-1933)
Statuaire né à Montbéliard (Doubs) dans une famille de sculpteurs spécialisés dans les monuments funéraires, Bloch part à Paris en 1882 dans l’atelier du sculpteur Alexandre Falguière afin de préparer le concours d’entrée de l’École des beaux-arts. Il échoue et semble cesser sa formation vers 1885. Il reçoit néanmoins de nombreuses commandes exécutées dans son atelier parisien, provenant le plus souvent de personnalités franc-comtoises issues des réseaux qu’il entretient largement (Les Gaudes, La Gairi, etc.). Il expose régulièrement aux Salons où il reçoit des médailles et dans les expositions nationales et internationales. Auteur de nombreux monuments et bustes, en bois ou en pierre, il est largement sollicité par les communes autour de Montbéliard après la Grande Guerre : 11 monuments commémoratifs sont réalisés entre 1919 et 1924 (Abbévillers, Audincourt, Beaucourt, Courtefontaine, Hérimoncourt, Mandeure, Montbéliard, Roppe, Saint-Hippolyte, Seloncourt, et le monument au Caporal Peugeot, Joncherey [détruit]).
Maurice Boutterin (1882-1970)
Grand Prix de Rome et originaire de Besançon, il exerce à Paris, place des Vosges, comme architecte en chef des bâtiments civils et palais nationaux. Il est l’auteur de 4 monuments aux morts de Franche-Comté : Pontarlier (1921-1922), Montbéliard (1922-1924), Besançon (1924- détruit), Vesoul (1925).
Eugène Chifflot (1872-1956)
Architecte dolois dont l’agence est située à Paris. Second grand prix de Rome en 1902, il est mobilisé de 1914 à 1918. Après-guerre, il est membre de La Cité nouvelle, société civile d’architectes fondée en 1919 pour la reconstruction des régions dévastées. Il est alors chargé de l’Oise. Il est aussi l’auteur de 6 monuments aux morts.
Jules Guillin (1875- ?)
Originaire de Mouthier-Hautepierre (Doubs), il se forme à la sculpture à l’École des beaux-arts de Besançon puis fait un séjour à Rome avec le sculpteur Just Becquet. Auteur de nombreuses statues de Vierge ou de saints, il se consacre, après la Grande Guerre, à la production de monuments commémoratifs. Il en devient le spécialiste incontesté dans le département du Doubs : une cinquantaine d’obélisques et 19 groupes sculptés comprenant un poilu que l’on peut regrouper en 9 principaux modèles.
Alfred-Jean Halou (1875-1939)
Élève d’Alexandre Charpentier (1856-1909) et de Jules-Aimé Dalou (1838-1902), il entre ensuite dans l’atelier d’Auguste Rodin (1840-1917) où il exerce comme collaborateur de 1903 à 1911. Membre fondateur du Salon d’Automne, il expose très régulièrement dans les salons parisiens où ses œuvres sont achetées par l’État et reçoit régulièrement des commandes publiques. Après la Grande Guerre où il participe aux combats, il exécute des monuments commémoratifs pour les communes d’Autun (Saône-et-Loire), de Moirans-en-Montagne (Jura) ou de Monchy-le-Preux (Pas-de-Calais).
Louis Hertig (1880-1958)
Né à Besançon, dans une famille d’origine suisse et protestante, le sculpteur est formé à l’École des beaux-arts de Besançon. Il expose au Salon des artistes français à Paris dès 1907, où il obtient une mention en 1923 et en reçoit la médaille d’or en 1937. Après la Grande Guerre où il est mobilisé pour la Suisse, il exécute de nombreux monuments aux morts dans son atelier rue Midol à Besançon, pour des communes du Doubs et de Haute-Saône, régulièrement en collaboration avec l’entreprise Micciolo.
Georges Iselin (1874-1952)
Il est né à Clairegoutte (Haute-Saône) en 1874 dans une famille de sculpteurs. Élève de Mercié et Lemaire à l’École des beaux-arts de Paris, il est sociétaire des Artistes français à partir de 1900 et mention honorable au Salon en 1899, médaille de troisième classe en 1909. Il exerce dans son atelier à Paris, 25, rue Humboldt, et meurt à Épinay-sur-Seine en 1952. Il est l’auteur des monuments aux morts de Gray, Luxeuil, Marnay et Ronchamp (70).
Georges Laethier (1875-1955)
Formé à l’École des beaux-arts de Besançon auprès du sculpteur Just Becquet, lui-même élève de Rude, il entre en 1899 à l’École des beaux-arts de Paris dans l’atelier de Gabriel-Jules Thomas et Jean-Antoine Injalbert. En 1903, il est nommé professeur de sculpture à l’École des Beaux-arts de Besançon. Il est l’auteur de nombreux monuments aux morts de la région (Ornans, Frasne, L’Isle-sur-le-Doubs, Pontarlier, Baume-les-Dames, Doubs, Besançon, La-Cluse-et-Mijoux puis la sculpture de l’écolier du monument aux morts de Jougne).
Albert-Paul Müller (1889-1965)
Élève de Héraud à l’École des beaux-arts de Paris, il est l’auteur de plusieurs églises de la Reconstruction dans l’Aisne.
Albert Pasche (1873-1947)
Né à Plaimpalais (Suisse), il est formé à l’École des beaux-arts de Besançon puis de Paris dans les ateliers d’Alexandre Falguière et d’Antonin Mercié. Il est professeur à l’École des beaux-arts de Besançon à partir de 1896. Il expose à Paris au Salon des artistes français, dont il devient membre en 1905. Il y remporte plusieurs médailles, notamment pour Ariane Abandonnée (1903) et pour le Monument funéraire de Clarisse Bourdeney (1909, Paris, cimetière du Père-Lachaise).
Paul Robbe (1884-1944)
Architecte et maire de Pontarlier. Après avoir combattu durant la guerre, il érigea plusieurs monuments autour de Pontarlier ayant pour point commun d’évoquer l’arrière et la paix : Jougne (par la présence d’un écolier et d’une lanterne éclairant la vallée), La-Cluse-et-Mijoux (deux enfants offrent une fleur au soldat qui regarde vers le lointain, l’inscription PAX), Métabief (une femme en deuil) et Touillon-et-Loutelet.
Henri Vallette (1877-1962)
Fils d’un pasteur luthérien à l’Église française de Bâle, il se forme à la sculpture animalière auprès du sculpteur parisien Jean Dampt (1854-1945). Après la Grande Guerre où il se bat comme sous-lieutenant d’infanterie, il est nommé professeur de sculpture à l’École nationale supérieure des Arts décoratifs de Paris. Exposé aux salons de la Société nationale des Beaux-Arts (1903, 1906 et 1911), plusieurs de ses sculptures animalières sont achetées par l’État dans les années 1920-1930 pour intégrer les collections du musée national d’Art Moderne à Paris. Il est également l’auteur de quelques portraits, du tympan du temple de Château-Thierry (1924), du monument aux mères du square Ferdinand-Brunot à Paris (XIVe arr.) et des monuments aux morts de Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loire), de Valentigney (Doubs) et de Champlost (Yonne).
Ernest-Hyacinthe Wadens
Élève du sculpteur marseillais Emile Aldebert (1828-1924), son atelier se trouve à Paris.
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