À eux trois, ils illustrent toute la richesse et la diversité du patrimoine vivant français : tout d’abord les gestes verriers qui permettent de fabriquer une grande variété d’objets en façonnant la matière à chaud grâce au soufflage, puis en la taillant ou la décorant à froid. Ensuite la culture foraine, issue d’une longue tradition remontant aux foires médiévales, qui anime les villes et villages avec ses attractions. Enfin les savoir-faire des couvreurs-zingueurs parisiens et des ornemanistes qui entretiennent et restaurent les toits des immeubles parisiens du 19e siècle. « Ces trois métiers et communautés humaines, par-delà leurs différences, peuplent notre quotidien d'émotions, sont présents pour beaucoup dans nos souvenirs et nourrissent certains rêves », résume la ministre de la Culture Rachida Dati.
Ces trois pratiques culturelles – et sociales – ont été récemment inscrites sur la Liste représentative du Patrimoine culturel immatériel (PCI) de l’humanité de l’Unesco. « Ce patrimoine mérite autant de considération que le matériel et nous lui devons évidemment une mission de sauvegarde. Je souhaite évidemment l'intégrer concrètement à la politique patrimoniale du ministère de la Culture », estime Rachida Dati. Elles figurent désormais aux côtés de 27 autres traditions « intangibles », parfois séculaires et transmises de génération en génération au sein d’une communauté. Cet ensemble, qui illustre la richesse du patrimoine vivant et le respect de la diversité culturelle, a été distingué lundi 17 mars au ministère de la Culture avec la remise des certificats d’inscription au patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
Les multiples facettes des gestes verriers
Inscrits en 2023 sur cette Liste (une inscription partagée avec la Tchéquie, la Finlande, l’Allemagne, la Hongrie et l’Espagne), les connaissances, techniques et savoir-faire du verre artisanal rassemblent les pratiques artisanales et traditionnelles de production de verre et de cristal. Ce savoir-faire d’exception se caractérise par un haut niveau de technicité qui ne mobilise pas moins de 24 métiers d’art. « En France, toutes les régions sont marquées par une tradition et une production verrière, que ce soit chez des artisans d'art, dans des ateliers, des manufactures mais aussi dans des centres culturels ou également des écoles », souligne Jérôme de Lavergnolle, président de la cristallerie Saint-Louis et de la fédération du cristal et du verre.
Aujourd’hui, ces gestes sont pratiqués par près de 5 000 personnes qui transmettent ce savoir-faire, parfois de génération en génération. « Ce qui nous unit en communauté c'est la résilience qu'il faut pour apprendre ces gestes pendant des années et pour les perfectionner pendant toute une vie, reprend Eve George, souffleuse de verre. Nous sommes généralement reconnus pour le résultat de notre travail ; aujourd'hui je suis fière que nous soyons reconnus pour le chemin que nous parcourons avant même de faire vivre des objets. »
Une culture foraine ancrée dans la vie des villes
Chaque année, la communauté foraine se déplace de ville en ville pour y installer ses attractions dans l’espace public, où elle s’installe pour une certaine durée – d’une journée à plusieurs semaines. « La fête foraine c'est d'abord la barbe à papa, la pomme d'amour, la joie de vivre. Qui n'a pas monté sur un manège de fête foraine au moins une fois dans sa vie ? », rappelle Éric Cicéron, forain et président de Union Défense Active Foraine (UDAF).
Cette tradition date des foires médiévales et a su traverser les siècles puisque ce mode de vie est encore très présent aujourd’hui dans toute l’Europe, spécialement en France et en Belgique. Ce sont d’ailleurs ces deux pays qui ont porté la demande d’inscription sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco, acceptée l’an dernier. « Ce sont des lieux de rencontre exceptionnels où l'on peut partager des moments inoubliables, ajoute Éric Cicéron. C'est un lieu de rencontre, où tout le monde peut gratuitement venir partager des moments forts en famille. » Cette inscription a été soutenue en France par la communauté foraine et le Musée des arts forains (Paris). Une manière de reconnaître la place et le rôle des forains dans la société et à la préservation de cette culture.
Couvreurs-zingueurs, ornemanistes : ils préservent les toits de Paris
Leur art s’est exercé sur les toits de Notre-Dame, mais pas uniquement. Aujourd’hui, près de 80 % des toits de Paris sont recouverts de zinc, ce qui fait de la ville un véritable conservatoire de ces savoir-faire des couvreurs-zingueurs parisiens et des ornemanistes, qui englobe les connaissances et les compétences nécessaires à la restauration des toitures des immeubles haussmanniens construits à Paris au cours du 19e siècle. Ces toits façonnent à leur manière, l’identité du paysage urbain parisien. « Grâce aux couvreurs qui œuvrent tous les jours dans des conditions difficiles, Paris reste Paris : la ville décrite par les poètes, les cinéastes, les écrivains », note Édouard Bastien, président du GCCP, le syndicat des entreprises de génie climatique et couverture plomberie.
La réfection des toits de Paris dans les règles de l’art implique d’un côté le travail des couvreurs zingueurs qui changent les pièces de zinc et de l’autre les ornemanistes qui travaillent le zinc dans leurs ateliers pour fabriquer des fenêtres, reproduire ou créer des ornements qui rehaussent la beauté de la toiture. « Ces métiers ne sont pas suffisamment reconnus et méritent qu'on en parle beaucoup, rappelle Chloé Iché, couvreuse-zingueuse. Le fait d'être reconnus par l'Unesco est quelque chose de très important pour faire vivre ces professions et pour faire en sorte qu'elles restent encore pendant très longtemps transmissibles. » La pratique a été inscrite en 2024 sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
Un soutien supplémentaire aux arts et traditions populaires
Si certaines pratiques sont inscrites à l’Unesco, un grand nombre sont sur l'inventaire national du Patrimoine culturel immatériel en France mais pas suffisamment mis en lumière. Ainsi, le Plan culture et ruralité annoncé par la ministre de la Culture en juillet dernier, comprend un volet consacré au PCI, destiné à rendre visible au niveau national et local le patrimoine culturel immatériel français. En novembre dernier, une cérémonie nationale avait été organisée pour les pratiques inscrites en 2023 et 2024 à l’Inventaire national du patrimoine culturel immatériel. L’année 2025 verra la création d'un agenda national des activités et événements liés au patrimoine vivant afin de leur donner une visibilité.
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