Le musée du Faouët est un musée de France installé dans l’ancien couvent des Ursulines. Il présente chaque année une exposition temporaire sur une thématique artistique bretonne ou sur l’œuvre d’un peintre, d’un photographe, d’un dessinateur qui est passé par cette commune, au cœur du pays du Roi Morvan, et y a trouvé l'inspiration.
Le musée a ainsi consacré des expositions à quelques grands noms de la peinture bretonne. Yvonne Jean-Haffen, Henri Rivière, Mathurin Méheut, Lucien Victor Delpy, les Seiz Breur, Henri Barnoin, Micheau-Vernez et Fernand Le Gout-Gérard font partie des artistes qui ont précédé Ernest Guérin sur les cimaises de la chapelle des Ursulines.
Un artiste au succès précoce
Né à Rennes, en 1887, Ernest Guérin décide d’intégrer dès 15 ans l’école des Beaux-Arts de sa ville. L’artiste y est initié à la pratique de la peinture par son directeur Jules Ronsin, peintre portraitiste. Ernest Guérin est également formé auprès de Jean Lafon, peintre paysagiste spécialisé dans les figurations de marines. Tout comme ses maîtres, il choisit sa région natale comme sujet de prédilection. À l’issue de son apprentissage à 20 ans, en 1907, l’artiste rejoint Paris. Il intègre l’atelier d’un décorateur et architecte parisien et est introduit par sa tante, qui réside dans la capitale, dans les cercles celtisants parisiens. Âgé seulement de 26 ans, Ernest Guérin, déjà reconnu comme un aquarelliste de talent, est sélectionné pour exposer au musée des Arts Décoratifs de Paris, pavillon de Marsan, au printemps 1913. Son exposition est encensée par la critique et l’ensemble des 53 œuvres composé d’aquarelles et d’enluminures est acquis par un même collectionneur, le docteur Guérault, président de la Fédération des Bretons de Paris. Ernest Guérin épouse la même année Renée Lebouc, sa cousine germaine, dont il aura 5 enfants. Durant la Grande Guerre, pendant la période 1915-1916, il sert au 70e Régiment d'Infanterie puis au 50e Régiment d'Artillerie où il est détaché du corps en qualité de calqueur à l'Atelier de Construction de Rennes. Réformé en juillet 1916 pour raisons de santé, il s’installe à Porspoder avec sa famille jusqu’en 1918. Il repasse par Rennes la même année pour travailler sur une commande de décoration de l’Hôtel Moderne installé quai Lamennais. C’est à Rennes que naît le 18 septembre 1918 Annaig. Le regard énigmatique de la Fille de Plougastel-Daoulas à l’élégant costume chamarré fait immanquablement penser à la cécité du troisième enfant du couple.
Fille de Plougastel Daoulas © DRAC Bretagne
La résidence dans laquelle il s’établit définitivement avec son épouse et ses trois premiers enfants fin 1918 à Quiberon est dénommée Ty Santez Anna (la demeure de Sainte-Anne) en hommage à la sainte, patronne de la région. Il rajoute une aile à la maison, en réorganise la distribution et la décore en concevant lui-même des vitraux et certains meubles. Il s’implique même dans les aménagements du jardin dont subsistent des dessins présentés dans l’exposition.
Ty Santez Anna © Musée du Faouët
Très rapidement, grâce au caractère de son œuvre qui peint les coutumes des paysans et pêcheurs, la rudesse de leur vie et leurs fêtes religieuses autant que le caractère sauvage des paysages bretons, sa réputation grandit et dépasse les frontières hexagonales. Il obtient d’importantes commandes, aussi bien en France qu’à l’étranger, essentiellement des classes sociales les plus aisées. Dès 1914, le gouvernement français lui commande une œuvre pour la visite officielle du roi d’Angleterre Georges V. Cette notoriété précoce l’amène à présenter son travail partout en France, mais son amour pour sa région natale le pousse à quitter la capitale. Il installe une galerie à Quiberon en 1925 puis à Dinard de 1926 à 1933. Il démultiplie la production d’œuvres telles que ses chaumières bretonnes dont le succès ne se dément pas. Son succès touche alors un vaste public. En 1941, des soldats allemands font d’ailleurs l’acquisition de l’une de ses aquarelles en guise de cadeau de mariage de l’un des leurs.
Cette notoriété s’estompe après-guerre. Ernest Guérin s’éteint le 10 mai 1952 à Quiberon.
