On l’appelle le « piano à bretelles », la « boîte à frissons », « l’attrape grand-mère » ou encore « le zinzin » ou « le boutonneux ». L’accordéon est ce matin au centre de toutes les attentions à la Maison de l’enfance des Grésillons à Gennevilliers, dans les Hauts-de-Seine. Dans la salle, une dizaine de jeunes âgés de 6 à 10 ans, qui ont hâte de toucher les boutons nacrés de l’instrument pour jauger le son. « Il y a l’air d’avoir beaucoup de choses là-dedans », s’interroge une petite fille.
L’été pour capter l’attention des jeunes
La séance débute par un mini-concert donné par Sophie Aupied, musicienne professionnelle. Sur un premier air de la bande originale d’Amélie Poulain, elle embarque tout le groupe avec elle avant d’entamer un tour du monde qui passera par l’Argentine avec un morceau de tango, Madagascar ou encore la Russie. Puis elle enchaîne avec le bruit du soufflet à vide, qui évoque pour son jeune public les vacances avec, pêle-mêle, « la mer », « le vent », « le sable », « les bateaux » et même « les oiseaux ». De quoi mieux comprendre les subtilités de l’instrument à air. « Ce n’est pas la première fois que j’en vois un, j’en avais déjà écouté, mais je n’avais jamais pu toucher les touches. C’était très amusant », s’enthousiasme Liya, 6 ans, une des premières à vouloir voir de plus près cet imposant instrument de près de quinze kilos. « Quand je l’ai entendu, j’ai trouvé ça très beau », ajoute à côté d’elle Nusayba, 6 ans également. « Je n’en avais jamais fait avant et la séance était très active, nous avons pu bien participer », lâche enfin Aliyah dans un sourire.
Sophie Aupied participe à ces ateliers depuis leur création, il y a trois ans, et intervient aussi bien dans des villes que dans des zones plus rurales. « On a affaire à des tous-petits comme des plus grands, des enfants habitués aux actions culturelles, d’autres non, souligne-t-elle. L’été est un temps plus calme, de détente, pendant lequel il est plus facile d’aller dans l’imaginaire des enfants. Ces ateliers permettent de créer du lien et viennent compléter notre mission d’artiste. Ils permettent aussi d’avoir des activités l’été, quand nous n’avons pas de concerts, et de continuer à travailler. » Face à elle, une dizaine de petits curieux ont tout voulu savoir sur son métier et son instrument : son poids, le rôle de chacun des deux cents boutons ou encore son parcours de musicienne.
Resocialiser les enfants par la musique
Ces enfants profitent du dispositif Mes vacances musicales mis en place par l’association des Jeunesses musicales de France depuis l’année 2020. « Au sortir de la pandémie, nous avons ressenti le besoin de contribuer à la resocialisation des enfants et la musique est un vecteur idéal pour cela, explique Ségolène Arcelin, directrice de l’action artistique de l'association. Notre conviction est que pour mieux grandir, la musique a un rôle à jouer pour les enfants, elle doit être au cœur de l’éducation et de la vie. Les études montrent que quand on joue de la musique, on apprend mieux à l’école. » Tous les instruments sont représentés, de l’accordéon jusqu’au beat box. « Cette diversité est le reflet de notre programmation », confirme Eléna Garry, chargée d’action culturelle. Pendant le reste de l’année, l’association organise en effet des spectacles, ateliers et événements, principalement sur le temps scolaire, profitant à plus de 350 000 jeunes spectateurs de 3 à 18 ans.
L’association, qui a, depuis 80 ans, pour objectif d’amener les enfants à la musique vivante, créé donc, dans le cadre de l’Été culturel, ce dispositif composé d’ateliers de découverte ou de création. Les premiers durent une demi-journée, pendant laquelle le groupe va écouter un mini-concert puis s’initier à la pratique, les seconds durent de deux jours à une semaine, période pendant laquelle les enfants vont écouter, pratiquer et même se produire lors d’une restitution. Mes vacances musicales profitent ainsi à des jeunes inscrits en centre de loisirs ou en centre de vacances pendant l’été. « C’est l’une des opportunités créées par la crise sanitaire : nouer des partenariats avec ce public sur le temps périscolaire », poursuit Ségolène Arcelin.
Plus de 120 ateliers organisés en France
Le lendemain, toujours à Gennevilliers, c’est la contrebasse qui est au programme à la Maison de l’enfance Desnos, dans le quartier du Luth. Là encore, l’imposant instrument de quatorze kilos et l’archet en crin de cheval font leur petit effet et les questions fusent pour Claire Lebrun. « Est-ce que c’est lourd ? », se demande l’un des 45 enfants, du CP au CM2, qui suivent l’atelier. « Quand vous faites tourner votre main, ça sert à quoi ? », s'enquiert un autre. « À quoi servent les fils rouges ? », s’interroge un troisième. Une sieste sonore, des exercices de rythmique et un échauffement vocal plus tard, les voilà prêts à apprendre la chanson « Patte de chat » par cœur afin de la chanter en canon. En moins de trois heures d’atelier, le résultat est plus qu’encourageant. « En un temps restreint, on peut faire quelque chose de sympa. Aujourd’hui, on était sur des moments plus participatifs. Certains voient un instrument acoustique pour la première fois alors il est important de leur faire ressentir des émotions comme leur montrer l’archet ou leur faire toucher la contrebasse pour sentir les vibrations, précise la contrebassiste, également chanteuse. On leur fait ressentir le crépitement du chant en chorale, ensemble. Ce sont des moments hors du temps qui peuvent faire envie de poursuivre la pratique. »
La musicienne mène des ateliers depuis deux ans, sous des formats différents, plus ou moins longs. « Je les fais pour casser la barrière entre l’instrumentiste et les non-musiciens, pour qu’ils se projettent. Pour moi, c’est le sens de ce métier. » Comme à Gennevilliers, cet été, plus de 120 ateliers sont organisés partout en France, principalement en zone rurale avec des artistes intervenants au plus près des territoires. L’an dernier, près de 2 700 enfants ont pu bénéficier de ces Vacances musicales. Et combien de vocations suscitées ?
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