Depuis leur lancement il y a trente ans, les programmes « Courants du monde », destinés à accueillir les professionnels étrangers de la culture, ont réuni 3 500 bénéficiaires. Retour sur un succès avec Alban de Nervaux, chef du service des affaires juridiques et internationales, et Aurélie Latchimy, cheffe du bureau des affaires internationales et multilatérales, au ministère de la Culture.
Dialogue culturel, transfert d’expertise : les programmes Courants du monde sont un véritable instrument de rayonnement de nos politiques culturelles...
Alban de Nervaux : Absolument. Les deux dimensions sont pleinement assumées et complémentaires. La dimension dialogue parce qu’il serait inimaginable de concevoir ces séminaires comme étant à vocation uniquement unilatérale, sans qu’il y ait une réciprocité et un enrichissement mutuel dans l’échange. Mais nous assumons aussi pleinement la dimension d’influence auxquels ces programmes contribuent. Nous sommes fiers d’avoir tissé un réseau d’interlocuteurs privilégiés. Plus de 3 500 professionnels sont passés par ces programmes, certains d’entre eux ont été nommés par la suite à des postes clés sur l'échiquier culturel de leurs pays : ministres de la culture au Maroc et en Équateur, membres de cabinet en Afrique, au Québec…
Plus de 3 500 professionnels sont passés par ces programmes, certains d’entre eux ont été nommés à des postes clés sur l'échiquier culturel de leurs pays: ministres de la culture au Maroc et en Équateur, membres de cabinet en Afrique, au Québec…
Trois programmes, qui vont de séminaires collectifs à des séjours individuels, composent cette offre. Quelle est la spécificité de chacun ?
AdN : Dans les programmes collectifs, on distingue deux formats : « Itinéraire culture », format court de quinze jours, qui réunit une quinzaine de participants autour d’une thématique renouvelée chaque année – récemment, « l’art et la culture dans l’espace public », « le développement des publics », ou encore « la coopération et la création dans le monde francophone » – et permet de rencontrer des professionnels, de découvrir des institutions culturelles, et d’échanger sur des bonnes pratiques. « Résidence culture », programme individuel d’immersion dans une structure culturelle de un à trois mois qui permet d’approfondir un sujet de recherche ou de compétence et de tisser des liens privilégiés entre les institutions d’accueil et la personne. Enfin, le troisième format, « Séjour culture », d’une durée de cinq à quinze jours, est un programme semi-individualisé visant à accompagner le montage d’un projet concret.
Aurélie Latchimy : Pour ce dernier dispositif, ce que nous proposons, c’est vraiment du sur-mesure : la personne arrive avec un projet à développer, et aux côtés de notre prestataire, nous lui organisons un programme de rendez-vous parfaitement adapté à ses besoins. 200 professionnels sont accueillis chaque année. Qui plus est, nous essayons de diversifier les langues pour toucher des publics différents.
Quelles sont les structures qui accueillent les groupes en France ?
AL : « Itinéraire culture » et « Séjour culture » permettent d’aller à la rencontre des structures et des opérateurs culturels du réseau du ministère, mais aussi de festivals et de réseaux labellisés. Nous prenons garde à ce qu’il n’y ait pas uniquement des rendez-vous à Paris mais sur l’ensemble du territoire et à ce que les professionnels aient la vision la plus transversale possible des métiers de la culture. Enfin, il s’agit de séjours où se côtoient aussi bien des professionnels qui travaillent dans des musées que dans des théâtres ou des bibliothèques. Se mêler à des gens qui viennent d’autres secteurs de la culture enrichit la réflexion.
Les programmes s’adressent à tous les continents. Y a t-il malgré tout un continent ou des pays qui se détachent des autres ?
AL : Le contingent de participants le plus important vient du Brésil et d’Argentine, et ensuite du continent africain où l’espace francophone joue un rôle de premier plan.
On pense aussi au rôle du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et au relais que fournissent les postes pour communiquer l’information sur les programmes.
AL : Nous nous appuyons naturellement sur nos correspondants dans les postes et dans l’ensemble du réseau culturel français à l’étranger pour identifier les potentiels participants à ces programmes. Nous leur rappelons au passage qu’ils peuvent utiliser ces programmes pour détecter des personnalités avec lesquelles ils n’auraient pas encore eu l’occasion de travailler. Nous travaillons également beaucoup avec eux pour le suivi des personnes une fois qu’elles rentrent.
La crise sanitaire nous incite à nous adapter, à faire en sorte que notre offre en matière d’échange et d’influence puisse s’exprimer encore plus fortement en ligne
Comment entretenez-vous le contact une fois que les participants sont de retour chez eux ?
AL : La dimension animation du réseau des « alumni » – ces anciens des Courants du monde – une fois qu’ils sont rentrés, est vraiment très importante. Indépendamment du questionnaire remis à la fin de chaque séminaire, nous avons développé un autre type de questionnaire qui leur est adressé six mois puis un an après leur retour. On sait très bien que les projets conçus à l’issue de leur participation à nos programmes peuvent prendre du temps avant de se concrétiser. Nous avons aussi mis en place une plateforme pour garder le lien avec eux mais aussi pour qu’ils gardent le lien entre eux. Nous constatons souvent en effet que des participants de pays voisins n’ont pas l’opportunité de se rencontrer. Or, d’après les retours dont nous disposons, nombreux sont les projets opérationnels qui associent des participants étrangers d’une même région ou d’un même continent.
La crise sanitaire que nous traversons aujourd’hui aura forcément un impact sur les programmes…
AdN : La crise est un facteur d’incertitude et compromet, au moins pour 2020, ces programmes. En 2021, il est possible qu’il y ait un impact sur la capacité à avoir physiquement autant de participants que d’habitude. Par conséquent, la crise nous incite à nous adapter, à faire en sorte en particulier que notre offre en matière d’échange et d’influence puisse s’exprimer encore plus fortement en ligne.
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