En quinze ans, Séries Mania est devenu le plus grand événement dédié uniquement aux séries télévisées dans le monde. Créé à Paris en 2010 et installé à Lille depuis 2018, le festival accueille en mars près de 100 000 participants et 4 000 professionnels de l'industrie de la télévision et du streaming lors du Forum.
Depuis sa création, l’accompagnement des publics et la découverte des métiers liés aux séries est inscrit dans l’ADN du festival. C’est ainsi que, tout naturellement, Séries Mania a lancé en 2021 le Series Mania Institute, une école qui forme à l’ensemble des métiers de la série par des formations continues destinées aux professionnels, d’autres intégrées dans des écoles, plusieurs incubateurs et résidences pour faire développer les projets de scénaristes expérimentés, et enfin un Tremplin pour initier à ces professions des jeunes des Hauts-de-France sans condition de diplôme. Cette première école dédiée aux séries a été retenue parmi les projets labellisés France 2030 La grande fabrique de l'image.
Ces initiatives pour valoriser les métiers de la culture sont mises en lumière par le ministère de la Culture par le nouveau dispositif « Les métiers de la Culture en festival » pour que les jeunes – et les moins jeunes – puissent accéder à un univers culturel de grande qualité en mettant en relation, à travers des rencontres, ateliers ou focus, le grand public avec tous les professionnels du secteur. Après le Fipadoc en janvier dernier, place donc à Séries Mania, dont la nouvelle édition de tient du 21 au 28 mars à Lille avec Marianne Guillon, directrice du Series Mania Institute.
Le festival Séries Mania, créé en 2010 et installé à Lille depuis 2018, est un rendez-vous de référence pour le secteur de la série. Qu’est-ce qui vous a poussé à créer, en 2021, le Series Mania Institute ?
C'est une idée qu'on a eu assez vite en voyant ce qui se passait dans le cadre du Forum, dédié aux professionnels. Ce Forum est l’occasion de prendre le pouls de l’industrie audiovisuelle, secteur qui subit de profondes mutations en termes de production et d’innovation. L’arrivée des plateformes il y a dix ans a bouleversé le paysage de la série avec de nouvelles manières d’écrire, de produire et donc de financer les projets. Aujourd’hui, c’est l’IA qui bouleverse l’écosystème. Dans ce contexte, nous avons vu assez vite le besoin de formation et d’accompagnement pour les professionnels.
Nous avons fait un autre constat : l'audiovisuel est un milieu qui a ses propres codes, avec des voies d'accès qui ne sont pas simples, soit des écoles qui recrutent des étudiants de très bon niveau mais qui offrent peu de places – comme la Femis – soit des formations privées qui peuvent être très coûteuses. Si on n'ouvrait pas d'autres types de formations, d'autres voies d'accès, nous risquions de créer un manque de diversité et de renouvellement des profils, ce qui entraînerait une forme d’homogénéisation des récits dans les séries.
Avant cela, aviez-vous déjà amorcé des actions d’accompagnement ?
Depuis le début, Séries Mania a déployé des actions éducatives en direction des collégiens et des lycéens. Une partie de nos actions porte sur le développement d’une culture d’éducation à l’image, bien présente dans le cinéma, mais moins dans le domaine des séries. D’autre part, nous avons voulu faire découvrir les métiers qui sont derrière les séries, apprendre à décrypter les codes et à porter un regard critique au moyen de plusieurs leviers comme la constitution, pendant le festival, de jury de lycéens et d’étudiants.
En amont du festival et pendant toute l’année, nous développons un programme d’actions dans tous les Hauts-de-France auprès des structures scolaires, périscolaires ou sociales. Ce sont par exemple des ateliers, des projections accompagnées par des journalistes ou par des commentateurs pour enclencher les débats. Nous travaillons également avec une dizaine d’enseignants ambassadeurs qui rédigent des fiches pédagogiques que nous faisons circuler pour pouvoir raccrocher les programmes au contenu des séries.
Ces actions sont pluridisciplinaires avec également des ateliers de graff, de chant ou de danse autour de séries avec l'essentiel des structures culturelles de Lille et des Hauts-de-France. Elles nous ont permis de repérer des jeunes qui étaient très réceptifs à ce qu'on proposait mais qui ne se sentaient pas légitimes.
C’est pour cela que vous avez créé en 2022, le programme Tremplin dédié aux jeunes de 18 à 25 ans résidant dans les Hauts-de-France…
La première édition, en 2022, était une année pilote plus courte, composée de trois modules de deux semaines, alors que cette deuxième promotion 2024-2025 dure sept mois, d’octobre à avril. Ce programme est destiné à vingt jeunes – 10 garçons et 10 filles – sans condition de diplôme et qui n’ont pas plus qu’un bac+2.
Nous cherchons des profils « invisibilisés », des jeunes qui n'ont pas forcément accès facilement à des informations sur ces métiers. Nous travaillons avec des structures de terrain comme Lille Avenirs, la mission locale de Lille, Roubaix et Tourcoing, ou encore France Travail qui repère des demandeurs d’emploi intéressants. La formation Tremplin est financée par l'Afdas, opérateur de compétences du secteur culturel, et France Travail, dans le cadre du Plan d’Investissement dans les Compétences. Ce dispositif national aide les jeunes en recherche d'emploi à se former et à trouver leur place dans le secteur de l’audiovisuel. Il y a ensuite notre propre réseau, nourri par les actions éducatives du festival et par nos 300 bénévoles, dont des jeunes curieux. Enfin l’autre voie de communication est celle des réseaux sociaux. La notoriété du festival joue beaucoup puisque même si des jeunes ne sont pas allés jusqu'à pousser la porte d’une de nos salles ou de nos lieux, ils ont entendu parler de nous.
