La panthéonisation de Robert Badinter, le 9 octobre prochain, est un événement hors norme à plusieurs titres. Par sa portée symbolique, d’abord : son entrée au Panthéon a lieu quarante-quatre ans jour pour jour après la promulgation de la loi d’abolition de peine de mort. Par l’hommage exceptionnel qui lui sera rendu, d’autre part. L’événement, d’ampleur nationale, mobilise plusieurs institutions sur tout le territoire : conférences, expositions, colloques ou encore projets pédagogiques vont faire vivre l’héritage immense de Robert Badinter.
Un hommage « à son action résolue, envers et contre toutes les haines »
C’est un événement exceptionnel que va organiser le Panthéon, l’un des sites gérés par le Centre des monuments nationaux (CMN), en lien étroit avec l’Élysée, différents ministères et autorités de l’État, ainsi que la famille de Robert Badinter. Un événement de portée nationale, dont l’administratrice du Panthéon, Barbara Wolffer, souligne l’importance : « Depuis l’annonce de la date de la cérémonie, explique-t-elle, les équipes du CMN et du Panthéon préparent l’ensemble des actes et opérations autour de la panthéonisation : cadre juridique, aménagements de la crypte, entretien des décors, cérémonie, mais aussi médiation, exposition et programmation pour les publics, qui seront proposées dès la réouverture du monument. La préparation de la cérémonie proprement dite s’effectue avec l’indispensable concours d’une agence, sélectionnée dans le cadre d’un appel d’offres, pour concevoir et organiser l’événement. »
Une organisation d’envergure pour rendre hommage à l’ensemble du parcours de Robert Badinter, « à son action résolue, envers et contre tous les obstacles et toutes les haines, qui est au cœur de la reconnaissance au Panthéon », ajoute l’administratrice du Panthéon. Un enjeu qui est aussi celui, essentiel, de la transmission de la mémoire, les engagements de Robert Badinter trouvant leur « source dans son adolescence déchirée, marquée par la guerre et la barbarie nazie, avec la déportation de son père, de son oncle, de sa grand-mère. »
Enfin, avec Robert Badinter, c’est aussi une vision du droit et de la justice en faveur de la dignité humaine qui entre au Panthéon. Pour Barbara Wolffer, « la reconnaissance nationale, c’est celle de son action de réformateur des institutions judiciaires et pénitentiaires, de protecteur de l’état de droit, des principes de liberté et d’égalité. »
Une programmation d'une forte portée symbolique
Répondant au rituel républicain, l’événement débutera, selon Barbara Wolffer, par un cheminement allant de l’extérieur vers l’intérieur, permettant de matérialiser l’entrée au Panthéon. Si « chaque cérémonie a son identité propre », précise l’administratrice, « elle s’organise autour de plusieurs grands temps forts : la remontée de la rue Soufflot – qui peut être totale ou partielle, un temps fort sur le parvis, au seuil du franchissement du monument, puis l'entrée par les « Grands Bronzes », c’est-à-dire les portes centrales du monument, qui ne s'ouvrent, sauf exception, que pour cette occasion. » C’est lors de ce moment fort que « l’entrée au Panthéon prend alors tout son sens ».
La portée symbolique de l’entrée au Panthéon de Robert Badinter est aussi révélée par le discours du Président de la République, qui « constitue un autre temps fort du rituel, puisqu’il est l’occasion de préciser les grands enjeux du choix de la personnalité concernée, d’inscrire l’acte mémoriel dans l’actualité nationale et de rassembler le pays autour des valeurs défendues par le grand homme », explique Barbara Wolffer. Robert Badinter, dont l’entrée se fera sans le transfert de ses cendres, reposera symboliquement au Panthéon, « à travers des œuvres et des objets représentatifs de son action mais aussi de ses sources d’inspiration ». A l’issue de la cérémonie, le cénotaphe sera veillé toute la nuit par des gardes républicains avant de rejoindre la crypte et son caveau.