L’imagier breton
Dès sa formation à l’école des Beaux-Arts de Rennes, Ernest Guérin se distingue par sa maitrise du dessin, de la gouache, de l’aquarelle et de l’huile, technique qu’il utilisera plus rarement dans son œuvre. Il suit également un atelier d’architecture auprès d’Emmanuel Le Ray.
Aquarelliste, enlumineur, miniaturiste, Ernest Guérin pratique l’art de l’enluminure avec minutie et des qualités décoratives d’une grande finesse, pour lesquelles il s’était déjà démarqué aux Beaux-Arts de Rennes en obtenant une médaille d’excellence.
Le sens du détail dans ses enluminures et ses miniatures se retrouve également dans ses aquarelles où des personnages lilliputiens arpentent des chemins semés de petits cailloux, des landes arides ou des dunes dénudées. Avec le temps, ses œuvres évoluent vers l’épure. Les petits cailloux disparaissent, les arrière-plans se simplifient et les motifs de l’aquarelle sont parfois cernés ou structurés d’un trait appuyé à la mine de plomb. L’artiste arrête les miniatures vers 1943 car sa vue baisse. À partir de cette époque, sa manière change : sa lumière se tamise dans le gris des jours brumeux et ses paysages deviennent plus vaporeux. Il n’en conserve pas moins la maitrise technique qui exploite autant la réserve du papier que la fluidité de l’aquarelle pour figurer avec virtuosité nuages, vagues et mers aériennes, légères et vives.
Ernest Guérin est perméable aux influences asiatiques et en particulier à celle des artistes japonais qu’il connait aussi bien que les primitifs flamands et italiens. Certaines de ses œuvres évoquent le pré-impressionnisme de William Turner là où d’autres distinguent l’influence du préraphaélisme. S’il reste hors des courants qui traversent la peinture du début du XXe siècle, Ernest Guérin n’en constitue pas moins une œuvre originale reconnaissable entre toutes.
formats : de la miniature aquarellée de quelques centimètres carré au triptyque dont il s’approprie le format à partir de 1921, Ernest Guérin est l’auteur d’un ensemble important d’œuvres sur la Bretagne. Il réalise également quelques grands formats pour des décors hôteliers. Le plus emblématique reste le décor réalisé pour l’Hôtel Moderne de Rennes, qu’il peint à l’huile et achève en 1918. Composé de sept toiles dans trois ensembles distincts, la plus grande mesure 2,34 x 6,32 mètres et a pu être achetée par le musée des Beaux-Arts de Rennes en 2001.
Et cadres
L’ornementation de l’encadrement souligne son importance dans l’œuvre du peintre. Les cadres dits «à tabernacle», tantôt en plein cintre, tantôt en arc brisé, de forme néogothique, sont naturellement inspirés des primitifs italiens ou flamands. Ernest Guérin puise dans le Moyen Âge, non seulement les techniques picturales, mais aussi la démarche artisanale en créant le motif de certains de ses cadres. Pour les œuvres de taille extrêmement réduite, certains cadres sont autoportants et confèrent à ses œuvres un caractère aussi proche de l’objet de dévotion que de l’objet d’art.
Figures féminines d’inspiration médiévale dans leur cadre d’origine © DRAC Bretagne
La Bretagne des pêcheurs, des pardons et des légendes
Concentré sur une thématique régionale, Ernest Guérin réalise de nombreuses aquarelles ayant pour thème les chaumières bretonnes, la mer, les églises et les pardons dans une technique extrêmement maitrisée. Son œuvre, issue de l’observation des éléments et des scènes de la vie quotidienne, s’étend à une Bretagne rêvée, mythique et légendaire.
Détail d’une affiche réalisée par Ernest Guérin pour sa galerie de Quiberon © DRAC Bretagne
La mer et les pêcheurs
Depuis ses résidences de Porspoder et plus encore de Quiberon, Ernest Guérin a tout loisir d’observer la nature et la vie maritime durant de longues promenades contemplatives. La mer, les vagues et les rochers côtiers sont des sujets à part entière fréquemment représentés. La vie et l’activité maritime le sont tout autant. Le départ des pêcheurs ou leur retour, le ramendage des filets bleus, c’est-à-dire la remise en état des filets de pêche, l’activité des goémoniers, la représentation de bateaux de différents types (sardiniers, bisquines de Cancale, barques et chaloupes) sont le thème principal de nombreuses aquarelles ou animent les arrière-fonds de certains paysages.
