Initié par des chercheurs de la direction régionale des affaires culturelles de Normandie, du Centre de recherche d’histoire quantitative de l'université de Caen, de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), et soutenu par les Départements du Calvados et de la Manche, ainsi que par le Conseil Régional de Normandie, le programme collectif de recherche (PCR) vise à inventorier de manière exhaustive les vestiges de la Seconde Guerre mondiale en Normandie. Si les ouvrages allemands du Mur de l'Atlantique font prioritairement l’objet d’un travail intensif, ce programme vise aussi à relever les traces des infrastructures laissées par les Alliés lors de la libération de la Normandie, mais aussi celles qui témoignent de la vie des civils lors de cette sombre période.

Mur antichar d'Arromanches
L'ancienne cale des pêcheurs du petit village d'Arromanches offrait une véritable brèche dans le système défensif allemand. Pour bloquer l'accès au village depuis la plage, un large mur antichar fut construit. Haute de plus de 3 mètres, cette muraille était en plus surmontée d'une rangée de barbelés. Aujourd'hui, ce mur existe toujours et fait office de digue mais passe presque inaperçu.

En 1942, une grande partie de l’Europe est occupée par les Allemands engagés dans une guerre d’anéantissement contre l’URSS. Après la déclaration de guerre aux États-Unis en décembre 1941, Hitler fait édifier une ligne de défense, bientôt promue par la propagande nazie sous le terme de « Mur de l’Atlantique ». Son but est d’empêcher un débarquement anglo-américain sur le continent, et donc la création d’un « second front » à l’Ouest. Cet ensemble défensif est édifié de mars 1942 à juillet 1944, les travaux étant inachevés au moment du Débarquement mais se poursuivant dans d’autres secteurs. La construction des ouvrages le composant a mobilisé une main-d’œuvre hétéroclite, constituée aussi bien de travailleurs volontaires ou requis, de prisonniers de guerre, mais aussi des personnels d’entreprises françaises du bâtiment. Elle a entraîné la mise en œuvre de moyens colossaux en termes de main-d’œuvre et de matériaux et a eu un fort impact sur les populations locales (réquisition de terres agricoles ou d’habitations, destruction de villas de bord de mer, réquisition des habitants et de charrois hippomobiles, etc.). La particularité de ces ouvrages réside dans leur forte standardisation, mais aussi dans la mise en œuvre d’innovations technologiques (radars, fusées V1, V2, béton).

Sur la façade Atlantique, les vestiges issus du conflit de la Seconde Guerre mondiale ont longtemps été vécus négativement et sont encore difficilement assimilés au patrimoine archéologique ou historique. La Normandie échappe toutefois partiellement à ce phénomène par le fait que le territoire est celui où s'est déroulé l'un des principaux épisodes à l'origine de la libération de l'Europe. Assez rapidement, les Normands ont œuvré à la commémoration du Débarquement.

À l'issue du conflit qui les avait grandement endommagés, les ouvrages militaires du Mur de l’Atlantique commençaient déjà à subir des destructions : récupération précoce des matériaux (ferraille, à l'origine de la création des épaves du Débarquement à Port-en-Bessin), réaffectation des ouvrages (résidences secondaires, boîte de nuit), destructions d'ouvrages posant des problèmes de sécurité... À la Libération, bon nombre d'ouvrages ont été déminés, puis rapidement enfouis, notamment pour une remise en culture.

Bitte d’amarrage sur le port de Barfleur portant les signatures de soldats américains
Dans le ciment frais, les soldats américains ont signé de leur nom. Pour assurer leur progression, les armées alliées ont mis en place à leur tour de nombreuses infrastructures : port artificiel, aérodromes, dépôt de carburant, camps de repos, routes, camps de prisonniers de guerre. Le port de Barfleur constitue un élément majeur de ce dispositif.

Initié par des chercheurs de la direction régionale des affaires culturelles de Normandie, du centre de recherche d’histoire quantitative de l'université de Caen, de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) ainsi que des Départements du Calvados et de la Manche, le programme collectif de recherche vise à inventorier de manière exhaustive les éléments conservés, disparus ou enfouis, formant des ensembles cohérents, sans se limiter aux seules élévations ; il permettra ainsi d’appréhender la place des différents éléments inventoriés dans le dispositif défensif et dans l’histoire du conflit. Pour cela, il s'appuie à la fois sur des études documentaires et des recherches de terrain, ainsi que sur une base de données couplée à un système d’information géographique (SIG).

Ayant pour objectif fondamental de rassembler la documentation existante dans un système d’Information géographique, ce projet répond à un besoin urgent de gestion de ce patrimoine rencontré quotidiennement par les acteurs du patrimoine et les archéologues de Normandie. Il s'articule étroitement avec la démarche partenariale portée par la Région Normandie visant à obtenir l'inscription des Plages du Débarquement au Patrimoine mondial.

Les traces de la guerre

À partir de juin 1941, une grande partie de l’Europe est occupée par les Allemands. Cependant, avec l’ouverture d'un second front à l'Est et devant la menace d’un débarquement anglo-saxon, Hitler envisage de

Ligne de défense secondaire à Tailleville
Le Mur de l'Atlantique ne se limite pas à des casemates massives en front de mer. Ici à Tailleville, les troupes allemandes ont aménagé un mur en pierres calcaire. Une large ouverture, renforcée avec du béton armé, permet à un canon de 50 mm d'ouvrir le feu sur la plaine s'étendant entre Tailleville et Saint-Aubin-sur-Mer. Il s'agit d'un exemple très parlant de ligne de défense secondaire.

construire une ligne de défense qu’il appellera Mur de l’Atlantique.

Conçu avant tout comme un outil de propagande, cet ensemble défensif « de façade » est édifié de mars 1942 à juin 1944, les travaux étant inachevés lors du Débarquement. La construction des ouvrages le composant a mobilisé une main d’œuvre hétéroclite, constituée aussi bien de prisonniers de guerre, de volontaires, de requis du service du travail obligatoire (STO) que d’entreprises françaises. Elle a entraîné la mise en œuvre de moyens colossaux en termes de main d’œuvre et de matériaux et a eu un fort impact sur les populations locales (réquisition des moyens importants, approvisionnements, contacts avec les travailleurs extérieurs, flux de prisonniers). La particularité de ces ouvrages réside dans leur forte standardisation, mais aussi dans la mise en pratique d’innovations technologiques (radars, fusées V1, V2, béton). 

La période qui correspond au Débarquement engendre le déplacement de populations, notamment celui des prisonniers et celui des réfugiés qui occupent certains lieux abrités. Pour assurer leur progression, les armées alliées mettent en place à leur tour de nombreuses infrastructures : port artificiel, aérodromes, dépôt de carburant, camps de repos, routes. Les Alliés se trouvent confrontés à la nécessité de prendre en charge les prisonniers de guerre.

Le travail de terrain

Carrières-refuge de Fleury-sur-Orne
Les combats de la Libération en Normandie provoquent l’exode des populations qui cherchent à fuir les bombardements aériens et les tirs d’artillerie. Certains trouveront refuge dans les carrières de la région caennaise.

Le travail se décompose en plusieurs tâches :

  • dépouillement bibliographique et archivistique, notamment des rapports de Pinczon du Sel, un officier de l’armée française en charge en 1947 de l’inventaire des ouvrages militaires côtiers, et inventaire des sources cartographiques,
  • missions de terrain (relevés topographiques, constat sur l'état de conservation des ouvrages, photographies...),
  • alimentation de la base de données,
  • géo-référencement des vestiges et ouvrages inventoriés et élaboration de la cartographie (SIG)