Depuis sa première édition, en 2011, le Disquaire Day célèbre le lien qui unit les disquaires indépendants à leurs clients autour d’une passion commune : le vinyle.
Une dimension qui, cette année, aura encore davantage valeur de symbole en raison du contexte sanitaire. Entretien avec Thomas Changeur, cofondateur, avec Esther Marti, des Balades Sonores à Paris, l’occasion aussi d’évoquer les dossiers brûlants du moment.
À quand remonte votre participation au Disquaire Day ?
Quand nous avons ouvert nos magasins en janvier 2012, le Disquaire Day existait déjà, et nous avons immédiatement pris le train en marche. À l’image de ce qui s’est passé au plan national, l’événement, ensuite, n’a cessé de croître, aidé qui plus est par l’évolution du magasin. À côté de notre adresse initiale du 1, avenue Trudaine, nous avons en effet ouvert un second magasin en 2015. Cela, de facto, nous a permis d’avoir plus de place, d’éclectisme et de références. Or, cette ouverture coïncidait avec l’édition du Disquaire Day 2015 et nous en avons profité pour organiser un grand moment festif et convivial. Dernière étape en 2016 avec l’ouverture de notre magasin de Bruxelles qui participe lui aussi au Disquaire Day français.
Est-ce à dire que la formule du Disquaire Day correspond à l’esprit dans lequel vous avez créé les Balades Sonores ?
Les valeurs défendues par le Record Store Day américain, et sa déclinaison française, le Disquaire Day, correspondent en effet aux nôtres, à savoir défendre le vinyle, rester proche des clients et leur proposer des disques qu’ils ne vont pas trouver auprès de la grande distribution. Ces valeurs sont inscrites dans notre ADN, nous les défendons au quotidien. Le Disquaire Day est l’occasion de donner un coup de projecteur sur l’activité du disquaire indépendant mais aussi et surtout de fêter notre métier et la musique avec les clients qui nous suivent tout au long de l’année. Cette année, contrairement à l’année dernière où une partie des événements n’a pas pu avoir lieu du fait de la crise sanitaire, l’événement repart sur ses bases habituelles même si elles sont aménagées.
Qu’avez-vous prévu pour cette édition ?
Comme chaque année, nous avons fait une large sélection de disques auprès des labels et distributeurs français, ainsi qu’au niveau international puisque nous participons à la version japonaise du Record Store Day. Nous reprenons aussi, bien que dans une moindre mesure que les années précédentes, l’événementiel. Grâce à l’organisation du Disquaire Day, nous aurons ainsi une cabine DJ qui diffusera de la musique sur nos trottoirs et les terrasses environnantes pendant tout le week-end car nous serons également ouverts le dimanche.
Impossible de parler du Disquaire Day sans évoquer la situation sanitaire. Son impact n’est-il pas encore accru dans le contexte actuel ?
L’an dernier, les quatre éditions du Disquaire Day nous ont aidés à compenser les quatre mois de fermeture du printemps. Cette année, les choses sont différentes puisqu’à l’instar des librairies, nous avons été classés commerces essentiels et eu la chance de rester ouverts lors du dernier confinement. À partir de l’hiver, nous avons tous repris des couleurs même si les difficultés sont toujours là. En réalité, notre principal souci cette année sera d’ordre logistique : faire en sorte que le respect des contraintes sanitaires soit optimal. Nous avons la chance d’avoir un large trottoir étalé sur les deux devantures ce qui nous permettra, outre la cabine DJ, de mettre toutes les références du Disquaire Day à l’extérieur.
Le disquaire indépendant, un commerce inscrit dans le paysage local avec ses valeurs, son énergie et sa spécificité propres
De plus, le Disquaire Day est à la fois un événement mobilisateur et fédérateur…
Oui, absolument, et la solidarité à l’intérieur de la profession, déjà forte, s’est encore accrue avec la crise sanitaire. Il faut à cet égard saluer le travail du GREDIN, le syndicat qui regroupe les disquaires indépendants. Il a fédéré les énergies et mis à plat nos problématiques. Conséquence : les médias, entre autres, se sont davantage intéressés à nous. J’ai ainsi eu la chance de faire une interview croisée pour Libération avec des confrères de Metz et de Rennes.
Quels sont aujourd’hui les principaux enjeux pour la filière ?
C’est de continuer à exister et de ne pas être noyés face à la concurrence de la vente en ligne et de la grande distribution. À long terme, pourquoi le disque ne bénéficierait-il pas d’une TVA réduite ou d’un prix unique, comme le livre ? À moyen terme, c’est notamment de faire accepter auprès de nos distributeurs des autorisations exceptionnelles de retour sur les vinyles. Nous devons en effet vendre tout ce que nous achetons, or, quand on fait 99% de vinyles, c’est très difficile, d’autant qu’à l’autre extrémité, une grande enseigne a réussi à négocier un dépôt-vente auprès de ses fournisseurs, ce qui signifie qu’elle ne paye aucun disque. Nous ne nous battons pas à armes égales.
Et à court terme ?
À court terme, le disquaire indépendant doit continuer à être perçu comme un commerce inscrit dans le paysage local avec ses valeurs, son énergie et sa spécificité propres. Il est impossible pour un disquaire indépendant d’être exhaustif comme Amazon, mais nous devons en faire une force et non une faiblesse. Ce qui nous anime en tant que disquaire indépendant, c’est de créer un lien avec la clientèle et de faire vivre nos rayons grâce à cet échange. Chez nous, il y a par exemple énormément de sélections qui existent grâce aux clients : en nous commandant une référence, ils nous font parfois découvrir un label entier. Beaucoup de choses, à commencer par les aides de l’État et les sessions du Disquaire Day, nous ont sauvés en 2020. Mais pendant les premiers mois de confinement, nous avons pris conscience comme jamais de l’existence d’une communauté autour de nous. Nos clients nous ont donné l’énergie de nous accrocher. Le Disquaire Day sera l’occasion de les remercier et de rencontrer de nouveaux clients.
Partager la page