Enfin, afin de rendre hommage à la grande figure intellectuelle et culturelle que représentait aussi Robert Badinter, des moments artistiques viendront ponctuer la cérémonie, comme le précise Barbara Wolffer : « des moments d’émotion inspirés par le style et les engagements de Robert Badinter, qui aimait particulièrement les lettres et la musique. »
Un hommage national, porté par plusieurs institutions
Expositions, conférences, documentaires, livres, podcast... Pour accompagner cette panthéonisation et comprendre ses enjeux, de multiples hommages sont organisés par plusieurs institutions, dont le Centre des Monuments nationaux et l’INA (Institut national de l’Audiovisuel).
Le Panthéon rouvrira ainsi ses portes au public dès le 11 octobre. Les visiteurs pourront rendre hommage au grand homme mais aussi (re)découvrir son parcours exceptionnel, à travers une exposition immersive organisée par le Centre des Monuments Nationaux, Robert Badinter, La justice au cœur, dont le commissariat a été confié à Eric Fottorino, écrivain et journaliste. Présentée jusqu’au 8 mars 2026, des visites commentées thématiques seront proposées, y compris pour des publics scolaires. Les 11 et 12 octobre 2025, l’exposition sera ouverte gratuitement au public.
Conçue comme un parcours immersif, « Robert Badinter. La justice au cœur » invite le visiteur à découvrir les procès qui ont façonné son engagement, ses écrits, ainsi que des archives audiovisuelles. Trois volets structurent la visite, autour des personnalités qui ont accompagné et nourri la pensée de Robert Badinter : Émile Zola, Victor Hugo et Condorcet, trois grands hommes présents au Panthéon.
Livre, podcast, archives inédites et documentaire, l’INA propose un dispositif spécial autour de Robert Badinter. Issu des entretiens patrimoniaux que Robert Badinter a confiés à l’INA en 2006 et en 2023, l’ouvrage Vivre (INA/Flammarion), en librairie depuis le 1er octobre, permet de découvrir la parole de l’ancien Garde des Sceaux. Selon Agnès Chauveau, Présidente- directrice générale par intérim de l’INA, « ces entretiens sont précieux. Les jeunes générations doivent comprendre pourquoi cette panthéonisation est un moment républicain absolument essentiel de notre histoire, en éclairant le présent avec le passé.» Autour de ce livre, un podcast inédit, « La vie est plus forte que la mort », dans la collection Mémoires de la Shoah, réalisé en 4 épisodes de 20 minutes et porté par une mise en récit incarnée par la philosophe Léa Veinstein.
Sur le site consacré à ses grands entretiens patrimoniaux, l’entretien de 2006 ainsi que celui de 2023, réalisé trois mois avant sa mort, seront également mis en ligne. « Deux récits qui ont été faits à 20 ans d'écart et qui se répondent. Le premier entretien, qui concerne l’enfant confronté à l’injustice – la déportation et l’assassinat de son père dans un camp de concentration - et dans le deuxième, l’homme d’État qui fait abolir la peine de mort.», souligne Agnès Chauveau. « C'est un entretien différent, puisqu’il évoque tout son parcours, toute sa vie. C’est un récit qui part de l’intime. Et puis, il avait conscience que c'était probablement son dernier témoignage. »
Enfin, un documentaire, coproduit avec France 2 pour 13h15 le dimanche, diffusé le 5 octobre, est disponible en replay sur France.TV.
Ce dispositif, présent dans différents formats, permet ainsi de toucher un large public, dont les jeunes, cible prioritaire, afin de transmettre au mieux la voix de Robert Badinter. L’enjeu est ici de « transmettre toute une vie consacrée à la justice, à la liberté, à la dignité, avec des valeurs universelles que l'INA va tenter de faire résonner dans ce contexte précis qui est celui de la panthéonisation et d’éclairer cet événement. » ajoute Agnès Chauveau.
Tour d’horizon des manifestations organisées en hommage à Robert Badinter
De Marseille à l’Ile-de-France en passant par la Bretagne, des manifestations en hommage à Robert Badinter et son entrée au Panthéon ont lieu sur tout le territoire.
