Après trois éditions en 2016, 2018 et 2022, le Centre national du livre (CNL) poursuit son étude sur « Les jeunes Français et la lecture » pour contribuer à une meilleure connaissance d’un public essentiel pour le secteur du livre : celui des 7-19 ans. Cette étude mesure les pratiques actuelles des jeunes Français en matière de lecture, entend comprendre ce qui les incite ou, au contraire, les freine à lire des livres et identifie les leviers qui les amènent ou les amèneraient à la lecture. Cette année, le temps consacré aux livres et aux écrans dans le quotidien des jeunes a été particulièrement scruté.
Une érosion de la lecture, en particulier chez les 16-19 ans et les garçons
Un jeune sur cinq ne lit jamais dans le cadre des loisirs et même si 84 % des jeunes lisent pour l’école, leurs études ou leur travail, ce chiffre est en baisse de six points par rapport à 2016. Des résultats « peu surprenants, car les chiffres étaient déjà alarmants en 2022 » pour Régine Hatchondo, la présidente du CNL. L’adolescence est la période propice au décrochage avec un jeune sur trois chez les 16-19 ans qui ne lit pas du tout dans le cadre de ses loisirs (contre 7 % des 7-12 ans). Les garçons sont également de moins grands lecteurs que les filles avec seulement 50 % de garçons de 16 à 19 ans déclarant lire dans le cadre des loisirs (-15 points par rapport à 2022) contre 74 % chez les filles. Moins d’un tiers déclare lire tous les jours ou presque, de préférence chez eux, avant de se coucher (pour 78 %) ou pendant les vacances (58 %).
Les jeunes lisent moins, mais aussi moins longtemps : seulement 19 minutes par jour, soit 4 de moins qu’en 2022, et 2 h 11 par semaine en moyenne ; Cette durée tombe à 12 minutes pour les 16-19 ans. On observe là encore un écart entre sexe avec 6 minutes quotidiennes de lecture supplémentaires pour les filles par rapport aux garçons dans cette tranche d’âge.
Dix fois plus de temps sur les écrans qu’à lire des livres
Trois heures et onze minutes. C’est le temps passé tous les jours sur les écrans par l’ensemble des jeunes, soit 10 fois plus qu’à lire des livres. Ce chiffre est une moyenne, qui cache des disparités profondes selon les âges avec de 2 h 03 pour les 7-12 ans jusqu’à 5 h 10 pour les 16-19 ans ! « La place laissée aux écrans dans notre vie quotidienne a de réelles conséquences sur la lecture, en particulier chez les jeunes, s’inquiète Régine Hatchondo. Je considère que la lecture est une affaire de santé publique. Il faudrait une prise de conscience massive pour mettre en exergue les bienfaits de la lecture chez les enfants, notamment en matière de concentration, d’imagination, d’empathie, de développement du langage et du cerveau. » Les comportements divergent selon le genre : chez les filles, le temps d’écran reste stable jusqu’à 15 ans avant d’augmenter tandis que la bascule se fait plus tôt chez les garçons, dès 12 ans.
Les écrans brouillent également la qualité du temps de lecture puisque presque un tiers des lecteurs dit avoir des difficultés à se concentrer et près d’un jeune lecteur sur deux (jusqu’à 69 % pour les 16-19 ans) fait autre chose pendant ses lectures, comme envoyer des messages (36 %), regarder des vidéos (34 %) ou aller sur les réseaux sociaux (31 %).
BD, comics et mangas largement plébiscités
Dans le cadre des loisirs, les jeunes ont lu en moyenne un peu plus de 5 livres au cours des 3 derniers mois. La moitié d’entre eux sont des mangas, genre particulièrement apprécié par les garçons puisqu’il représente plus des trois quarts des lectures des 13-15 ans. La bande dessinée reste le genre qui arrive en tête, cité par 55 % des jeunes. Le trio BD/mangas/comics poursuit sa progression en étant cité par 77 % du panel (en hausse de 4 points).
Bien qu’en légère baisse, le roman fait de la résistance, lu par 43 % des jeunes (en troisième place derrière la BD et les mangas). L’aventure, la science-fiction et les histoires d’amour sont les types les plus nommés. La dark romance – sous-genre de la littérature sentimentale – fait une entrée remarquée dans le palmarès des romans lus dans le cadre des loisirs (17 %), notamment chez les 16-19 ans.
Selon l’âge et le sexe, les types de livres plébiscités ne sont pas les mêmes. Les filles privilégient le roman, puis les BD et enfin les mangas alors que les garçons préfèrent les BD aux mangas et aux romans. Les 7-9 ans lisent plus de livres illustrés qui sont ensuite détrônés par le manga avant que le roman ne fasse son apparition dès l’âge de 13 ans pour devenir le type le plus lu chez les 16-19 ans.
Parents et amis largement prescripteurs
Les proches restent les principaux prescripteurs de livres puisque plus de la moitié des lecteurs loisirs suivent les conseils de leur famille ou leurs amis, notamment leurs parents et même plutôt leur mère (38 % contre 23 % pour le père). Cette tendance est corrélée aux habitudes de lectures des adultes puisque près de 78 % des mères restent lectrices contre 52 % des pères. La place des parents est centrale dans la transmission de l’envie de lire : la quasi-totalité (90 %) déclarent que leurs parents leur lisaient des livres quand ils étaient petits, des moments évoqués « avec bonheur » par 93 % du panel.
En dehors de ces conseils, les jeunes choisissent leurs livres selon la couverture, le héros ou le résumé. Les écrans jouent également un véritable rôle dans les envies de lecture puisque 53 % des lecteurs loisirs utilisent au moins un réseau social pour s’informer sur des livres, deux tiers ont eu envie de lire un livre qui a fait l’objet d’une adaptation ou un film sur une plateforme et un tiers après en avoir entendu parler sur Internet (jusqu’à 57 % des 16-19 ans). Presque la moitié des jeunes achètent des livres au moins une fois par mois, seuls ou via leurs parents, majoritairement d’occasion et sur internet.
Toujours au centre de la lecture, la notion de plaisir est citée par 47 % des 7-19 ans comme raison de lire, suivie par la détente et l’évasion. En revanche, quatre jeunes sur dix préfèrent consacrer leur temps libre à d’autres activités tandis que 19 % affirment tout simplement ne pas aimer lire (31 % chez les 16-19 ans). Le CNL a mené des actions pour remettre la lecture dans le quotidien avec par exemple le Quart d’heure de lecture national, la mise en place du pass Culture qui a facilité l’achat de livres ou l’organisation de masterclasses dans les établissements. « L’expérience de ces rencontres avec des auteurs change complètement le rapport à la littérature, poursuit Régine Hatchondo. Ces événements contribuent à la réalisation notre objectif : donner le goût de lire et la curiosité. »
De nouvelles pratiques de lecture liées au numérique
« La situation liée aux écrans est très inquiétante pour la filière du livre dans son ensemble même si de nouvelles pratiques se développent, notamment digitales qui permettent de garder le lectorat des jeunes », souligne Régine Hatchondo. Preuve en est, les livres numériques continuent de progresser puisque 44 % des jeunes en ont déjà consulté un, majoritairement sur smartphone ; ce chiffre est en hausse de 11 points en deux ans. Cette nouvelle pratique est particulièrement développée chez les 16-19 ans. De même, le livre audio et les podcasts ont le vent en poupe puisque six jeunes sur dix en ont déjà entendu et l’écoute de livres audio a même doublé par rapport à 2016 (+21 points).
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