Sardiniers de Douarnenez © DRAC Bretagne
Les pardons
La représentation de ces formes de pèlerinage typiques de la Bretagne est un autre thème récurrent dans l’œuvre d’Ernest Guérin. Organisés à dates fixes, dans un lieu déterminé, ils sont dédiés à un saint précis. Ils comportent une messe et une procession en extérieur portant reliques et bannières vers un lieu sacré suivant un parcours empruntant parfois la voie maritime. Ils sont fréquemment associés à des animations laïques comme des foires, kermesses ou concours sportifs. C’est sur le moment de la procession, de départ ou de retour de pardon, que se concentre l’artiste.
Vers 1911, alors qu’il est installé à Paris, Ernest Guérin fréquente Penmarc’h et son port Saint-Guénolé, Saint-Jean-Trolimon, Pont-l’Abbé. Il s’autorise quelques excursions à Concarneau, Douarnenez, Plonévez Porzay, Châteaulin, Audierne et Plougastel.
C’est dès cette époque qu’il entreprend un inventaire des pardons de Basse-Bretagne. Il représente ceux de Sainte-Anne-la-Palud, de Châteaulin, du Faouët, de Saint-Jean-Trolimon, de Tronoën, de Saint-Trémeur au Guilvinec et de nombreux autres. Il resserre par la suite son regard sur les pardons bigoudens, notamment celui de Notre-Dame de la Joie à Saint-Guénolé qu’il a maintes fois représenté. Le format du tryptique, composé de trois parties et inspiré des retables médiévaux, fréquemment adopté pour représenter des pardons, lui permet d’étendre le déroulement des processions, de figurer des scènes annexes ou d’élargir ses paysages en consacrant l’un des panneaux à une ouverture maritime.
Le pardon de Tronoën © DRAC Bretagne
La Bretagne des saints, de la chevalerie et des légendes
Ernest Guérin est un bon observateur de la vie bretonne mais c'est peut être surtout un rêveur. Même ses paysages ou ses scènes de la vie quotidienne locale révèlent un univers qui semble peu impacté par les mutations faisant suite au premier conflit mondial. En ce début du XXe siècle, alors que les grandes révolutions artistiques s’enflamment, Ernest Guérin nous invite aussi à visiter une Bretagne imaginée, hors du temps, inspirée d’un Moyen Age onirique où les légendes des saints bretons et les hauts faits de l’histoire ducale se mêlent au cycle arthurien. Dès son plus jeune âge, il s’inspire des thèmes qui ancrent une partie du mythe du Roi Arthur, dont il devient un grand connaisseur, en forêt de Brocéliande non loin de Rennes. Le poète Théodore Botrel (1868-1925) qui compte, comme Anatole Le Braz (1859-1926), parmi ses amis, ainsi que Théodore Hersart de La Villemarqué (1815-1895) et son Barzaz Breizh, inspirent également certaines de ses œuvres.
Ce sont les neuf saincts de Bretagne,
avril 1917, enluminure, aquarelle et gouache sur vélin © DRAC Bretagne
Oublié du grand public, mais pas de certains amateurs de culture bretonne après la Seconde Guerre mondiale, Ernest Guérin est remis en lumière en 2001-2002 par les expositions croisées du musée départemental breton de Quimper et du musée des Beaux-Arts de Rennes. Une centaine de ses œuvres est présentée pendant l'été 2006 à Saint-Briac-sur-Mer à l'occasion du 11e Festival d'art. L’exposition du musée du Faouët complète la connaissance du parcours de l'artiste et son œuvre consacrée à une Bretagne hors du temps.
En pratique
- Le musée du Faouët est ouvert tous les jours du mois d'août de 10h à 18h30, du mardi au samedi 10h-12h / 14h-18h en septembre-octobre et le dimanche de 14h à 18h au mois de septembre ainsi que le dimanche 6 octobre (le dernier jour d'ouverture).
- N’hésitez pas à demander une loupe proposée à l’accueil du musée pour apprécier pleinement certaines des œuvres
- Pour les journées européennes du patrimoine le musée programme une démonstration sur la découverte des pigments et l’usage de la couleur à l’époque d’Ernest Guérin, une conférence et des visites flash
Le dossier de presse de l'exposition
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