Edition 2023-2024 - La photographie surcyclée
L’histoire de la photographie est caractérisée par une succession de techniques qui ne marquent pas toujours un progrès mais condamnent les précédentes à l’obsolescence. Cette dernière n’est pas toujours synonyme de disparition. Pour en rester aux derniers bouleversements, la révolution numérique, qui trouve aujourd’hui un prolongement dans l’intelligence artificielle, s’est accompagnée d’un engouement pour les procédés qui l’ont précédée et que le Collège international de photographie a placés au cœur de son projet. Cette redécouverte de l’anténumérique, qu’il faut, au-delà des techniques et des matériaux, étendre aux images produites, n’est souvent qu’une reprise qui, assimilable à un recyclage, vise la répétition. La nouvelle édition de la bourse de recherche-création du Centre d’expérimentation du Collège international de photographie entend, au contraire, susciter des projets qui, d’une manière ou d’une autre, se saisiront de la notion de surcyclage selon laquelle le processus de transformation fait gagner de la valeur à ce qui est repris.
Composition du jury :
- Michel Poivert, historien de la photographie, commissaire d'exposition et président du Collège International de Photographie
- Etienne Hatt, critique d'art, commissaire d'exposition et rédacteur en chef adjoint d'artpress
- Aurélie Pétrel, artiste, co-directrice du laboratoire d’expérimentation du Collège International de Photographie
- Fannie Escoulen, cheffe du Département de la photographie, DGCA , ministère de la Culture
- Sandrine Ayrole, responsable du soutien à la création photographique, Département de la photographie, DGCA, ministère de la Culture
Les deux lauréates sont Julie Laporte et Marie Sommer pour leurs projets respectifs : BE KIND RE USE et L’Archive verticale.
Marie Sommer
Artiste et chercheuse vivant et travaillant à Paris, ses sujets de recherches abordent la question des architectures et technologies obsolètes et leurs rapports à l’environnement et le vivant. A l’aide de photographies et vidéos créées à partir de lieux de conservation, de ruines ou d’archives, Marie Sommer interroge le rôle que les images ont dans notre perception de l’histoire.
Archive Verticale
« L’Archive verticale est un projet basé sur des recherches archivistiques qui portent sur le premier système de prise de vue satellite, entièrement argentique et mis en œuvre à partir de 1959 jusqu’à 1984 : le système Corona. Le projet propose de donner à voir cette technologie anténumérique au travers de la présentation des photographies qu’elle a produites, mais aussi des restes archivés de ses artefacts technologiques. Cette recherche invite à une relecture de l’histoire du regard vertical de la surveillance à partir d’une ancienne technologie aujourd’hui méconnue, mais qui contient les soubassements d’une technologie essentielle aujourd’hui : la télédétection. Aujourd’hui obsolètes, ces systèmes entièrement argentiques annoncent les prémices de l’usage des données et images satellites actuelles. » Marie Sommer.
Julie Laporte
Diplômée d’un Master photographie à l'Université Paris VIII, Julie Laporte commence son parcours de tireur-filtreur en 2016. Dans ses œuvres, l'artiste analyse et joue avec la matière photographique : basé sur le glanage des déchets de laboratoire, son approche questionne le devenir de cette matière-là. Elle a participé à plusieurs conférences autour de la notion de tirage et a également reçu le Prix du tirage Florence et Damien Bachelot à la BnF en 2022.
BE KIND RE USE
« La malléabilité du médium argentique permet d’innombrables mutations de son support. Par leur mise en volume, les dépouilles de ces surfaces quasi charnelles se transforment : peaux après peaux, elles muent, s'épuisent et laissent apparaitre leurs turbulences intérieures. Privilégiant la matérialité de la photographie plutôt que sa représentativité, ces peaux mutantes résistent à leur statut de rebuts et insinuent un intérieur qui les façonne. Faire peau neuve et se reconstruire sur les ruines du sensible.
Afin de poursuivre mes recherches autour du surcyclage des déchets de laboratoire, je souhaite réutiliser l’argent éliminé lors du passage d’un tirage baryté dans le bain de fixateur. Ce dernier dissipe les bromures d’argent non insolés qui sont laissés en suspens dans le bain, oubliés puis jetés. Cette matière invisible est la métaphore de réminiscences de chambre noire, contenant l’histoire et la chair des images que nous construisons chaque jour avec les artistes pour lesquels je travaille. » Julie Laporte
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