Les idées reçues ont la peau dure. Selon l’une d’elles, les métiers de la culture seraient réservés à ceux qui ont au préalable un parcours, un capital ou des relations culturels. Une situation qui, malgré quelques résurgences, relève du passé, assure le ministère de la Culture, en soulignant le déploiement de plusieurs dispositifs de formation au monde de la culture. C’est le cas, bien sûr, des 99 écoles de l’enseignement supérieur Culture que l’on ne présente plus, mais aussi de La Relève, une initiative vertueuse qui vise à promouvoir la jeune génération dans des postes de responsabilités.
Beaucoup d’initiatives existent déjà lors des festivals pour valoriser les métiers de la culture. Aujourd’hui, le ministère de la Culture met en lumière et complète cette offre par une initiative nouvelle : le dispositif « Les métiers de la Culture en festival ». Souvent situés dans les territoires, les festivals constituent en effet un attrait sans pareil pour que les jeunes – et les moins jeunes – puissent accéder à un univers culturel de grande qualité. Et si on allait plus loin ? En mettant en relation, à travers des rencontres, ateliers ou focus, le grand public avec, non seulement les créateurs, mais aussi tous les professionnels indispensables au secteur ? Ce pari – faire naître de possibles vocations professionnelles – c’est celui que s’apprête à expérimenter le ministère de la Culture en partenariat avec le festival international du film documentaire (Fipadoc) qui se tient du 24 janvier au 1er février à Biarritz. Retour avec Marion Czarny, responsable du Fipadoc Campus, sur les deux nouveaux parcours mis en place à cette occasion.
Le Fipadoc a créé son Campus qui met en place plusieurs programmes à destination du jeune public, des étudiants et des réalisateurs émergents. Avec quels objectifs ?
Le festival Fipadoc a été créé en 2019 à la suite du Fipa, un festival qui existait déjà à Biarritz et dans lequel le Campus existait et menait déjà des actions pour les jeunes. L’objectif de ce pôle est d’accompagner ces jeunes dans leur découverte du cinéma documentaire et de ses métiers afin de les orienter, susciter des vocations mais aussi donner de la visibilité aux professionnels de ce secteur.
Nos programmes d’accompagnement sont très variés puisqu’ils concernent à la fois des enfants en grande section de maternelle et des jeunes qui sortent d'école de cinéma ou d’université, soit une fourchette d’âge très large allant de 5 à 25 ans. Ils s’adressent également à des publics d’horizons et de lieux différents, de Biarritz pour les classes élémentaires à l'international pour les jeunes professionnels en passant par la Région Nouvelle-Aquitaine pour les collégiens et lycéens et la France pour les étudiants. La majorité de nos actions se déroulent pendant le festival, en janvier, mais certaines se poursuivent tout au long de l'année avec par exemple, un dispositif pour faire découvrir des films dans des collèges des Pyrénées-Atlantiques.
Vous lancez cette année une expérimentation avec le ministère de la Culture, avec notamment un parcours sur les métiers du documentaire destiné aux collégiens et lycéens. En quoi va-t-il plus loin que ce qui était mené jusqu’à présent ?
Le Fipadoc fait déjà partie d'un réseau de festivals européens qui proposent toute l’année une programmation autour de la création et de l’émergence de jeunes talents. Ceux-ci se rendent dans les festivals à l'étranger, montrent leur film et rencontrent des experts. Les deux parcours que nous mettons en place sont nés de l’envie d’aller plus loin pour les plus jeunes, avec des rendez-vous qui leur sont vraiment dédiés.
Lors d'un festival, les élèves assistent à des projections et rencontrent des équipes de films qui sont souvent représentées par les réalisateurs. Nous nous sommes rendu compte, lors de ces moments d’échange, que les élèves n'avaient, dans le meilleur des cas, qu’une connaissance lointaine des étapes nécessaires à la préparation d’un film documentaire et du nombre et du type de professionnels qui interviennent à chaque étape. Par exemple, ils sont souvent très intéressés par la musique utilisée dans un film mais n’ont pas l’occasion de rencontrer des compositeurs. Nous avons donc voulu faire un pas de côté, sortir de la salle de cinéma et des films et proposer des rencontres informelles avec ces professionnels.
