En passant les portes de la Direction Interrégionale des Services Pénitentiaires de Lyon ( DISP ), le visiteur se retrouve nez-à-nez avec un ours. Dans un cliché en très grand format, l’animal qui se tient debout sur ses pattes arrière, a été immortalisé dans le couloir d’un établissement pénitentiaire. Dans le même cadre, un agent, calme, lui fait face et le fixe droit dans les yeux. Cette rencontre inattendue, c’est à l’artiste photographe et chercheur Arnaud Théval qu’on la doit. Elle est l’une des nombreuses manifestations de l’aventure qui l’a conduit Sur la piste animale, pour faire référence à un ouvrage du philosophe Baptiste Morizot qui lui tient à cœur.
Dans le cadre d’une résidence artistique de 4 ans en milieu pénitentiaire, Arnaud Théval a souhaité interroger les présences animales dans les prisons, sous toutes leurs formes. Grâce au concours de tous les « habitants » des lieux, comme il aime à les désigner, c’est-à-dire les personnels, les personnes détenues et les visiteurs au sens large, il a enquêté sur les traces de ces présences animales, qu’elles soient dessinées, écrites, imaginaires ou réellement présentes (animaux domestiques, médiations animales ou animaux « clandestins »). En s’interrogeant sur ces récits de co-présence du vivant dans nos prisons, c’est plus largement une réflexion sur l’enfermement et les liens entre les hommes qui se nouent, se tissent ou s’inventent grâce à eux.
Une résidence artistique qui interroge le vivant
Pensée comme un projet inscrit dans la durée, la résidence d’Arnaud Théval a produit une œuvre protéiforme (photographies, dessins, ouvrages) qui s’est progressivement déclinée dans différents centres pénitentiaires de la région Auvergne-Rhône-Alpes (et au-delà). C’est ainsi que la Maison d'arrêt de Lyon-Corbas, celle de La Talaudière à Saint-Étienne, celle de Chambéry mais encore le centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse, ceux de Villefranche-sur-Saône, Roanne, des Baumettes à Marseille ainsi que de la maison de centrale de Valence et l’établissement pour mineurs de Meyzieu ont observé comment l’animal et les relations que l’on entretient avec ce dernier témoignent d’une représentation collective entre le dedans et le dehors. C’est aussi un projet qui interroge plus largement les relations entre art, culture et prison. A chaque nouvelle étape de la résidence, c’est toujours grâce à l’implication de tous les personnels de ces établissements et aux différents prêts du musée des Confluences de Lyon que le projet a été rendu possible.
Fortes du succès rencontré par cette démarche, la DRAC ARA et la DISP de Lyon ont souhaité prolonger l’expérience et mobiliser conjointement leurs moyens en proposant à nouveau à un artiste de penser et produire des œuvres issues de la situation et du contexte carcéral au travers d’un programme de résidence pluriannuelle qui sera lancé avant la fin du mois.
Cette résidence s’inscrit dans le cadre de la convention régionale Culture/Justice (2023-2027) qui décline à l’échelle territoriale depuis plus de 25 ans les objectifs du protocole d’accord signé entre le ministère de la Culture et le ministère de la Justice. Dans le cadre de la prévention de la récidive et de la réitération, cette convention réaffirme que la participation à la vie culturelle et artistique est un droit pour chaque citoyen au même titre que l’accès à l’éducation et à la santé. La stratégie de l’État en région Auvergne-Rhône-Alpes consiste à favoriser synergies et complémentarités, proximité et dynamiques interministérielles, pour concourir à la cohésion sociale et conforter le vivre ensemble républicain. Elle souligne la nécessité de garantir l’accès et la participation de toutes les personnes placées sous-main de justice à une offre artistique et culturelle pluridisciplinaire exigeante, propice au développement d’un nouveau regard sur le monde et sur eux-mêmes, et ce, dans le respect des droits culturels.
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