En 2018, la France comptait 289 000 associations culturelles, soit 23% de l’ensemble des associations. Cette seule donnée, issue de l’étude « Les associations culturelles » menée par le département des études, de la prospective, des statistiques et de la documentation (DEPS) à partir des résultats de l’enquête réalisée par l’INSEE sur les associations actives en France en 2018, suffirait à témoigner de la formidable vitalité du monde associatif dans le secteur culturel.
Mais l’étude sur « Les associations culturelles », qui éclaire le statut d’un nouveau jour, permet surtout de mieux connaître le secteur. Présentant une véritable carte d’identité des associations culturelles, elle dresse un état des lieux exhaustif du secteur, mettant en évidence la place prépondérante des associations œuvrant dans le domaine du spectacle vivant, et fournit des indications sur leur lieu d’implantation. Entretien avec son auteur, John Baude, chargé d’études au DEPS au ministère de la Culture.
Avant d’entrer dans le détail de l’étude, une donnée frappe d’emblée : dans notre pays, près d’une association sur quatre est une association culturelle. Comment expliquer un tel résultat ?
En France, l’initiative citoyenne, qui résulte de la loi de 1901 sur les associations, séduit toujours autant les Français. Elle connaît, de fait, une vitalité significative. Pour le monde culturel, cette vitalité se confirme. Le poids des associations culturelles est en effet élevé, et même très élevé si l’on considère que le secteur culturel représente 2% du PIB.
Pouvez-vous citer quelques associations culturelles emblématiques ?
On trouve d’un côté des institutions qui pour certaines sont connues dans le monde entier, de l’autre des petites associations locales. D’où, sans doute, la difficulté à appréhender l’ensemble de ce tissu associatif culturel. Dans le domaine du spectacle vivant, on peut citer l’Opéra de Lyon, l’Orchestre symphonique de Bretagne, le Festival d’Avignon, le Théâtre et l’auditorium de Poitiers, ou encore le Ballet national de Marseille ; pour les arts visuels, le Fonds régional d’art contemporain des Pays de la Loire ; pour le patrimoine, le Musée d’art et d’histoire du judaïsme ; pour le livre et la lecture, le Centre régional livre et lecture en Picardie ; pour le cinéma, le Groupement national des cinémas de recherche, et naturellement l’Association française du festival international du film... autrement dit, le festival de Cannes. A côté de ces grands opérateurs ou de ces grandes manifestations culturelles, on peut très bien avoir une petite chorale dans une commune de 500 habitants. C’est donc très varié.
Autre donnée importante, la part prédominante d’associations dans le domaine du spectacle vivant. Elles représentent en effet 44% des associations culturelles, en particulier dans la musique, puisque près d’un quart de ces associations sont liées à ce secteur. Comment expliquez-vous cette proportion ?
C’est en effet une donnée importante. Comparativement, l’enseignement artistique, le patrimoine, les arts visuels, les médias et les industries culturelles représentent respectivement entre 8 à 10 % des associations culturelles. Comment expliquer ce poids prépondérant des associations œuvrant dans le domaine du spectacle vivant ? Si l’enquête de l’INSEE, à partir de laquelle cette étude a été réalisée, est riche, elle fixe cependant un cadre qui ne permet pas de répondre à cette question. Certains travaux ont cependant formulé des hypothèses. Le spectacle vivant se singularise au regard de certains indicateurs et variables. Il a, par exemple, moins de bénévoles que d’autres. Partant de là, il est possible que certaines associations de ce secteur utilisent ce cadre juridique pour sa souplesse. Le statut associatif peut en effet être un atout pour demander des subventions. Pour autant, ces associations vendent des spectacles. Ce qui n’est pas sans poser des questions au regard d’un cadre associatif à but non lucratif.
Une ligne de partage entre grandes et petites villes semble par ailleurs structurer le champ des associations culturelles.
Les associations culturelles sont en effet proportionnellement davantage présentes dans les grandes villes et un peu moins dans les petites villes et les villages. Est-ce à dire que la cartographie des associations épouserait celle des institutions ? Il est possible que les institutions implantées sur le territoire des grandes villes drainent et polarisent les associations autour d’elles. Quid en revanche des petites villes ? Un prolongement de cette étude devrait nous permettre de recueillir des éléments de réponse. L’enjeu serait de travailler sur les dimensions territoriales du monde associatif dans la culture et en particulier d’aborder la question des associations culturelles en milieu rural. Une chose est certaine : les associations jouent un rôle majeur dans la vie culturelle des territoires.
On retrouve cette ligne de partage sur la question du bénévolat. En quoi cela influe-t-il sur la politique culturelle ?
Le bénévolat est en effet plus concentré dans les associations culturelles qui ont leur siège dans des petites villes, ce qui ne signifie pas, bien sûr, qu’il n’y a pas de bénévoles dans les grandes villes. De la même façon, la proportion de bénévoles est plus concentrée comparativement à celle des adhésions lorsque l’association culturelle a une activité de proximité. Une donnée qui par ricochet peut de nouveau laisser supposer une différence entre les grandes villes et les territoires ruraux, les grandes villes abritant proportionnellement davantage d’associations au rayonnement large et moins d’associations culturelles de proximité. D’où l'hypothèse selon laquelle, s’agissant des activités de proximité, la participation bénévole se concentre plutôt dans les petites villes. C’est précisément sur la base d’éléments comme ceux-là que nous souhaitons aller plus loin : le monde associatif fonctionne-t-il sur une base différente selon que l’on est en milieu rural ou en ville ?
Recours au bénévolat d’un côté, emploi de l’autre. Dans l’un et l’autre cas, ces éléments ne sont pas neutres sur le plan budgétaire.
Les « associations employeuses » sont en effet plus dépendantes des subventions publiques. Celles-ci représentent 36% de leur budget contre 19% pour les « associations non employeuses ». L’écart, on le voit, est très important. Les « associations non employeuses » compensent ce manque de subventions par les cotisations, et dans une moindre mesure par les dons, les legs et le mécénat, étant entendu que dans les deux cas, associations employeuses et non employeuses, les recettes d’activité – à hauteur de 45% du budget – sont équivalentes. Il faut noter enfin qu’un tiers seulement des associations culturelles perçoivent une subvention. Autrement dit, toute une partie du monde associatif culturel ne perçoit aucune subvention.
Connaît-on la provenance des subventions ?
60% des associations culturelles sont subventionnées exclusivement par une commune ou une intercommunalité. L’État, les départements, les régions jouent leur rôle mais le tissu associatif est essentiellement soutenu par les communes. Ce qui, du reste, n’est pas sans provoquer une forme d’inquiétude compte tenu du contexte budgétaire actuel.
Indépendamment de l’étude sur le monde associatif rural mentionnée précédemment qui pourrait voir le jour, d’autres travaux sont-ils prévus ?
Une étude sur les bénévoles devrait être publiée cette année. Elle repose sur une enquête conduite par l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (Injep) sur l’ensemble des bénévoles des associations. Nous sommes en train de traiter les données concernant les bénévoles des associations culturelles. La présente étude contient déjà un certain nombre d’informations mais celle de l’Injep, assortie d’informations sur la profession, le niveau de diplôme, les antécédents en matière d’activité culturelle..., permet véritablement de comprendre qui sont ces bénévoles qui s’engagent au profit d’associations.
"Les associations culturelles", une étude réalisée par le département des études, de la prospective et des statistiques du ministère de la Culture, Collection Culture Chiffres, 28 p., octobre 2024
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