Comment se déroulent ces rencontres ?
Pendant le festival, nous proposons, en plus de la projection et la découverte d'un film en salle, des petits modules ou ateliers. On divise une classe en groupes de dix élèves, qui rencontrent en une heure trois professionnels à travers des rendez-vous de vingt minutes. Ces groupes restreints sont moins intimidants et favorisent donc les échanges. En une journée, les jeunes peuvent tour à tour voir des films, rencontrer des professionnels puis participer à un atelier d'écriture ou de décryptage d’images. Nous avons essayé de convoquer un large éventail de métiers avec un compositeur, un monteur, une productrice, un bruiteur ou un chef opérateur. Pour cette première année, deux journées sont prévues et pour l'instant, six classes sont inscrites.
Le maître mot de ce parcours est la découverte, car encore beaucoup d'élèves font la confusion avec un reportage et ignorent qu’un réalisateur est un auteur. On rentre dans les détails mais c'est pour mieux ouvrir toutes les pistes. À la fin de la journée, les jeunes doivent pouvoir se dire que ces métiers leur sont accessibles et ne sont pas réservés à des personnes qui ont suivi un parcours particulier ou qui ont des relations. Notre objectif, c’est cela.
Vous lancez également le parcours Campus Pro pour aider les jeunes professionnels à faire leur premier pas dans le monde du travail. Est-ce que cela répondait à un besoin ?
Chaque année, nous accueillons à peu près 600 étudiants au Fipadoc. Ces futurs professionnels se lancent dans leur premier long-métrage. Au Fipadoc, ils vont bien sûr aller voir des films mais ce n’est pas toujours facile pour eux de se mettre en relation avec des professionnels comme un distributeur, un chargé d'acquisition pour une chaîne ou un musicien. Ces professionnels peuvent pourtant leur donner des conseils très pratiques et les informer sur les erreurs à ne pas faire.
Nous facilitons ce lien entre les jeunes et les professionnels au sein de sessions dédiées, un peu sur le même format que pour les métiers du documentaire. Nous avons formé des groupes de vingt jeunes face à des duos d'experts, comme par exemple des programmateurs de festival, qui leur expliquent leur métier. Ils pourront leur demander quand et comment envoyer leur film, à quel état d’avancement ou savoir comment trouver les festivals… Ce sont là encore des conseils très pratiques quand on veut se lancer dans son premier film. Nous voulons créer une passerelle entre les jeunes professionnels et les plus expérimentés à travers un moment bienveillant, convivial et chaleureux dans un festival qui attire près de 2 000 professionnels et lors duquel il est parfois un peu difficile de capter l'attention.
À suivre : les actions du festival Séries Mania, à Lille
Le Fipadoc dévoile le documentaire sous toutes ses formes
La septième édition du Fipadoc, qui se déroule du 24 janvier au 1er février à Biarritz, aura une fois de plus l’ambition de faire découvrir le genre documentaire sous toutes ses formes : courts et longs métrages, films pour le cinéma ou la télévision mais aussi œuvres numériques en réalité virtuelle. Pendant neuf jours, près de 180 œuvres documentaires seront projetées lors de ce grand rendez-vous international pour le public et les professionnels lors duquel près de seize prix seront décernés.
Cette année, à l’occasion de l’Année de la mer qui a débuté le 1er janvier, une sélection sera dédiée à l’océan. Le Focus Territoire sera, lui, consacré aux Balkans avec des auteurs, producteurs, diffuseurs et vendeurs internationaux, des pitchs et des rencontres entre producteurs balkaniques et français.
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