Ces jeunes arrivent avec principalement des envies de réalisation, ce qui est compréhensible puisque c’est ce qu’on voit en premier lorsque l’on regarde une série. Alors nous prenons du temps, en allant sur des tournages et en faisant venir des professionnels, pour montrer qu’un tournage mobilise énormément de professions différentes.
Comment se déroule cette formation ?
Une partie de l'année est consacrée à la découverte des métiers, environ trois jours pour chacun. Par exemple, un ingénieur du son va venir pour un atelier lors duquel les élèves pourront manipuler le matériel. On essaie de ne pas avoir de sessions académiques mais pratiques, avec des moments en immersion sur des tournages, dans des structures de production comme la fabrique France TV qui nous accueille dans ses locaux, nous fait visiter leurs décors et leur salle de post-production pour nous expliquer leurs métiers in situ.
Il y a ensuite des rencontres avec des talents qui viennent partager leur expérience. Cette année, la promo a rencontré le scénariste Julien Gaspar-Oliveri qui a réalisé la série Ceux qui rougissent qui se déroule dans un atelier de théâtre dans un lycée. C'est quelqu'un qui transmet beaucoup et qui a eu un parcours fait de tests et d'aventures.
Au bout d’un mois de tronc commun, chacun va se positionner soit vers le cursus scénario soit vers le cursus métier technique. Vient ensuite la mise en pratique de la diversité des métiers avec le tournage grandeur nature d’une mini-série. Cette année, il s’agit de Maslow, une création originale écrite et tournée de bout en bout par les jeunes, qui a été coréalisée par deux jeunes femmes supervisées par une réalisatrice. Ce projet occupe deux des sept mois de formation entre la préparation, les sept jours de tournage, et la post-production et l’étalonnage. Ils la présentent ensuite pendant le festival.
On essaie aussi d'intégrer des ateliers d’épanouissement personnel comme des ateliers de chant avec une cheffe de chœur pour apprendre à savoir parler en public. Enfin, le Tremplin est pensé dans un but d’insertion professionnelle la plus rapide et efficace possible. Les élèves ont des modules sur le CV, des entretiens fictifs et un accompagnement pour postuler sur des stages. La formation se termine par trois semaines de stage, en avril.
Nous avons fait un premier bilan de cette formation « laboratoire » qui n’existait pas, créée avec le soutien et les conseils de CinéFabrique à Lyon. Au bout de deux ans, on voit de bons résultats en matière d'installation professionnelle avec 70 % de sorties positives, c’est-à-dire soit la signature d'un premier contrat soit une reprise d'étude. Certains jeunes, qui étaient en rupture scolaire totale, retrouvent aussi un cursus plus apaisé, se remobilisent. C’est aussi à ça que sert la formation.
Ce Tremplin existe-t-il également pour pallier un manque de visibilité des métiers autour des séries que vous dites « en tension » ?
Sur la question des métiers en tension il y a une étude très fouillée du CNC que l’on croise avec ce qu'on voit sur le territoire des Hauts-de-France, premier débouché et le plus facile d'accès pour nos jeunes. Nous sommes dans une région qui a une histoire longue avec l'audiovisuel avec, depuis trente ans, les pouvoirs publics à la manœuvre avec des fonds d’aide importants et beaucoup de tournages (1 000 jours par an).
Nous bénéficions d’un vivier très large de près de 650 techniciens qui doit aujourd’hui se renouveler. On a vu, après le covid, une érosion du nombre d’intermittents du spectacle, des personnes qui ne sont pas revenues dans le secteur ou qui sont parties en retraite. En parallèle, le nombre de jours de tournage augmente, on accueille de plus en plus de projets audiovisuels donc mécaniquement, la filière recrute. On se rend compte que le plus difficile est d'accéder aux tournages sur les premiers niveaux de qualification : les postes de troisième assistant, de régie qui fonctionnent presqu’exclusivement sur du « bouche à oreille ».
Les métiers de l'audiovisuel, comme d'autres de la culture, souffrent d'un manque de visibilité. Quand on regarde le générique d'un film ou d'une série, on s'aperçoit qu'il y a énormément de monde sur chaque projet avec plein de métiers vers lesquels on ne sait pas forcément comment aller. Je vois par exemple beaucoup de jeunes qui veulent faire de la déco mais ce n'est pas toujours facile de les orienter. Il y a aussi le métier de script qui continue de recruter et toute une diversité de fonctions dans la lumière, le son ou la régie qui accompagnent la réalisation et qu’on s’efforce de faire découvrir aux jeunes.
Comment les élèves sont-ils intégrés au festival, en mars ?
Ils vont assister à des projections et rencontrer des professionnels comme par exemple Fabrice Gobert, le réalisateur des Revenants, la comédienne Marie Colomb ou encore des jeunes créateurs qui ont fait la mini-série franco-algérienne El’Sardines. Ils vont également visiter le Forum, pour voir à quoi ressemble un marché professionnel, et, bien sûr, fouler le tapis rouge pour la soirée de clôture. Ils viennent se nourrir de tous les contenus du festival.
La série Maslow, réalisée par les jeunes talents du Series Mania Institute, sera projetée lors du festival, le 28 mars à l'UGC Ciné Cité de Lille et sera disponible dès le lundi 31 mars sur la plateforme Slash.
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