• En Ile-de-France
En amont de la cérémonie au Panthéon, une veillée sera proposée le 8 octobre en soirée et le 9 octobre en journée, pour permettre au grand public de rendre hommage à Robert Badinter. Elle se tiendra au Conseil constitutionnel, dont Robert Badinter fut le président de 1986 à 1995.
Par ailleurs, le Centre des Monuments nationaux coordonne un parcours croisé à destination des scolaires à partir de novembre 2025, avec une première visite "Justice et droits de l'Homme" à la Conciergerie Sainte-Chapelle, puis "Justice et abolition de la peine de mort" du Panthéon, seconde visite qui présente les grandes figures qui ont dénoncé la peine capitale en France.
Les Archives nationales présentent un dossier documentaire mettant en lumière le parcours et la vie de Robert Badinter à travers ses archives. Une large partie de ce dossier évoque également sa relation spécifique aux archives.
Le ministère de la Justice accueille du 6 octobre au 14 novembre 2025 une exposition retraçant les combats de Robert Badinter, garde des Sceaux, ministre de la Justice du 23 juin 1981 au 18 février 1986.
Documentaires, lectures, spectacle autour de sa passion du théâtre, du 5 au 19 octobre, le Mémorial de la Shoah propose un cycle autour de l'entrée au Panthéon de Robert Badinter.
Au Théâtre de la Concorde, la conférence « Ensemble Contre la Peine de Mort, 25 ans de combat » est organisée par l’association Ensemble Contre la Peine de Mort, qui milite pour que cette abolition devienne universelle, en se faisant l’écho de la grande figure de l’abolition que représente Robert Badinter, son parrain. Lectures de ses écrits, musique, soirée d’échanges, l’événement se déroulera le 3 octobre à 19h.
Le 20e numéro de « Légende le mag » , réalisé en partenariat avec le CMN, est dédié à Robert Badinter et met à l’honneur son combat pour l’abolition de la peine de mort.
• En Bretagne
La médiathèque Robert Badinter de Clohars-Carnoët organise le 10 octobre à 18h une conférence intitulé « Robert Badinter au Panthéon ». Le public pour découvrir ou redécouvrir le parcours de vie de celui qui a donné son nom à la médiathèque pour avoir marqué la vie juridique et sociale française.
La Grand’Chambre du Parlement de Bretagne donne le 15 octobre à 18h15 une conférence intitulée "Robert Badinter a rendu à la Justice sa dignité démocratique", autour de sa passion pour l’histoire de la justice, ses réformes et sa perception du rôle du Conseil constitutionnel. La conférence est organisée par Denis Salas, magistrat et président de l’association française pour l’histoire de la justice, fondée par Robert Badinter.
Au Parlement de Bretagne, au sein de la salle des Pas perdus, se tiendra par ailleurs du 8 au 16 octobre une exposition sur « l’Histoire de l’abolition de la peine de mort en France », une plongée dans le combat décisif mené par Robert Badinter et les grandes voix de la justice universelle.
• En Normandie
Le Tribunal judiciaire du Havre accueille jusqu’au 10 octobre prochain l’exposition « Abolir la peine de mort : un combat d'hier et d'aujourd'hui ». Proposée par LE HAVRE Contre la peine de mort, en partenariat avec la section havraise de la Ligue des Droits de l’Homme, cet événement éclaire sur les enjeux du combat pour l’abolition universelle de la peine de mort.
• En Provence-Alpes Côte d’Azur
Le Mucem à Marseille organise le 13 octobre à 19h la conférence « Hommage à Robert Badinter », avec Eric Fottorino, journaliste et écrivain et Thomas Snégaroff, journaliste et historien, en collaboration avec l’INA Méditerranée.
Par ailleurs, dès le 9 octobre, la guillotine rejoint les objets de l’exposition « Populaire ? Les trésors des collections » du Mucem.
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