« Comment êtes-vous devenue chanteuse d’opéra ? », demande une jeune fille à Pauline Texier, chanteuse lyrique, ce vendredi 8 août lors d’un concert-atelier des Arènes Lyriques des enfants. C’est dans le cadre exceptionnel des arènes de Montmartre (Paris 18e), entre piano, harpe, clarinette, ou encore violon et violoncelle qui accompagnent les voix de la conteuse Garance Paule et de Pauline Texier, que se déroule ce quatrième rendez-vous musical. Près de 150 enfants, âgés de 6 à 11 ans, sont présents en cette fin d’après-midi pour écouter, poser des questions aux artistes et découvrir pendant une heure un univers qu’ils imaginent souvent inaccessible.
Le projet est ouvert aux enfants pour qu'ils s'amusent, mais aussi aux familles, ainsi que l’explique Marion Bouderbala, responsable des Arènes Lyriques des enfants : « On a imaginé une programmation visant à faire découvrir, de façon ludique et joyeuse, la musique classique et le chant lyrique à des enfants qui, a priori, en sont éloignés, et qui ne partent pas en vacances. Initialement, le projet ne s’adressait qu’aux enfants de 6-11 ans des centres de loisirs et des hôpitaux pédiatriques. Et finalement, au fil de son élaboration, on a également choisi de l’ouvrir aux familles vivant en quartier prioritaire de la politique de la ville. »
« Casser l’image inaccessible de la musique et du chant lyrique »
Le concert-atelier débute par une voix qui s’élève, celle de la conteuse Garance Paule accompagnée par quatre musiciens, racontant l’histoire du Roi qui n’aimait pas la musique, écrit par Mathieu Laine et mis en musique par le pianiste Karol Beffa. Un moment fort selon Marion Bouderbala qui souligne le message transmis par ce conte : « cette histoire montre à quel point la musique peut avoir un rôle dans la société, et être source de joie, d’union, de concorde ».
Les cinq concerts sont organisés en trois temps, autour d’une programmation privilégiant l’échange et la médiation, à l’image de la deuxième intervention, celle de la chanteuse lyrique Pauline Texier : « J’ai une mission pour vous. Si vous pouvez m’écouter attentivement et me dire, quand j’aurai fini de chanter, si le personnage que j’interprète est plutôt content, triste ou joyeux. » Une manière d’introduire le temps d’interaction et d’initier les enfants à la concentration et à l’écoute active d’un opéra.
Puis Pauline Texier interprète l’air de la Reine de la nuit, personnage de La Flûte enchantée de Mozart. Silence stupéfait du jeune public pendant les premières secondes, suivi rapidement de rires surpris ou encore de yeux admiratifs. Certains chantent lorsqu’ils reconnaissent l’air. Un moment apprécié par la chanteuse, comme elle le confie : « lorsque les enfants rigolent, c'est très bon signe, parce que cela signifie qu’ils ont été interpellés. Parfois ils se demandent d’où vient cette voix qu’ils peuvent trouver bizarre. Je trouve cela assez fantastique ».
Après les questions sur le personnage interprété, vient un temps d’échauffement collectif pendant lequel les enfants s’initient aux vocalises. « Je vais essayer de vous montrer comment, en tant que chanteuse, je chauffe et je travaille ma voix. Ça vous intéresse d’essayer pour rigoler ? ,lance la chanteuse aux enfants, dans une ambiance quelque peu survoltée.
Enfin, dernier moment d’interaction, la création d’un conte musical avec Garance Paule et les musiciens, en partant de celui raconté en début de concert. Beaucoup de mains se lèvent, les réponses des enfants fusent. Des réactions espérées selon la responsable de l’événement : « on essaie de faire en sorte que ce soit le plus vivant possible et que les enfants se sentent suffisamment à l'aise pour pouvoir intervenir autant qu'ils le souhaitent. »
Ces interventions entendent briser les barrières qui peuvent freiner l’accès à la musique lyrique : « cela fonctionne très bien d’alterner les moments d’attention puis d’interaction. L'idée est de casser cette image de la musique classique qui serait seulement accessible aux personnes les plus favorisées, en allant chercher les enfants et leur montrer qu’on peut les émerveiller soit par des airs de musique classique, soit par la voix d'une chanteuse lyrique. », poursuit-elle.
« Un public certes inhabituel, mais très touchant »
« Evidemment, c'est un public qui est un petit peu plus bruyant que le public habituel des salles de concert », sourit Marion Bouderbala. Un paramètre qui n’est cependant pas perçu comme une difficulté. Rires, étonnements, ou autres réactions bruyantes, il faut souvent réclamer le silence durant cette heure de concert-atelier, loin de laisser les enfants indifférents. « Les animateurs des centres de loisirs craignaient que les enfants soient un peu turbulents. Mais, par exemple, pendant le conte improvisé final, on constate à chaque fois à quel point ils ont tout à fait suivi l'histoire du premier conte », précise-t-elle. Un avis partagé par Pauline Texier, habituée au travail de médiation et aux réactions des enfants. « C'est un public qui est très frais, avec des réactions spontanées, à l'opposé de ce qu'on a l'habitude d'avoir dans les publics de musique classique. C'est très rafraîchissant et c'est, surtout, très touchant », confie-t-elle.
Un public dont les réactions positives suscitent chez Les Arènes lyriques des enfants l’envie d’aller encore plus loin dans la médiation et l’ouverture. « Nous avons des retours très positifs. Ce qui est sûr, c'est qu'on a vraiment envie de continuer l'année prochaine parce que cette première édition fonctionne très bien. »
D’autres projets sont en préparation, dont celui de créer un conte musical écrit et composé par les Arènes lyriques. Ce souhait d’inscrire les Arènes lyriques des enfants dans le temps est encouragé par les applaudissements enjoués et appuyés des enfants à la fin de chaque intervention ainsi que par leurs questions : « On peut essayer les instruments de musique qui sont sur scène ? », s’interroge un jeune garçon. « Le but, c'est justement de montrer à ces enfants que la musique classique peut faire partie de leur univers et que, dans plusieurs années, ils ne la perçoivent pas comme un monde hermétique ou étranger, parce qu’ils y auront ainsi déjà été exposés », ajoute Marion Bouderbala. Un défi qui promet d’être relevé après cette première édition des Arènes lyriques des enfants !
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