C’était le 15 avril 1874, dans les anciens ateliers du photographe Nadar, boulevard des Capucines à Paris. Berthe Morisot, Edouard Degas, Claude Monet ou encore Auguste Renoir se rassemblaient sous forme de société anonyme coopérative pour ouvrir la première exposition impressionniste, un mouvement qui allait changer à jamais le cours de l’histoire de l’art. Un siècle et demi plus tard, le musée d’Orsay, qui abrite la plus grande collection du monde de ce courant, invite à replonger dans ces chefs-d’œuvre avec « Paris, 1874. Inventer l’Impressionnisme », du 26 mars au 14 juillet prochain.
Cette exposition comptera près de 130 œuvres, dont certaines « incontournables » de Monet, Renoir, Morisot, Sisley ou Pissarro. « Il y aura aussi Degas ou Cézanne qui exposèrent avec eux tout en restant inclassables, mais aussi des peintres comme Boudin ou Bracquemond dont les tableaux avaient auparavant été aperçus aux Salons officiels, et enfin tous ceux que l’histoire a un peu oubliés. Cet attelage bigarré avait la volonté de rompre avec un style imposé », explique Christophe Leribault, président des musées d’Orsay et de l’Orangerie. Parmi les tableaux qui vont être présentés au musée d’Orsay, certains figuraient déjà dans l’exposition de 1874. Les autres permettront de porter un regard neuf sur cette période clé de l’histoire, marquée par la guerre franco-allemande de 1870 et un contexte de crise. Cette exposition est co-organisée avec la National Gallery of Art à Washington où elle sera ensuite présentée dès le 8 septembre.
En parallèle, le musée proposera une véritable immersion dans la soirée d’inauguration de l’exposition de 1874 avec « Un Soir avec les impressionnistes », une expérience en réalité virtuelle. Pendant 45 minutes, les équipes d’Excurio et de Gedeon Experiences ont remonté le temps grâce à un long travail de recherche. Résultat : une reconstitution de cette soirée du 15 avril afin de la faire revivre aux visiteurs.
Des prêts partout en France et à l’étranger
Cette grande rétrospective ne s’arrêtera pas aux limites d’Orsay puisque l’an prochain, 178 œuvres quitteront l’enceinte de l’établissement pour être prêtées dans 34 musées en région, y compris en outre-mer, et à la Villa Medicis de Rome. « En 1974, pour le centenaire de l’impressionnisme, une grande exposition avait eu lieu au Grand Palais à Paris. C’est le mouvement inverse que nous avons voulu montrer en 2024 avec ces chefs-d’œuvre en partance dans plus de trente musées, souligne la ministre de la Culture Rima Abdul Malak. C’est une exposition d’une ampleur inégalée, une projection des collections nationales sur tout le territoire. » Ces tableaux ont été prêtés pour entrer en résonnance avec les lieux ou les villes – Le Citron de Manet viendra compléter l’annuelle moisson du jardin des orangers de la villa Médicis, La Cathédrale de Rouen de Monet ira rendre visite à sa voisine havraise – ou les collections des musées.
Parmi les tableaux prêtés, des incontournables comme Le bassin aux nympheas, harmonie verte de Monet ou Arrangement en gris et noir nᵒ 1, plus connu sous le nom de La Mère de Whistler, du peintre américain Whistler. Ces œuvres couvrent un large spectre temporel, allant même puiser dans les périodes pré et post-impressionnistes avec des tableaux de Daubigny ou Manet et jusqu’à Bonnard.
La nuit étoilée, prêtée près du lieu où elle fut peinte
D’autres tableaux s’insèreront dans une exposition thématique comme à Tourcoing, où le MUba Eugène Leroy a imaginé un ambitieux accrochage sur le thème du paysage impressionniste. Le musée a bénéficié d’un prêt exceptionnel de 57 œuvres des collections nationales. « Il était quasi inespéré pour nous d’en accueillir autant, s’enthousiasme Mélanie Lerat, la directrice-conservatrice. Cela va nous donner la chance d’explorer le thème de prédilection de l’impressionnisme qu’est le paysage et mettre face à face Le saule pleureur de Monet et l’œuvre d’Eugène Leroy. » C’est un véritable « printemps impressionniste » qui s’annonce à l’échelle de la métropole lilloise avec le Palais des Beaux-Arts de Lille et La Piscine de Roubaix, qui consacre une exposition aux enfants impressionnistes avec cinq œuvres prêtées, dont La petite danseuse de 14 ans de Degas.
À seulement quelques centaines de mètres de l’endroit où il fut peint, le tableau La Nuit étoilée sur le Rhône va découvrir la Fondation Vincent van Gogh d’Arles. De quoi concevoir, autour de cet événement, une exposition sur « Van Gogh et les étoiles » qui explore la passion pour la nuit du peintre néerlandais. « Il était notamment un lecteur passionné de Jules Verne et passionné par la cosmologie et la métaphysique : il était par exemple persuadé que les âmes des personnes disparues s’élevaient vers les étoiles », confie Jean de Loisy, commissaire de cette exposition.
En traversant la Méditerranée, les visiteurs pourront également découvrir, au Palais Fesch-musée des Beaux-Arts d’Ajaccio Le Bassin aux nymphéas, harmonie rose, de Claude Monet. Plutôt habitué à exposer des œuvres des Primitifs italiens et des peintres corses, le musée accueille pour la première fois l’impressionnisme dans ses salles. Le tableau sera associé à une création plus contemporaine de Fabrice Hyber, sur le thème de la transition écologique. « Il sera accompagné d’une série de conférences, de regards d’œuvres et d’un festival littéraire », précise le directeur Philippe Costamagna
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